
Les règles fiscales régissant le transfert de fermes familiales sont en train de changer
Il est plus avantageux sur le plan fiscal de vendre une société d’exploitation agricole à un étranger qu’aux membres de sa propre famille. Le transfert intergénérationnel des fermes constituées en société a de tout temps été difficile, car la vente de ce genre de société au sein d’une même famille est imposée à un taux majoré et inférieur à celui appliqué aux cas où le vendeur et l’acheteur ne sont pas apparentés.
Nous sommes conscients de ce problème depuis plusieurs années et nombre de députés ont essayé de changer les règles à travers le temps pour y remédier. Des changements ont finalement pu être apportés il y a quelques mois, lorsque le projet de loi C-208 (qui a pour but de modifier les articles 55 et 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu) a reçu la sanction royale et est devenu loi le 29 juin 2021. Ces changements sont maintenant en vigueur même si les règles sont toujours évolution et si des mises à jour supplémentaires sont attendues dans les mois à venir.
Les modifications apportées à l’article 55
L’article 55 vise à empêcher des entreprises de transférer des actifs d’une société à une autre dans le but de réduire des gains en capital donnés – et par extension leur facture fiscale. L’article 55 le dit d’ailleurs à ceux qui songent à éviter l’impôt sur les gains en capital par ce moyen : « Vous n’en avez pas le droit ! » Il existe toutefois des règles qui permettront à une société de transférer des actifs à une autre société si elle (la première) n’est pas en vente. Le projet de loi C-208 a élargi ces règles afin de permettre également le transfert d’actifs entre des sociétés admissibles appartenant à des membres d’une même fratrie -ce qui peut s’avérer utile dans les situations où une société agricole est détenue par deux membres de la même fratrie et que ceux-ci décident de la diviser en deux et de transmettre leurs parts respectives à leurs enfants.
Les modifications apportées à l’article 84.1
Les éléments les plus problématiques du projet de loi C-208 sont les changements apportés à l’article 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu – une section qui a pour but d’empêcher des entreprises de transférer des actifs à des particuliers aux taux d’imposition appliqués pour les gains en capital plutôt qu’à ceux appliqués pour les dividendes, qui sont notamment plus élevés. À la suite de ces récentes modifications fiscales, un particulier pourra vendre des parts détenues dans une société admissible exploitée activement [eligible active business corporations] — les sociétés d’exploitation agricoles comprises — à une société contrôlée par ses enfants (ou ses petits-enfants) aux taux d’imposition appliqués aux gains en capital.
Mais cette loi n’est pas sans soulever des difficultés : les définitions fournies ne sont pas tout à fait claires et les références aux autres articles contenues dans celle-ci sont problématiques. Les fiches et les délais prescrits pour la production des déclarations et les pénalités infligées pour les cas d’inobservance ne sont pas non plus mentionnés. Le plus gros problème (notamment pour le ministère des Finances) réside dans le fait que les nouvelles règles n’exigent pas que la vente des parts de société concernées (qu’il s’agisse de fermes ou d’autres types d’entreprises) soit effectuée dans le cadre de successions. Un parent pourrait en effet vendre les actions de sa société d’exploitation agricole à la société détenue par sa progéniture tout en continuant à exploiter cette ferme pendant les 20 années qui suivront – et sans que ces règles puissent l’en empêcher. Le ministère des Finances compte amender prochainement le projet de loi afin de réserver cette occasion aux successions véritables.
Suivre l’exemple du Québec
Le Québec a sa propre Loi de l’impôt sur le revenu et des règles similaires à celles contenues dans le projet de loi C-208. La province a aussi des règles exigeant que le propriétaire qui est en train de vendre des actions ait participé activement aux activités de son entreprise avant la vente et transfère la gestion de cette entreprise à ses successeurs durant la transaction. En d’autres termes, le transfert intergénérationnel de la gestion et des opérations est requis dans une certaine mesure. Les règles exigent aussi le transfert de la participation du propriétaire initial afin que les actions et les parts détenues par celui-ci diminuent avec le temps, et à mesure que le successeur s’impliquera dans les activités de l’entreprise. Le ministère des Finances prévoit de faire prendre la même direction au projet de loi C-208 lors des révisions.
Et maintenant ?
Même si nous n’avons pas une idée précise des changements qui seront apportés, nous savons que les règles révisées seront applicables à compter du 1er novembre 2021 ou à la publication de l’avant-projet de loi final, selon ce qui vient après. Vous avez ainsi jusqu’à la fin d’octobre pour faire les choses en fonction des règles actuelles, le cas échéant.