
Le Canada signe la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales visant le BEPS
Le Canada a plus de 90 conventions fiscales bilatérales et plus de 20 accords bilatéraux d’échange de renseignements à des fins fiscales en vigueur, avec au moins une douzaine de conventions ou d’accords de plus en phase de négociation. Ce fait à lui seul met en lumière l’importance que de tels accords jouent au niveau de la fiscalité mondiale. Évidemment, les multinationales canadiennes et les filiales canadiennes de multinationales étrangères ont compris depuis longtemps les répercussions que les conventions fiscales peuvent avoir sur la manière dont leurs opérations transfrontalières intergroupes seront imposées.
Cependant, malgré leur importance globale, la mise à jour des conventions fiscales sur une base régulière pour assurer qu’elles prennent en compte la version la plus récente du Modèle de convention fiscale émis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n’a pas été possible puisque le Canada aura besoin d’entreprendre des négociations distinctes avec chacun de ses partenaires de convention. Même des changements assez simples ont pris des années pour être mis en place. Par exemple, les négociations qui ont mené aux changements de 2007 de la convention fiscale Canada-États-Unis ont commencé en 2000.
Lever le barrage
Le 7 juin 2017, le Canada et plus de 70 autres pays ont convenu de supprimer le blocage de renégociation en signant la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales visant à prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (appelée « instrument multilatéral »). Pour s’en assurer, son objectif consiste à fournir aux pays une manière de mettre à jour leur convention existante pour répondre aux normes minimales du projet visant à contrer l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (« BEPS ») en matière d’utilisation abusive des conventions et de règlement de différends sans avoir besoin de renégocier la convention elle-même.
La capacité de l’instrument multilatéral de contourner le processus usuel de renégociation est attribuée à ce qui suit :
- plusieurs options ont été développées qui permettraient à une convention de répondre aux normes minimales du projet BEPS relatives à l’utilisation abusive des conventions et de règlement de différends; et
- chacun des signataires a déjà accepté la formulation de chacune des dispositions requises pour mettre en place chacune des options.
Après la signature de l’instrument multilatéral, le Canada a dû indiquer quelle option il utiliserait pour répondre aux normes minimales du projet BEPS quant à l’utilisation abusive des conventions et de règlement de différends. Ce choix n’empêcherait pas le Canada d’utiliser d’autres options si la convention actuelle était renégociée.
Faire face à l’utilisation abusive des conventions – le critère de l’objectif principal
Le Canada a choisi d’utiliser le critère de l’objectif principal pour combattre l’utilisation abusive des conventions. Le critère, qui vise à ce que l’un des objectifs principaux d’une transaction ou d’une série de transactions soit d’obtenir les avantages de la convention de manière à ce que cela aille contre l’objet et l’objectif de la convention en question, est similaire à la disposition générale anti-évitement que l’on trouve dans la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada. Comme chacune de nos conventions est renégociée, le Canada a indiqué qu’il cherchera à inclure une disposition de restrictions des avantages similaire à celle que l’on trouve dans la convention fiscale Canada-États-Unis.
Les organisations multinationales seraient bien avisées de revisiter l’objectif principal de leurs transactions et structures transfrontalières les plus complexes afin de s’assurer que les objectifs principaux à cet égard ne sont pas reliés à l’obtention d’avantages fiscaux.
Option obligatoire d’arbitrage exécutoire choisie pour résoudre les différends en matière de conventions
L’expérience du Canada en arbitrage exécutoire obligatoire en vertu de la convention fiscale Canada-États-Unis a probablement influencé notre choix de cette méthode pour résoudre les différends en matière de conventions en vertu de l’instrument multilatéral.
Prochaine étape?
Il faudra encore un certain temps avant que l’instrument multilatéral entre en vigueur. Même après que l’instrument multilatéral ait été ratifié par le Canada, il ne s’appliquerait uniquement qu’à une convention en particulier après sa ratification dans le territoire étranger concerné. Le ministère des Finances fédéral a indiqué qu’au plus tôt l’instrument multilatéral entrerait en vigueur le 1er janvier 2019.
Le Canada a déjà soumis une liste de plus de 75 conventions bilatérales qui seront touchées par l’instrument multilatéral une fois que le Canada et le partenaire de convention en question auront tous deux ratifié l’instrument multilatéral. Nos conventions avec l’Allemagne, la Suisse et les États-Unis ont été remarquablement absentes de cette liste. Dans le cas des deux premiers pays, ces conventions sont en cours de renégociation et les dispositions pertinentes seront intégrées dans les conventions actuelles. Dans le cas des États-Unis, la convention actuelle répond déjà ou excède les normes minimales du BEPS dans les secteurs de l’utilisation abusive des conventions et de règlement des différends.
En résumé
Le processus qui a mené à l’adoption de l’instrument multilatéral a fourni aux gouvernements et à leurs autorités fiscales nationales une manière effective de traiter rapidement les changements relatifs aux conventions fiscales sans s’engager d’abord dans de longues renégociations pays par pays. Ceci leur permettra de répondre plus rapidement afin de combler d’éventuelles lacunes dans ces accords.
Les organisations multinationales devraient prendre le temps, d’ici un an ou deux avant que l’instrument multilatéral entre en vigueur, de revoir leurs structures et leurs transactions d’affaires. Si ces éléments ne répondaient plus au critère d’objectif principal, des mesures devraient être prises pour redresser les choses.