
Rapatriement de profits du Canada aux États‑Unis : comment s’y prendre
Dans cette nouvelle alerte fiscale, nous allons jeter un coup d’œil sur la planification du rapatriement. Plus précisément, nous examinerons les stratégies fiscales qui permettront le plus efficacement aux filiales canadiennes (représentées ici par une société fictive appelée « SOCAN ») des sociétés établies aux États‑Unis (« SOCAM ») de rapatrier des bénéfices vers ces sociétés mères.
Remises en espèces (dividendes ou remboursement de capital ?)
SOCAN peut reverser des bénéfices à SOCAM au moyen de dividendes ou d’un remboursement de capital (return of capital). Les bénéfices rapatriés sous la forme de dividendes sont assujettis à une retenue d’impôt de 25 % en vertu de la partie XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (« la Loi »). Et le taux de cette retenue peut être réduit à 5 % grâce à la convention fiscale Canada/États‑Unis (la « Convention »)i.
Il convient de noter que cet allègement sera refusé si le propriétaire bénéficiaire des dividendes concernés est en train de poursuivre ou a poursuivi des activités commerciales au Canada par l’intermédiaire d’un établissement stable (« ES ») implanté dans ce pays et si la société à laquelle les dividendes sont versés (la société mère) est liée de manière concrète à cet ES.
Si le capital versé (« CV ») est suffisant, SOCAN pourrait redistribuer les bénéfices au moyen d’un remboursement de capital libre d’impôtsii. Le calcul du CV des catégories d’actions concernées aura comme point de départ le capital déclaré de la catégorie en vertu du droit des sociétés. Le CV est plus ou moins égal au capital déclaré, dépendant d’ajustements prescrits par la Loi. Ces ajustements ont généralement pour objectif d’empêcher des sociétés d’affaires d’employer des transactions à impôt différé pour augmenter leur capital déclaré et, par voie de conséquence, amplifier leur CV.
Paiements interentreprises
Paiement d’intérêts d’un côté de la frontière à l’autre
À quelques exceptions près, les modifications apportées récemment au droit national canadien et à la Convention ont éliminé dans une large mesure la retenue d’impôt imposée par la partie XIII sur les intérêts payés par les résidents canadiens aux résidents américains. Les versements d’intérêts (de SOCAN à SOCAM) peuvent par conséquent s’avérer un moyen efficace de rapatrier des bénéfices aux États‑Unis.
Les règles relatives à la capitalisation restreinte ne devront toutefois pas être oubliées. Dans les grandes lignes, ces règles ont pour but de restreindre la déductibilité des intérêts versés par une société si les dettes concernées ont été contractées auprès de non‑résidents déterminés liés à la société et si ces dettes dépassent le seuil prescrit.
Frais intersociétés et frais de gestion
Dépendant de la nature de son entreprise, SOCAM peut conclure avec SOCAN des arrangements propices à l’obtention (par le premier) d’autres types de revenus, comme des frais de gestion, des loyers ou des redevances. En règle générale, ces revenus seront aussi assujettis à la retenue d’impôt de 25 % imposée par la partie XIII. Et grâce à la Convention, les taux appliqués dans ce contexte pourront aussi être réduits.
Il n’est pas rare qu’un non‑résident détenant une participation majoritaire dans une entreprise canadienne facture des frais de gestion à celle‑ci pour des services de conseil en gestion par exemple. Si le statut de résidence du bénéficiaire s’y prête et si celui‑ci est admissible aux critères établis par la Convention dans ce nouveau contexte, ces frais de gestion pourraient être entièrement exonérés de la retenue d’impôt imposée en vertu de la partie XIII, à condition qu’ils (les frais) soient traités comme un profit d’entreprise au regard de la Convention et que le bénéficiaire ne soit pas en train d’exercer des activités commerciales au Canada par l’intermédiaire d’un établissement permanent.
Les règles appliquées au Canada en matière de prix de transfert sont énoncées à l’article 247 de la Loi et comprennent une disposition permettant à l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) d’ajuster une transaction ou une série de transactions effectuée entre des parties liées et établie dans des conditions de non‑concurrence. Aux termes du paragraphe 247(4), tout contribuable constitué en société et engagé dans des transactions transfrontalières avec des parties liées est tenu de déterminer le prix de pleine concurrence de ces transactions et de les documenter, les contreparties payées ou reçues comprises. S’il est avéré que le contribuable n’a pas fait suffisamment d’efforts pour déterminer et utiliser des prix et des attributions de pleine concurrence, la loi infligera une sanction sévère à ce dernier, que l’ajustement apporté aux prix de transfert entraîne ou non une dette fiscale au Canada.
Prêts interentreprises
Prêts accordés à SOCAM
Les prêts aux actionnaires sont couramment utilisés par les entreprises et permettent aux actionnaires d’extraire des fonds de leur société tout en les encourageant à y investir. Un prêt accordé par SOCAN à SOCAM dans ce contexte pourrait toutefois entraîner des conséquences fiscales néfastes au Canada s’il est sans intérêt ou a un faible taux d’intérêt et/ou si la dette reste impayée pendant longtemps.
En règle générale, et sauf exception, la règle énoncée au paragraphe 15(2) en matière de prêts d’actionnaire et l’alinéa 214(3)a) de la Loi prévoient conjointement que tout prêt accordé par une filiale canadienne (SOCAN) à sa société mère américaine (SOCAM) ou à toute personne liée à cette dernière sera considéré comme un dividende aux fins des retenues d’impôt applicables. Les contribuables s’appuient le plus souvent sur ces deux exceptions pour éviter l’application du paragraphe 15(2) :
- l’exception liée à l’emploi d’un choix fiscal pour permettre à un prêt d’être traité comme un prêt ou une dette déterminée (l’exception « PODD ») ;
- l’exception liée aux cas où le prêt est remboursé moins d’un an après la fin de l’année d’imposition (du point de vue du préteur) au cours de laquelle il a été contracté (à condition toutefois que ce remboursement ne fasse pas partie d’une série de prêts ou d’autres transactions et remboursements).
Prêts octroyés par SOCAM
Le remboursement de prêts contractés auprès de SOCAM constitue un autre moyen de rapatrier des bénéfices aux États‑Unis, même si le rôle des opérations de change dans le remboursement des prêts transfrontaliers doit être pris en compte. Le paragraphe 39(2) est consacré aux dettes et obligations similaires effectuées en monnaie étrangère. Les gains ou les pertes provenant de la disposition de devises appartenant à des pays autres que le Canada sont, aux termes de cette disposition, réputés être un gain ou une perte en capital pour l’année.
Appuyés par notre expérience et notre expertise approfondies dans le domaine de la planification fiscale transfrontalière, nous pourrons vous aider à mieux comprendre les aspects complexes du rapatriement des bénéfices et des questions y ayant trait. Pour commencer, entrez dès aujourd’hui en contact avec l’un des conseillers de Baker Tilly.
- i Les taux appliqués dans le cas d’un actionnaire résidant aux États‑Unis et admissible aux avantages offerts par la Convention sont les suivants :
- Cinq pour cent du montant brut des dividendes si le propriétaire bénéficiaire est une société détenant au moins dix pour cent des actions avec droit de vote de la société versant les dividendes et
- Quinze pour cent du montant brut des dividendes dans tous les autres cas.
- ii Remarque : la réduction du capital versé peut être effectuée avant le paiement des dividendes.