
Quand les sociétés agricoles familiales ne coulent pas toujours des jours heureux
Des numéros précédents de Farm Alert ont relaté les avantages de constituer en société une exploitation agricole1, les facteurs à considérer avant et après la constitution en société2 et l'importance de maintenir une société agricole pure de manière à tirer avantage de l'exonération cumulative des gains en capital en vue d'une vente éventuelle ou du transfert des actions de la société agricole familiale3. Le présent article aborde les questions à prendre en considération quand une société agricole familiale doit être abandonnée ou réorganisée. Quelques scénarios pratiques démontrent l'inconvénient de détenir des actifs agricoles au sein d'une société.
Mettre fin aux activités de l’exploitation agricole de son vivant
Lorsqu’aucun enfant n’a envie de poursuivre les activités de l’exploitation agricole, les actionnaires peuvent souhaiter liquider la société. Malheureusement, il n’y a aucune possibilité de différer l’impôt lorsqu’une propriété agricole est transférée d’une société à ses actionnaires. La société sera considérée avoir transféré les actifs à ses actionnaires à leur juste valeur de marché. Le transfert peut entraîner une récupération de la déduction pour amortissement demandée pour des biens amortissables (p. ex., machinerie, équipement, grange, véhicule et quota) et gain sur des biens en immobilisation (p. ex., terre agricole et quota). Les actifs que les actionnaires ne veulent pas garder doivent être vendus. L’impôt sur le revenu sera probablement payable par la société.
La distribution d’espèces (sur le produit de la vente des actifs après l’impôt) et le transfert des actifs restants aux actionnaires seront traités en tant que dividendes aux fins de l’impôt. L’inconvénient ici est que la société et les actionnaires doivent payer des impôts sur des actifs qui n’ont pas encore été vendus, et les actionnaires perdent l’occasion d’utiliser leurs exonérations cumulatives des gains en capital sur ces gains reconnus dans la société. Si les actionnaires conservent les espèces au sein de la société et les retirent pendant plusieurs années, ils peuvent tirer avantage de taux personnels d’imposition marginale plus faibles.
Fractionner l’exploitation
Souvent dans les exploitations agricoles, les enfants souhaitent fractionner l’entreprise en exploitations distinctes – par exemple, les opérations de traite à un enfant et la culture à un autre, ou bien les enfants reçoivent chacun une de deux fermes. Du point de vue de l‘impôt sur le revenu, il est plus facile de diviser les actifs détenus dans une société avec report d’impôt tant que les parents sont vivants et qu’ils contrôlent la société agricole.
Réorganiser ou fractionner l’exploitation où plusieurs individus sont impliqués peut entraîner des répercussions fiscales préjudiciables. Par exemple, si deux frères envisagent de constituer en société leur entreprise agricole, ils doivent comprendre qu’il sera difficile de « défaire » l’incorporation.
Décès d’un actionnaire
Lors du décès d’un actionnaire d’une société agricole familiale, les actions détenues au moment du décès peuvent être transférées au conjoint du défunt ou à ses enfants avec report d’impôt. Il est éventuellement possible d’utiliser l’exonération cumulative des gains en capital sur quelques-unes ou la totalité des actions détenues par le défunt. Des problèmes peuvent survenir après le décès de l’actionnaire quand les enfants qui ne participent pas à l’exploitation veulent recevoir immédiatement des espèces pour
leurs actions et que les enfants qui participent à l’exploitation veulent poursuivre les activités de l’entreprise agricole. L’option idéale pour les enfants exploitants consiste à ce que la société emprunte de l’argent pour racheter les actions des enfants non exploitants. La société pourrait déduire l’intérêt sur ce prêt. Le produit reçu par les enfants non exploitants sera considéré en tant que dividende et imposé à un taux qui est plus élevé que celui pour les gains en capital.
Il est plus probable que les enfants non exploitants préfèrent vendre leurs actions, déclenchant des gains en capital et la possibilité d’utiliser leur exonération cumulative des gains en capital (ou imposés à un taux plus bas que le taux d’imposition des dividendes). Dans une telle situation, les enfants exploitants peuvent être forcés à emprunter personnellement pour acheter les actions des enfants non exploitants. Alors que l’acheteur pourra probablement déduire l’intérêt payé sur ce prêt, tout retrait de la société par l’acheteur pour rembourser le capital et l’intérêt sera traité en tant que dividende.
Quand l’acheteur et le vendeur traitent ensemble sans lien de dépendance, il peut être possible de structurer la transaction de manière à ce que la société agricole assume le prêt. Quand la vente des actions a lieu entre des parties liées (p. ex., des frères et soeurs), la transaction est considérée être une transaction avec lien de dépendance en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu et par conséquent le prêt ne peut pas être assumé par la société agricole. Même si la Loi de l’impôt sur le revenu ne désigne pas certains individus (comme des cousins) comme « liés », il pourrait être difficile de convaincre l’Agence du revenu du Canada qu’une transaction de vente d’actions entre cousins a eu lieu entre parties sans liens.
Si les enfants du défunt souhaitent fractionner les opérations en entités distinctes, il peut y avoir des répercussions fiscales préjudiciables similaires au transfert d’actifs d’une société à ses actionnaires, tel que susmentionné. Aussi, la situation peut être complexe quand, lors du décès d’un actionnaire, les enfants non exploitants souhaitent garder les parts pour des raisons sentimentales et peuvent ne pas coopérer avec les enfants exploitants dans les prises de décision commerciales et toute réorganisation future de la société.
Conclusions
Les scénarios ci-dessus démontrent que transférer tous les actifs agricoles dans une société agricole familiale ne constitue pas toujours la meilleure stratégie. Généralement, la valeur importante d’une exploitation agricole sera attribuable à la terre agricole et au quota. Garder la terre agricole entre les mains d’un individu donne de la flexibilité pour de futurs transferts à imposition différée de parcelles de terre particulières à différents enfants, et offre aussi l’usage éventuel de l’exonération cumulative des gains en capital sur de futures augmentations de valeur de la terre.
Dans certaines circonstances, une société en nom collectif peut offrir plus de flexibilité en transférant les actifs avec report d’impôt aux associés quand les activités agricoles sont abandonnées. Quand le coût aux fins de l’impôt (prix de base rajusté) de l’intérêt de l’associé dans la société canadienne en nom collectif est égal au montant du coût total de la part au pro rata de l’associé dans le bien de la société, la Loi de l’impôt sur le revenu permet le transfert à l’abri de l’impôt du bien de la société aux associés. De plus, la société en nom collectif donne la possibilité d’allouer des gains en capital sur les ventes de biens aux associés afin qu’ils puissent utiliser leurs exonérations cumulatives de gains en capital.
Les questions de TPS et TVH sur les abandons d’activités agricoles ont été abordées dans un numéro précédent de Farm Alert4.
Votre conseiller Collins Barrow peut vous aider à comprendre ces questions et à déterminer la structure la plus efficace du point de vue fiscal pour votre planification de relève.