
Les règles proposées pour contrer la multiplication de l’accès à l’exonération cumulative des gains en capital
Le ministère des Finances propose, dans le document de consultation et le projet de loi qu’il a publiés le 18 juillet 2017, de limiter l’accès à l’exonération cumulative des gains en capital (ECGE), invoquant le fait que les règles fiscales actuelles ne limitent pas convenablement la multiplication de l’accès à l’ECGC et que, dans maints cas, les demandes d’exonération de chacun des membres de la famille ont pour but de mettre à l’abri les gains de l’entreprise familiale.
Nous nous intéresserons ici plus particulièrement aux règles destinées à limiter l’accès à l’ECGC dont bénéficient les différents membres d’une famille, que ce soit à titre de particuliers ou par l’intermédiaire d’une fiducie familiale, lorsque des stratégies de planification fiscale sont utilisées afin de réduire des gains en capital, alors que les particuliers en cause n’ont pas contribué à l’entreprise familiale.
Nous verrons en détail les règles transitoires et les cas échappant à l’application des modifications proposées, ainsi que les éléments à prendre en considération au chapitre de la planification future.
L’exonération cumulative des gains en capital : nouvelles restrictions
Les paragraphes proposés 110.6(12) et (12.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) visant à freiner la multiplication de l’accès à l’ECGC contiennent trois mesures générales :
- Les particuliers n’ont plus droit à l’ECGC relativement aux gains en capital qui sont réalisés, ou qui se sont accumulés, avant l’année au cours de laquelle ils atteignent l’âge de 18 ans. Cette règle n’a pas d’incidence sur la capacité du particulier de se prévaloir de l’ECGC sur tout gain accumulé après qu’il ait atteint l’âge de 18 ans.
- Les gains en capital imposables résultant de la disposition d’un bien inclus dans le revenu fractionné d’un particulier ne donnent plus droit à l’ECGC. Le mécanisme proposé pour l’application de cette restriction consiste à réduire le montant qu’un particulier peut déduire à titre d’ECGC de deux fois le montant du gain en capital imposable assujetti à l’impôt sur le revenu fractionné.
En outre, l’application d’un critère du caractère raisonnable déterminera si l’ECGC s’applique à l’égard d’un tel gain en capital. Ce critère est le même que celui qui figure dans les mesures proposées simultanément en vue d’élargir les règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné. Sous le régime actuel, ces règles ne s’appliquent pas aux particuliers déterminés adultes (âgés de 18 ans ou plus), mais les mesures proposées en étendent l’application aux particuliers déterminés qui reçoivent un revenu provenant de l’entreprise d’un particulier lié. Des critères spécifiques s’appliquent aux particuliers âgés de 18 à 24 ans.
De façon générale, le critère proposé du caractère raisonnable permettra d’évaluer la contribution d’un enfant à l’entreprise familiale, tant sous forme de travail que de capital, afin de déterminer si ce dernier devrait être assujetti à l’impôt au taux normal applicable ou au taux d’imposition le plus élevé. Le critère du caractère raisonnable est très subjectif, et le ministère des Finances n’a fourni aucune indication quant aux instances qui en administreront l’application.
- Les gains accumulés avant la distribution opérée par une fiducie ne donnent plus droit à l’ECGC. En d’autres termes, les particuliers ne pourront plus se prévaloir de l’ECGC à l’égard de gains en capital accumulés au cours d’une période pendant laquelle la fiducie était détentrice du bien. Au surplus, ces mesures s’appliqueront peu importe que la fiducie réalise le gain et le distribue au bénéficiaire ou que le bien soit distribué à son coût d’origine (dans le cadre d’un transfert en franchise d’impôt ou « roulement ») au bénéficiaire qui réalisera ultérieurement le gain. Dans un cas comme dans l’autre, l’ECGC ne pourra pas être demandée.
Il existe une exception à cette mesure si le bien est détenu par l’intermédiaire d’une fiducie au profit de l’époux ou du conjoint de fait ou d’une fiducie en faveur de soi-même dont le particulier qui demande l’ECGC est le principal bénéficiaire.
Certaines fiducies d’actionnariat à l’égard d’employés, dans lesquelles le bénéficiaire ayant droit au gain en capital est l’employé de l’employeur, sans lien de dépendance avec ce dernier, qui est le promoteur du mécanisme feront également exception à l’application du traitement précédemment décrit.
Cette exception tient compte des limites imposées par les règles fiscales actuelles aux modalités de ces fiducies de façon à empêcher la répartition du revenu et du fait que ces fiducies encouragent les employés à investir dans l’entreprise qui les emploie. Selon le ministère des Finances, ces dernières continueront d’aider les entreprises à assurer leur croissance, à créer des emplois et à innover.
Âge |
Mesures proposées relatives à l’ECGC |
Mineur |
Inadmissible à demander l’ECGC relativement aux dispositions postérieures à 2017, sous réserve de la règle transitoire applicable aux dispositions effectuées en 2018. |
Adulte |
Aucun montant d’ECGC n’est accordé relativement aux gains en capital provenant d’une disposition postérieure à 2017, sous réserve de la règle transitoire applicable aux dispositions réputées se produire en 2018, dans les cas suivants : • dans la mesure où le gain en capital s’est accumulé avant l’année au cours de laquelle le particulier a atteint l’âge de 18 ans ; • dans la mesure où le gain en capital s’est accumulé au cours d’une période dans laquelle une fiducie détenait le bien (sous réserve d’une exception applicable à certains gains en capital qui s’accumulent à l’égard d’un bien détenu par une fiducie admissible à l’ECGC) ; • dans la mesure où la partie imposable du gain en capital provenant de la disposition d’un bien est incluse dans le revenu fractionné d’un particulier en application des règles de l’impôt sur le revenu fractionné. |
Les mesures proposées s’appliqueront aux dispositions postérieures à 2017, mais des règles transitoires spéciales sont proposées pour l’année 2018.
Exercice d’un choix : disposition réputée en 2018
Les règles transitoires proposées permettront aux particuliers touchés de faire le choix de réaliser, à une date quelconque dans l’année 2018, un gain en capital relatif à un bien admissible par le truchement d’une disposition réputée pour un produit n’excédant pas la juste valeur marchande du bien. Les paragraphes 110.6(18) et (18.1) proposés permettront aux contribuables admissibles de constater les gains en capital accumulés relativement à certains biens admissibles à une date quelconque comprise dans l’année 2018, afin de mettre ces gains à l’abri en utilisant l’ECGC en 2017.
Un contribuable admissible pour une année d’imposition donnée peut être soit un particulier soit une fiducie ayant le statut de fiducie personnelle ou de fiducie d’actionnariat à l’égard d’employés. Des conditions supplémentaires s’appliquent à l’admissibilité.
Pour être admissible, un bien doit appartenir au particulier admissible sans interruption de la fin de 2017 jusqu’à la fin de la journée correspondant à la date de la disposition du bien, soit une date quelconque comprise dans l’année 2018. À la date de la disposition, le bien doit être un bien en immobilisation du contribuable et doit être soit une action admissible de petite entreprise soit un bien agricole ou de pêche admissible. Dans le cas de particuliers âgés de moins de 18 ans, le bien en question ne doit pas être une action d’une société.
Toutes les règles fiscales actuelles s’appliqueront aux gains en capital résultant de l’exercice du choix (p. ex., SPCC, critère de l’actif) ; toutefois, le critère de la période de détention de 24 mois ne devra être respecté que pour une période de 12 mois précédant la date de la disposition. Cette modification du critère de la période de détention vise à accorder au contribuable suffisamment de temps pour se prévaloir de l’ECGC sous le régime des règles existantes, grâce à l’exercice du choix.
Le choix prévu doit être exercé par le contribuable admissible selon les modalités prescrites par le ministre du Revenu national ; il doit être produit au plus tard à la date d’exigibilité de l’année dans laquelle le contribuable exerce le choix, la date de la disposition et la description du bien devant être fournies. La production tardive, la modification ou la révocation du choix seront possibles jusqu’en 2021, mais le paragraphe 110.6(28) interdit la révocation ou la modification lorsque le montant déterminé est supérieur à 110 % de sa juste valeur marchande à la date de la disposition. En outre, une pénalité sera appliquée à toutes les modifications, révocations et productions tardives autorisées.
Le montant proposé de la pénalité correspond à 1/3 de 1 % du gain en capital imposable afférent au bien admissible par suite de l’exercice du choix, multiplié par le nombre de mois écoulés depuis la date d’exigibilité (soit mai 2019, dans la plupart des cas, puisque l’échéance de production du particulier est le 30 avril). Des règles similaires s’appliqueront aux fiducies.
Éléments à prendre en considération au chapitre de la planification : que faut-il faire maintenant ?
Le ministère des Finances a invité les parties prenantes à s’exprimer sur les modifications proposées en ce qui a trait aux sociétés à capital fermé et à leurs actionnaires, y compris sur les modifications à l’ECGC. Dans leur version définitive, ces modifications pourraient donc avoir des conséquences moins importantes que celles que nous avons exposées. Quoi qu’il en soit, nous entrons dans une ère incertaine et sans doute difficile pour les sociétés à capital fermé et leurs propriétaires. Si les modifications proposées sont adoptées dans leur forme actuelle, les propriétaires d’entreprises auront intérêt à exercer le choix qui leur est offert si la valeur des biens admissibles en excède le coût de beaucoup, afin de se prévaloir de l’ECGC avant qu’elle ne soit plus accessible aux membres de la famille qui ne participent pas à l’entreprise. L’exercice de ce choix augmentera le prix de base rajusté des actions et atténuera le coût fiscal d’une vente ultérieure.
Afin d’être admissibles aux dispositions transitoires (critère des 12 mois d’utilisation de l’actif dans une entreprise exploitée activement) au 31 décembre 2017, les sociétés pourraient devoir procéder à une purification et se départir de tous les actifs susceptibles de menacer leur statut de SEPE dans la période de 12 mois précédant la disposition réputée. Le déclenchement d’un gain au moyen d’une disposition réelle (cristallisation) en 2017 pourrait être envisagé de manière à ce que les règles existantes s’appliquent. Une opération de ce genre peut être réalisée sans une vente réelle à un tiers.
Plusieurs enjeux, notamment ceux de l’évaluation, des répercussions fiscales aux États-Unis et de l’impôt minimum de remplacement, doivent être pris en compte dans le cadre de toute planification fiscale à cet égard.
Un conseiller fiscal de Collins Barrow peut vous aider à évaluer l’incidence que ces modifications proposées à la loi de l’impôt auront sur votre société à capital fermé et ses actionnaires et à prendre les mesures qui s’imposent pour en atténuer les répercussions.