
Planification de la relève dans le secteur agricole : points de vue sur le don aux enfants
Le bien agricole peut-il être transféré à la prochaine génération par donation? C’est une question courante souvent posée aux fiscalistes du secteur agricole. Ce thème prend de plus en plus d’importance puisque près de la moitié des exploitants agricoles au Canada sont âgés de 55 ans ou plus et se préparent en vue de la relève. La planification de la relève est le sujet le plus discuté entre les agriculteurs et leurs conseillers-fiscalistes. De plus, l’augmentation de la valeur des terres alimente le dilemme en générant des avoirs substantiels, ce qui complique la vie des agriculteurs voulant répartir leur succession de manière égale quand il y a des enfants actifs et non actifs participant à l’exploitation agricole. La relève présente bien plus de difficultés, et une solution traditionnelle d’assurance vie ainsi que des actifs non agricoles peuvent ne pas suffire pour égaliser la succession.
Bien sûr, il n’y a aucune solution sur mesure en matière de relève d’exploitation agricole. Cependant, il est essentiel de revisiter les règles qui régissent les dispositions de biens moyennant une contrepartie inférieure à la juste valeur de marché à un enfant, ce qui peut permettre d’atteindre un juste milieu entre frères et sœurs. Le don peut présenter des avantages tels que la réduction de votre succession et des frais d’homologation, le contrôle de qui reçoit le don et le partage du revenu potentiel entre les enfants adultes. Le don comprend néanmoins certains désavantages comme la perte de contrôle sur les actifs et les revenus associés, ainsi qu’une réattribution potentielle de revenus au cédant en vertu de certains articles de la Loi de l’impôt sur le revenu (conjoint, enfants mineurs et période d’acquisition de droits).
La loi comporte des règles qui permettent le transfert de biens agricoles admissibles à la génération suivante avec report d’impôt. L’agriculteur peut aussi utiliser le reste de son exemption pour gains en capital sur le transfert. Les paragraphes 73(3) et 73(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu présentent une interprétation quant au transfert du bien agricole et des actions d’une société agricole familiale ou d’une participation dans une société de personnes agricole familiale, respectivement, du vivant du propriétaire. De manière à en bénéficier, les actifs de l’exploitation agricole doivent être situés au Canada avant le transfert; l’enfant à qui le transfert est fait doit être un résident du Canada immédiatement avant le transfert; les actifs de l’exploitation agricole doivent avoir été utilisés principalement dans une entreprise agricole (généralement plus de 50 % du temps); et le contribuable ou le conjoint, l’enfant ou le parent du contribuable doivent avoir pris une part active sur une base régulière ou continuelle aux activités de l’exploitation agricole. La définition d’« enfant » comporte un sens élargi et comprend fille, fils, petits-enfants, arrière-petits-enfants, beau-fils, belle-fille, enfant adoptif, enfant du conjoint ou leurs conjoints qui sont des résidents du Canada. Les actions d’une société agricole familiale ou la participation dans une société de personnes agricole familiale sont admissibles si la totalité ou presque (90 %) de la juste valeur du marché (JVM) du bien détenu par la société ou la société de personnes est principalement utilisée dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise agricole au Canada. Les limites supérieure et inférieure permises lors du transfert des actifs de l’exploitation agricole sont les suivantes :
Type | Valeur la plus faible | Valeur la plus élevée |
Terre | Prix de base rajusté | JVM |
Bien amortissable |
Part proportionnelle de la fraction non amortie du coût en capital |
JVM |
BIA (bien en immobilisation admissible) |
4/3 de la part proportionnelle du montant cumulatif des immobilisations admissibles |
JVM |
Actions/participation dans une société de personnes | Prix de base rajusté | JVM |
Les stocks ne sont pas admissibles à un transfert avec report d’imposition.
Le bulletin d’interprétation IT-268R4 signale en outre des utilisations acceptables de dons de biens agricoles qui peuvent aider en planification testamentaire entre les enfants actifs et non actifs. Ainsi :
- Les dispositions partielles sont permises
- La terre peut être sectionnée pour un enfant afin d’y bâtir une résidence
- Le transfert peut être effectué à plusieurs enfants en parts indivises
- Le transfert peut être effectué de manière à obtenir une propriété conjointe ou des tenanciers en commun
- Le bien peut être transféré à une société de personnes si chacun des associés est un enfant du contribuable
- Le bien peut être transféré et un droit viager peut être conservé pour le conjoint ou le contribuable et son conjoint ou sa conjointe collectivement
Un autre avantage offert par le don est de potentiellement multiplier l’exemption pour gains en capital. Cependant, le paragraphe 69(11) de la Loi de l’impôt sur le revenu empêche l’effet de levier de l’exemption pour gains en capital, de telle manière qu’elle peut empêcher un contribuable de disposer d’un bien pour moins que la JVM si l’« objectif principal » de la série d’opérations est de bénéficier d’une déduction, notamment de l’exemption pour gains en capital. Pour éviter ce piège, l’enfant devrait attendre au moins trois ans avant d’utiliser l’exemption pour gains en capital s’il le désire. Si l’enfant dispose du bien ou prend des mesures en vue de disposer du bien avant 36 mois après le transfert, alors le gain pourrait être réattribué au cédant. Le résultat d’une réattribution au cédant peut avoir de graves répercussions fiscales, tout particulièrement si le cédant a utilisé la totalité de son exemption pour gains en capital, et peut provoquer éventuellement la perte de la Sécurité de la vieillesse, de l’impôt minimum de remplacement, du crédit en raison de l’âge et d’autres programmes d’aide subordonnée au revenu.
Rien n’oblige l’enfant à poursuivre les activités de l’exploitation agricole après le transfert libre d’impôt afin qu’il soit valide. Toutefois, si l’enfant disposait du bien après trois ans, son admissibilité à l’exemption pour gains en capital devra être déterminée au moment de la vente. De plus, sur les transferts de terres en Ontario, il y a des exigences supplémentaires qui doivent être respectées de manière à ce que l’exonération sur le transfert de terres s’applique (c.-à-d. que la terre était utilisée à des fins agricoles immédiatement avant le transfert, et que le but principal du transfert est de permettre au cessionnaire de poursuivre l’agriculture).
Généralement, les règles qui régissent le transfert des actifs à une valeur moindre que la juste valeur de marché peuvent être complexes et s’ajoutent aux difficultés présentées par les questions floues relativement au plan de relève; en d’autres mots, ce qui est juste et équitable pour les enfants de l’agriculteur.
Dans toutes les planifications de relève, il est essentiel pour la famille de décider de la voie à prendre et de permettre à un conseiller professionnel Collins Barrow de les assister tout au long du processus afin de traverser les embûches et les règles qui régissent les transferts entre vifs.