
Conseils au ministère des Finances sur les règles proposées pour les transferts intergénérationnels
Chez Baker Tilly Canada, nous croyons qu’il est de notre devoir d’utiliser nos connaissances pour assurer l’intégrité et l’impartialité du système fiscal canadien.
Le budget de 2023 a proposé des amendements aux règles appliquées aux transferts intergénérationnels d’entreprises et c’est un pas dans la bonne direction. Mais il est aussi à craindre que les modifications donneront des résultats fiscaux injustes dans certaines situations.
Notre comité consultatif national sur la fiscalité a en conséquence envoyé une lettre au ministère des Finances pour leur faire part de nos principales inquiétudes en la matière et pour leur proposer des recommandations et des solutions pour la résolution des questions soulevées.
Vous êtes cordialement invité à lire cette lettre ou de la télécharger, que vous ayez dans l’idée de transférer prochainement votre société à la génération qui vous succédera ou ayez simplement envie d’en savoir plus sur ce sujet important.
Si vous avez des questions particulières sur les transferts intergénérationnels, veuillez entrer en contact avec l’un des conseillers de Baker Tilly.
Trevor McGowan
Sous‑ministre adjoint associé
La direction de la politique de l’impôt
Ministère des Finances Canada
Modifications proposées pour l’article 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu en vertu des transferts intergénérationnels d’entreprises
Monsieur,
Au nom du secteur des petites entreprises, Baker Tilly Canada vous remercie, ainsi que les membres de votre équipe au ministère des Finances, pour le dévouement que vous avez démontré et pour le travail acharné que vous avez fourni en vertu des règles appliquées aux transferts intergénérationnels.
Lors de l’examen des amendements proposés pour l’article 84.1 par le budget de 2023, nous avons toutefois identifié des situations qui risquent de produire des résultats incompatibles avec la politique visée. La diversité des transferts intergénérationnels d’entreprises à l’esprit, nous avons décidé d’utiliser notre vaste expérience de travail avec des clients pour vous fournir des perspectives qui, nous l’espérons, entraîneront des révisions mineures (et positives) dans l’avant‑projet de loi et assureront, par voie de conséquence, un juste équilibre entre la certitude des contribuables et le maintien de l’intégrité de la Loi de l’impôt sur le revenu dans ce secteur. Vous trouverez dans le document ci‑joint un examen concis des questions en jeu ainsi que de brèves recommandations pour leur résolution.
Notre comité consultatif national sur la fiscalité représente l’ensemble des bureaux de Baker Tilly à travers le pays. Vous trouverez ci‑dessous les noms des membres (de ce comité) qui ont contribué à la rédaction de notre lettre ; ils vous seraient reconnaissants de tenir compte des points soulevés :
M. Mike Hayward, CPA, CA, CPA (Illinois) | Ottawa, Ont. |
Mme Rosa Iuliano, M.Acc., FCPA, FCA | Ottawa, Ont. |
M. Rock Lapalme, CPA, CA, TEP | Sudbury, Ont. |
M. Greg Leslie, CPA, CA, TEP | Dartmouth, N.‑É. |
Mme Sarah Netley, MAcc, MTax, CPA, CA, TEP | Courtice, Ont. |
M. Mark Sherritt, CPA, CA | Vancouver, C.‑B. |
M. Riccardo Zerbino, LLM, CPA | Montréal, QC |
Nous serons heureux de discuter des recommandations fournies par notre équipe, au cas où vous auriez besoin de précisions ou d’éclaircissements. Pour nous rejoindre, veuillez entrer en contact avec Mme Brenda Scott à blscott@bakertilly.ca.
Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments respectueux.

Mike Hayward, CPA, CA, CPA (Illinois)
Président du Comité consultatif national sur la fiscalité
Baker Tilly Canada
Le Comité consultatif national sur la fiscalité
Baker Tilly Canada
Questions soulevées par les règles proposées en matière des transferts intergénérationnels d’entreprises (TIE) et recommandations sur le sujet
1. Le contrôle exercé immédiatement avant la disposition [les paragraphes 84.1(2.31)(a) et 84.1(2.32)(a)]
Détails :
L’identité de la (des) personne(s) autorisée(s) à contrôler la société en cause immédiatement avant la vente a été décrétée par les règles nouvellement proposées. Il est notamment exigé par ces dernières que « le contribuable, seul ou avec un époux ou conjoint de fait, contrôle la société en cause » et qu’aucune « autre personne ou groupe de personnes ne la contrôle directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit ».
Premier sujet de préoccupation :
La règle permettant au contribuable de contrôler la société en cause « avec » une autre personne pourrait empêcher de nombreux transferts intergénérationnels d’entreprises (TIE) légitimes de tirer parti des nouvelles règles, un fait somme toute contraire à la politique fiscale à l’origine des propositions. Il a notamment été établi par la jurisprudence que lorsqu’une personne (ou groupe de personnes) particulière est en contrôle d’une société, une autre personne/groupe de personnes ne peut aussi être réputée la contrôler. L’alinéa 256(1.2)b) a été introduit en réponse, mais celui‑ci ne peut être appliqué qu’en vertu des règles d’association promues à l’article 256 – d’où les incertitudes suscitées dans ce contexte par les règles proposées.
Prenons un exemple où un contribuable détient 49 % des actions avec droit de vote d’une société en cause et son époux détient le reste (51 %). En l’absence d’une disposition semblable à celle promue par l’alinéa 256(1.2)b), le contribuable ne sera pas mesure de contrôler la société en cause en compagnie de son époux, ce dernier étant en train d’exercer un contrôle de droit sur la société.
Si une disposition analogue à celle publiée à l’alinéa 256(1.2)b) est introduite pour remédier à la situation et permettre au contribuable et à son conjoint de contrôler ensemble la société, il faudra aussi tenir compte des contribuables qui ne détiennent pas d’actions avec droit de vote et seront, en conséquence, dans l’incapacité de former un groupe dirigeant (controlling group) avec leurs époux.
Deuxième sujet de préoccupation :
L’exigence selon laquelle le contrôle doit demeurer uniquement entre les mains du contribuable et/ou de son époux ou conjoint de fait ne tient pas compte de situations familiales dynamiques où le contrôle est exercé conjointement par plusieurs membres de famille/personnes non liées et pourrait empêcher ici aussi de nombreux TIE légitimes de tirer parti des nouvelles règles (un fait qui va également à l’encontre de la politique fiscale à l’origine des propositions).
Premier cas :
Un contribuable détient 50 % des actions ordinaires avec droit de vote d’une société agricole ou de pêche familiale et son enfant détient les 50 % restants. Le contribuable et l’enfant sont tous deux engagés activement dans l’exploitation de l’entreprise et le capital social est structuré de la manière indiquée depuis que la société en cause a été constituée en société. Le contribuable compte transférer sa participation (50 %) à la société de son enfant parce qu’il va bientôt prendre sa retraite.
Deuxième cas :
Un contribuable et sa sœur détiennent chacun une participation de 50 % dans une société exploitant une petite entreprise manufacturière. Les deux ont l’intention de prendre leur retraite et de transmettre l’entreprise à leurs enfants respectifs. Aucun des deux ne contrôle la société en cause.
Les exigences des alinéas 84.1(2.31)a) et 84.1(2.32)a) ne pourront être satisfaites dans aucun de ces deux exemples courants, laissant présager un traitement fiscal inéquitable (concernant notamment l’octroi du statut de TIE véritable) pour certaines des entreprises familiales engagées dans des transferts intergénérationnels – surtout lorsque l’on tient compte des manières dont le capital social est structuré dans les exploitations agricoles familiales.
Troisième sujet de préoccupation :
L’exigence selon laquelle aucune autre personne ou groupe de personnes ne doit contrôler directement ou indirectement et de quelque manière que ce soit la société en cause (voir plus haut pour la citation) peut également empêcher certaines TIE véritables de bénéficier des avantages offerts par les nouvelles règles.
Prenons un exemple où un contribuable, son conjoint et son frère/sa sœur détiennent chacun un tiers des actions ordinaires avec droit de vote d’une société. Dans ce cas-ci, le contrôle de la société en cause est réputé être exercé par le contribuable et son conjoint.
Les deux envisagent maintenant de vendre leur participation conjointe (deux tiers des actions susmentionnées) à une société contrôlée par leurs enfants. L’exigence selon laquelle aucune autre personne ou groupe de personnes ne doit contrôler la société en cause pourrait présenter un obstacle si le frère/la sœur du contribuable est vu comme un membre du groupe dirigeant et ne pourra en conséquence être satisfaite.
Quatrième sujet de préoccupation :
Les mots « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » ne permettront pas à des membres de la famille d’exercer un contrôle de fait immédiatement avant la vente, le contribuable et l’époux étant seuls habilités à le faire. L’élargissement de la portée du terme « contrôle de fait » au paragraphe 256(5.11) empêchera de plus de nombreuses sociétés agricoles familiales de bénéficier des règles établies pour les TIE. Dans la plupart des successions réussies, l’enfant (ou les enfants) s’est par exemple vu confier des rôles dans la gestion opérationnelle et stratégique de la société familiale (qu’il ait détenu ou non des actions avec droit de vote) afin d’acquérir progressivement de l’expérience dans son exploitation. Lorsque les parents ont été prêts à abandonner le contrôle de droit, il (l’enfant) faisait presque certainement partie du groupe possédant le contrôle de fait.
Recommandation :
Nous sommes d’avis que les alinéas 84.1(2.31)a) et 84.1(2.32)a) ne sont pas nécessaires et peuvent être supprimés sans nuire à l’intégrité des transferts intergénérationnels authentiques (les alinéas restants des paragraphes 84.1(2.31) et 84.1(2.32) fournissant conjointement les dispositions légales essentielles au maintien de l’intégrité des règles établies pour les TIE).
Si la suppression n’est pas souhaitable, nous recommandons que les alinéas 84.1(2.31)a) et 84.1(2.32)a) soient modifiés d’une manière à permettre à d’autres régimes de propriété dans le secteur des entreprises familiales d’être aussi admis (un fait qui ne manquera pas de rendre plus équitable l’application des règles établies pour les TIE). Le texte proposé ci‑dessous à titre d’exemple n’étendra pas la portée de ces règles au‑delà de la politique fiscale visant à privilégier uniquement les transferts intergénérationnels d’entreprises authentiques, tout comme les exemples fournis plus haut :
(a) immédiatement avant la vente des actions de la société en cause (une période appelée « moment de la disposition » au présent paragraphe), la société en cause est contrôlée par :
- le contribuable ;
- un enfant du contribuable ;
- une personne liée à la personne décrite aux sous‑alinéas (i) ou (ii) ou
- un groupe composé des personnes décrites aux sous‑alinéas (i), (ii) et (iii).
2. L’interaction des alinéas (a) et (c) des paragraphes 84.1(2.31) et 84.1(2.32)
Détails :
Les alinéas 84.1(2.31)c) et 84.1(2.32)c) exigent qu’à « tout moment postérieur au moment de la disposition, le contribuable, seul ou avec son époux ou conjoint de fait, ne contrôle pas... la société en cause »
Sujet de préoccupation :
L’interaction des alinéas (a) [les modalités de contrôle] et (c) [les modalités de renoncement] des paragraphes 84.1(2.31) et 84.1(2.32) ne permet pas l’établissement de TIE véritables lorsque deux transactions distinctes ou plus sont impliquées. Les alinéas (a) exigent que le contribuable soit en contrôle de la société (seul ou avec son conjoint) immédiatement avant la vente alors que les alinéas (c) exigent que le contribuable (seul ou avec son conjoint) renonce pour de bon à ce contrôle immédiatement après la vente.
Prenons l’exemple d’un contribuable qui détient 100 % des actions ordinaires avec droit de vote d’une société exploitant une petite entreprise admissible (qualified small business corporation) et satisfait, en ce faisant, les critères promus à l’alinéa (a) en vertu des modalités de contrôle. Ayant décidé de transférer la société à son enfant, il vend 51 % de ses actions à ce dernier, ce qui lui permet de remplir le critère de renonciation énoncé à l’alinéa (c). Pour compléter la TIE, il devra vendre plus tard les 49 % qui restent, au moyen d’une ou de plusieurs dispositions supplémentaires. Ces dispositions ultérieures ne satisferont toutefois pas les alinéas (2.31)a) ou (2.32)a) [selon le cas] en matière des modalités de contrôle.
Le contribuable a conservé la participation restante (49 %) – sous la forme d’actions ordinaires ou d’autres types actions (après l’échange de ces actions ordinaires), comme des actions appartenant à une catégorie exclue – poussé probablement par des exigences commerciales ou réglementaires légitimes. L’empêcher de bénéficier des règles nouvelles lors des dispositions d’actions subséquentes semble ici aussi contraire à la politique fiscale à la base des amendements proposés.
Recommandation :
Le problème soulevé ci‑dessus peut être résolu par le retrait complet des alinéas 84.1(2.31)a) et 84.1(2.32)a), comme recommandé pour la première question discutée dans ce document. Si ces alinéas sont toutefois maintenus, la difficulté pourrait être résolue par l’ajout d’une disposition déterminative au paragraphe 84.1(2.3) pour stipuler par exemple que le contribuable sera réputé avoir rempli les conditions des alinéas 84.1(2.31)a) ou 84.1(2.32) a) – selon le cas – s’il a satisfait les critères des alinéas (a) et (c) durant la première vente d’actions.
Une autre solution serait d’évaluer le transfert de gestion d’une manière plus large dans le cadre des dispositions législatives y ayant trait. Il s’agira notamment de savoir si la série d’opérations à laquelle appartient la transaction est arrivée à répondre à ces critères :
- Au début de la série, le contribuable ou d’autres parties liées (comme recommandé pour la question 1) contrôlait la société en cause ;
- À la fin de la série, le contribuable a renoncé pour de bon au contrôle de la société.
3. La participation active des enfants [les sous‑alinéas 84.1(2.31)f)(ii) et 84.1(2.32)g)(ii)]
Détails :
Les sous‑alinéas 84.1(2.31)f)(ii) et 84.1(2.32)g)(ii) exigent que « l’enfant ou au moins un membre du groupe d’enfants, selon le cas, participe activement, de façon régulière, continue et importante (au sens de l’alinéa 120.4(1.1)a)) à une entreprise pertinente de la société en cause ou d’une entité pertinente du groupe ».
Sujet de préoccupation :
La règle de la ligne de démarcation très nette (bright‑line test) est assujettie à un paramètre très rigide à l’alinéa 120.4(1.1)(a) de la LIR – vingt heures de travail par semaine au minimum – et pourrait en conséquence ne pas offrir suffisamment de souplesse dans le contexte des TIE (contrairement à un critère factuel). Certains transferts véritables risquent en l’occurrence de ne pas être admis, même si toutes les opérations de la société en cause sont vraiment reprises par l’enfant.
Dans les cas par exemple où :
- Les tâches de gestion exercées précédemment par le contribuable sont occupées par plusieurs de ses enfants, qui n’arrivent par conséquent pas à atteindre la barre de vingt heures par semaine et par personne.
- La société en cause est composée de plusieurs entreprises et l’enfant doit s’occuper de plusieurs d’entre elles à la fois ; la règle de la ligne de démarcation très nette n’arrivera pas ici aussi à être satisfaite.
- La société a été forcée de fermer ses portes en raison de circonstances extraordinaires (comme une pandémie) ou l’enfant/les enfants a pris un congé temporaire – comme un congé de maternité, un congé de paternité ou un congé de maladie (d’où le non-respect du critère de démarcation).
Il n’est pas toujours évident de savoir si une société est en train d’exploiter une entreprise unique à divisions multiples ou si elle est composée de plusieurs entreprises distinctes. Ce fait rendra les choses plus compliquées et plus confuses pour les propriétaires de petites entreprises et les agriculteurs.
Recommandation :
Les sous‑alinéas 84.1(2.31)f)(ii) et 84.1(2.32)g)(ii) devront vraisemblablement être modifiés afin de régler les problèmes susmentionnés, de faciliter l’admissibilité des TIE vraiment authentiques et de prévenir l’usage abusif de règles incompatibles avec la politique fiscale sous‑jacente.
Par exemple, ces deux sous‑alinéas pourraient plutôt exiger que l’enfant participe « activement, de façon régulière, continue et importante » aux activités de l’entreprise au sens de la définition fournie au paragraphe 120.4(1) pour les entreprises exclues et en ne tenant pas compte de l’alinéa (b) de la définition. Si la règle de vingt heures devait être maintenue, il serait avantageux d’ajouter une disposition légale propice à la prise en compte des heures cumulées par un ou plusieurs des enfants du contribuable dans toutes les entreprises visées.
4. L’interaction du critère de l’engagement actif et du critère de gestion [les alinéas 84.1(2.31)f)/(g) et 84.1(2.32)g)/(h)]
Description :
Les sous‑alinéas 84.1(2.31)g)(i) et 84.1(2.32)h)(i) exigent que la gestion soit transférée aux enfants visés aux sous‑alinéas 84.1(2.31)f)(ii) et 84.1(2.32)g)(ii) respectivement.
Sujet de préoccupation :
Ces dispositions pourraient potentiellement forcer le contribuable à transférer la gestion de son entreprise à un (ou des) enfant qui est activement engagé dans l’exploitation de l’entreprise, mais qui n’a pas l’intention ni la capacité de la gérer (il n’est en effet pas rare de trouver des sociétés où l’un des enfants a les qualités nécessaires pour gérer l’entreprise et l’autre s’intéresse à la fourniture de travaux qualifiés).
Les sociétés à entreprises multiples sont aussi un souci, dans les cas par exemple où un enfant est la bonne personne pour gérer une entreprise particulière au sein du groupe (ou y travailler) et un autre est la personne rêvée pour en gérer une autre (ou y travailler), mais pas vice‑versa.
Recommendation :
Nous recommandons que les sous‑alinéas 84.1(2.31)g)(i) et 84.1(2.32)h)(i) soient modifiés dans le but d’exiger que la gestion soit transférée à un enfant (ou aux enfants) qui a le contrôle de l’entreprise ou qui est membre du groupe dirigeant plutôt qu’aux enfants engagés activement dans son exploitation. La prise en charge de la gestion par l’enfant/les enfants détenant le contrôle et la renonciation aux fonctions de gestion par le(s) fondateur(s) sera vraisemblablement suffisante pour limiter l’application des règles proposées pour les TIE véritables, qui impliquent le transfert des fonctions de gestion à la génération qui suit.
5. Les exceptions fournies aux sous‑alinéas 84.1(2.3)c)(i) et (ii)
Détails :
Ces dispositions ont pour but de permettre aux contribuables qui n’arriveront pas à remplir les conditions imposées aux alinéas (f) et (g) du paragraphe 84.1(2.31) et aux alinéas (g) et (h) du paragraphe 84.1(2.32) [selon le cas] du fait que leur enfant (ou leurs enfants) a vendu les actions reçues avant la fin du délai imposé (trente‑six mois après la disposition) d’être réputés avoir satisfait ces conditions. La disposition déterminative exige notamment que « toutes les participations dans toutes les entreprises pertinentes... détenues, directement ou indirectement, par l’enfant ou les enfants, soient incluses dans la disposition ».
Sujet de préoccupation :
L’exigence selon laquelle l’enfant doit vendre « toutes les participations dans toutes les entreprises pertinentes » aura pour effet de lier toutes ces entreprises ensemble et de limiter (par voie de conséquence) la capacité de l’enfant à prendre certaines décisions commerciales durant la période prescrite par la législation.
Prenons l’exemple d’un enfant qui a acquis deux sociétés de son parent. L’une (« Opco ») exploite activement une entreprise alors que l’autre (« Realco ») est propriétaire du terrain et du bâtiment utilisés exclusivement par la première. Opco est une société en cause et ses actions sont des actions admissibles de petite entreprise (qualifying small business corporation shares [QSBC shares]). Il en est de même pour Realco.
Opco sera considérée comme une entité pertinente de groupe vis‑à‑vis de Realco, parce que le statut des actions de Realco (des actions admissibles de petite entreprise) dépend de l’entreprise pertinente d’Opco. Si l’enfant décide de vendre les actions de Realco avant la fin de la période de trente‑six mois (voir plus haut pour les détails) afin d’investir dans un immeuble plus durable sur le plan de l’environnement et mieux adapté aux plans d’expansion d’Opco, il sera obligé de vendre également les actions d’Opco pour répondre aux exigences de la disposition déterminative promue à l’alinéa 84.1 (2.3)c). L’exigence selon laquelle les actions d’Opco doivent être incluses dans la vente (en vertu de cet alinéa) s’avérera également problématique pour l’acheteur de Realco, si l’acquisition d’Opco ne lui est d’aucun intérêt.
Recommandation :
Nous recommandons le retrait de l’exigence selon laquelle l’enfant (ou les enfants) doit vendre toutes les participations détenues par lui dans toutes les entreprises pertinentes (les sous‑alinéas 84.1(2.3)(i) et (ii)). Une autre solution serait de limiter l’exception à la disposition des participations détenues dans l’entreprise pertinente mise en vente (au lieu de l’appliquer aux participations détenues dans toutes les entreprises pertinentes). La démarche pourrait être accompagnée d’une exigence voulant que l’enfant/les enfants reste activement engagé dans l’exploitation des entreprises pertinentes qui ne sont pas assujetties à la disposition durant le reste de la période prescrite par la législation.
6. L’entité pertinente du groupe
Description :
Les sous‑alinéas 84.1(2.31)c)(iii) et 84.1 (2.32)c)(iii) fournissent la définition suivante pour le terme « entité pertinente du groupe » : « toute autre personne ou société de personnes... qui exploite, au moment de la disposition, une entreprise exploitée activement... qui est pertinente pour déterminer si les actions concernées remplissent les conditions prévues au sous‑alinéa b)(iii) »
Préoccupation générale :
Dans sa formulation actuelle, la définition peut occasionner le liage de plusieurs entités commerciales indépendantes. Cette mise en relation peut empêcher les entrepreneurs qui détiennent plusieurs entreprises indépendantes de remplir les conditions établies pour les TIE ou les pousser à prendre des décisions commerciales inconvenantes pour respecter ces conditions. Voici des exemples spécifiques des difficultés à craindre :
Premier sujet de préoccupation :
La définition n’englobe pas uniquement les personnes ou les sociétés en nom collectif qui sont sous l’autorité du contribuable ou de son conjoint ou conjoint de fait. Les conditions exigeant le transfert de la gestion de toutes les entreprises pertinentes peuvent entraîner un transfert de gestion inopportun à un enfant.
Prenons un exemple où la société en cause est une ferme familiale qui doit la totalité ou la quasi‑totalité de sa valeur à une participation de 50 % dans une société de personnes agricole familiale. L’entreprise exploitée activement par la société de personnes sera, au vu de cela, considérée comme une entreprise pertinente de la société en cause. Il se trouve aussi dans l’exemple que la participation restante dans la société de personnes (50 %) est détenue par le frère (ou la sœur) du contribuable et ce frère est le gérant de la ferme. Le contribuable vend la société en cause, qui repose sur une participation de 50 % dans la société de personnes agricole.
L’exigence du sous‑alinéa 84.1(2.31)g)(i) ou 84.1(2.32)h)(i) ne sera pas satisfaite dans le scénario décrit ci‑dessus, du fait que le frère ou la sœur est en train de gérer la ferme. En conséquence, le contribuable ne pourra pas transférer la gestion de sa société et ne pourra satisfaire le critère d’admissibilité au statut de TIE. Pour remédier à cette situation, le frère ou la sœur sera contraint de renoncer en partie ou pleinement à la gestion de l’entreprise agricole, ce qui ne sera peut‑être pas dans l’intérêt supérieur de cette entreprise.
Deuxième sujet de préoccupation :
Le terme « pertinent » n’étant soumis à aucune restriction, toute entreprise capable d’accroître ou de réduire les chances d’admissibilité des actions de la société en cause au statut d’actions admissibles de petite entreprise ou d’actions du capital‑actions d’une société agricole ou de pêche familiale sera vraisemblablement considérée comme une « entreprise pertinente ». La portée élargie donnée à ce terme est ainsi en mesure d’occasionner le liage accidentel des entreprises indépendantes détenues par un entrepreneur et leur inclusion subséquente (et non souhaitée) dans le TIE.
Prenons l’exemple d’un contribuable qui détient l’intégralité des actions de deux sociétés. L’une de ces sociétés exploite un restaurant alors que l’autre exploite une quincaillerie. La dernière est propriétaire du bâtiment utilisé par les deux entreprises. Au regard de la définition fournie pour le terme « pertinent », les activités du restaurant sont en mesure d’accroître ou de diminuer les chances d’admissibilité de la quincaillerie au statut de « société exploitant une petite entreprise admissible » (qualified small business corporation), faisant du restaurant une entreprise pertinente de cette quincaillerie. Pour permettre à la vente de la quincaillerie d’être considérée comme une TIE, le contribuable sera forcé d’inclure le restaurant dans le transfert. Au cas contraire, certaines des conditions des paragraphes 84.1(2.31) et 84.1(2.32) ne seront pas remplies.
Troisième sujet de préoccupation :
Notre inquiétude au sujet du liage accidentel d’entreprises indépendantes s’étend également aux situations qui n’impliquent pas des liens de dépendance. Prenons par exemple une société en cause qui exploite activement une entreprise et détient une licence exclusive (un actif incorporel) pour la distribution du produit d’un fournisseur clé non lié. La licence a une valeur considérable ainsi qu’une influence directe sur l’admissibilité de l’entreprise au statut de « société exploitant une petite entreprise admissible ». L’existence ou la poursuite des activités du fournisseur a dans ce contexte un rôle à jouer dans l’accession des actions de la société en cause au statut d’actions admissibles de petite entreprise, faisant de son commerce (celui de ce fournisseur) une entreprise pertinente de l’entité pertinente de groupe soumise aux conditions établies pour les TIE. Pour satisfaire les exigences des sous‑alinéas 84.1(2.31)g)(i) ou 84.1(2.32)h)(i), le fournisseur devra par conséquent confier à l’enfant la gestion partielle ou complète de son entreprise.
Recommandation :
Nous recommandons que la définition des termes « entreprise pertinente » et « entité pertinente du groupe » soit révisée, afin de réduire leur portée et d’éviter le liage involontaire d’entreprises indépendantes.
7. L’absence d’exceptions pour les faillites, les cas d’insolvabilité et les fermetures
Détails :
Les alinéas (c) et (d) du paragraphe 84.1(2.3) fournissent des exceptions aux délais législatifs établis pour les conditions énoncées aux alinéas 84.1(2.31)f) et g) et 84.1(2.32)g) et h). Ces exceptions sont accordées dans les situations suivantes :
- les ventes effectuées entre des parties non liées ;
- le décès de l’enfant/des enfants ;
- une déficience sévère et prolongée des fonctions physiques ou mentales de l’enfant/des enfants.
Préoccupation :
Aucune exception n’est fournie dans ce contexte pour d’autres circonstances malheureuses pouvant conduire au non-respect de certaines ou de toutes les exigences des alinéas 84.1(2.31)f) et (g) et 84.1(2.32)g) et h).
- la faillite ou l’insolvabilité de la société en cause ou d’une entité pertinente du groupe ;
- une pandémie mondiale qui a pour résultat d’entraîner la fermeture des chaînes d’approvisionnement ou des clôtures mandatées par le gouvernement ;
- la destruction des locaux de l’entreprise par une catastrophe naturelle ;
- d’autres situations nécessitant la fermeture prématurée de l’entreprise ou des entreprises concernées.
Recommandation :
Nous recommandons l’ajout d’exceptions supplémentaires au paragraphe 84.1(2.3) pour tenir compte de situations où l’entreprise/les entreprises de la société en cause ou une entité pertinente du groupe serait obligée de fermer prématurément ses portes, comme dans les cas décrits ci-dessus. Une règle pouvant par exemple permettre aux sociétés en cause ou aux entités pertinentes de groupe décrites aux sous‑alinéas 50(1)b)i), ii) et iii) d’être jugées respectueuses des exigences des alinéas 84.1(2.31)f) et (g) et 84.1(2.32)g) et h).
Cette règle pourrait de même être appliquée dans des conditions extraordinaires où le ministre (du Revenu) n’envisagerait normalement pas de suspendre (en vertu du paragraphe 220(3.1)) les pénalités ou les intérêts infligés.
Toute cessation d’activités occasionnée par des circonstances indépendantes de la volonté des enfants devrait en fait donner droit à cette exception (une évolution conforme à la politique fiscale représentée par l’exception accordée à l’heure actuelle dans les cas impliquant le décès de l’enfant ou la détérioration de ses facultés physiques ou mentales).
8. Le terme « actions privilégiées sans droit de vote »
Détails :
Les alinéas 84.1(2.31)d) et 84.1(2.32)d) nous parlent de la possibilité de conserver des actions appartenant à une catégorie exclue (au sens donné à celles‑ci par le paragraphe 256(1.1) de la LIR). Ces actions sont appelées plus loin des « actions privilégiées sans droit de vote » dans ces mêmes alinéas.
Sujet de préoccupation :
Le terme « actions privilégiées sans droit de vote » peut laisser croire à tort aux contribuables que les actions privilégiées dénuées du droit de vote satisferont aux exigences.
Recommandations :
Plutôt que d’appeler des actions appartenant à des catégories exclues (au sens du paragraphe 256(1.1)) des « actions privilégiées sans droit de vote », les dispositions pourraient les appeler par le même nom (« actions appartenant à une catégorie exclue »), afin d’encourager les contribuables à examiner leur définition.
9. Le contrôle de fait, l’évaluation des actions et les attributs des actions appartenant à des catégories exclues
Description :
L’alinéa 84.1(2.31)c) stipule qu’« à tout moment postérieur au moment de la disposition, le contribuable, seul ou avec son époux ou conjoint de fait » ne doit pas contrôler « directement ou indirectement et de quelque manière que ce soit » la société en cause, la société acheteuse ou l’entité pertinente du groupe. L’expression « directement ou indirectement et de quelque manière que ce soit » signifie que le contribuable ne doit pas conserver le contrôle de fait.
Sujet de préoccupation :
Le contribuable est autorisé par l’alinéa 84.1(2.31)d) à détenir des actions appartenant à une catégorie exclue (au sens donné à celles‑ci par le paragraphe 256(1.1)) après la disposition. Dans certaines circonstances, cela pourrait lui permettre de conserver le contrôle de fait.
Il n’y a à l’heure actuelle aucune restriction sur l’emploi de l’option d’encaissement anticipé (retraction feature) des actions appartenant à des catégories exclues. L’Agence du revenu du Canada (ARC) souscrit depuis longtemps (dans le cadre notamment de ses évaluations) à une politique administrative favorable à l’emploi de cette option (par le détenteur) dans le cas d’actions privilégiées reçues comme contrepartie. Ce fait a été reconnu dans les directives fournies en 1980 par l’ARC lors de la conférence annuelle de la Fondation canadienne de fiscalité.
Il convient aussi de noter (comme documenté dans le bulletin d’interprétation IT‑64R4) que l’ARC considère les investissements importants effectués dans les actions privilégiées rachetables au gré du porteur (retractable preferred shares) comme un critère général dans la détermination du contrôle de fait. Par conséquent, si le contribuable échange des actions contre des actions appartenant à une catégorie exclue et y adjoint une option d’encaissement anticipé afin de souscrire à la politique d’évaluation de l’ARC, il pourrait conserver le contrôle de fait.
Recommandation :
Nous recommandons l’ajout d’une disposition légale pour faire ressortir que le rattachement d’une option d’encaissement anticipé à des actions appartenant à une catégorie exclue ne voudra pas dire en soi que le détenteur sera réputé contrôler directement ou indirectement et de quelque manière que ce soit, la société. La disposition pourrait être appliquée à l’alinéa 84.1(2.31)c) ou à l’ensemble de la Loi de l’impôt sur le revenu. Une autre solution serait d’ajouter un commentaire dans les notes explicatives.
10. Différence de terminologie dans le préambule des paragraphes 84.1(2.31) et 84.1(2.32) dans la version anglaise de la proposition
Détails :
Dans la version anglaise de la proposition législative, le préambule du paragraphe 84.1(2.31) indique que l’alinéa 84.1(2)e) s’applique « au moment de la disposition » (at the time of a disposition) alors que préambule du paragraphe 84.1(2.32) indique que cet alinéa s’applique « à une disposition » (to a disposition).
Sujet de préoccupation :
Cette différence de terminologie est‑elle due à une erreur ou est‑elle intentionnelle ?
Recommandation :
Nous vous serions reconnaissants de préciser si cette différence est intentionnelle ou de rendre les deux préambules identiques.
11. L’emploi des mots « each » et « any » aux sous‑alinéas 84.1(2.31)g)(i) et 84.1(2.32)h)(i) dans la version anglaise de la proposition
Détails :
Dans la version anglaise de la proposition, le sous‑alinéa 84,1 (2.31) g) (i) exige le transfert de la gestion de « chaque » (each) entreprise pertinente, tandis que le sous‑alinéa 84.1 (2.32) h) (i) exige le transfert de la gestion de « toute » (any) entreprise pertinente.
Sujet de préoccupation :
Difficile ici aussi de savoir si la différence est intentionnelle ou si elle est due à une erreur. Car « any » pourrait laisser croire que la disposition légale exige le transfert de la gestion d’« une seule » entreprise pertinente plutôt que le transfert de la gestion de « toutes » les entreprises pertinentes.
Recommendation :
Nous vous serions reconnaissants de préciser dans ce cas également si la différence est intentionnelle ou de rendre les deux dispositions identiques.
12. Le préambule des alinéas 84.1(2.31)f) et g) et des alinéas 84.1(2.32)g) et h)
Détails :
Les alinéas 84.1(2.32)g) et h) sont introduits par les mots « sous réserve du paragraphe (2.3) ». Les dispositions équivalentes du paragraphe 84.1(2.31) – soit les alinéas (f) et (g) – n’emploient pas ces mots, même si le paragraphe 84.1(2.3) s’applique aussi à elles.
Sujet de préoccupation :
La manière dont le paragraphe 84.1(2.3) laisse pourtant suggérer que les alinéas 84.1(2.31)f) et g) devraient aussi être introduits par les mots « sous réserve du paragraphe (2.3) ».
Recommandation :
Guidés par notre compréhension du paragraphe 84.1(2.3), nous recommandons l’inclusion de ce préambule dans les alinéas 84.1(2.31)f) et g).
13. La société en cause semble ne pas avoir d’« entreprise pertinente »
Détails :
L’expression « entreprise pertinente de la société en cause » (relevant business of the subject corporation) apparaît huit fois dans les règles proposées.
Sujet de préoccupation :
Après l’examen des règles employées actuellement pour les TIE, nous avons cru comprendre que les sociétés en cause ne peuvent avoir leur propre « entreprise pertinente ». Ce terme est défini aux sous‑alinéas 84.1(2.31)c)(iii) et 84.1(2.32)c)(iii) comme une entreprise exploitée activement par « toute autre personne ou société de personnes ». Le mot « autre » semble ainsi exclure la société en cause elle‑même.
Recommandation :
Nous recommandons que les sous‑alinéas 84.1(2.31)c)(iii) et 84.1(2.32)c)(iii) soient modifiés pour préciser le fait que la société en cause peut elle aussi avoir une entreprise pertinente.
Ces sous‑alinéas pourraient, par exemple, employer la formulation suivante à la place : « toute autre personne ou société de personnes qui exploite une entreprise pertinente (appelée dans ce paragraphe “entité pertinente du groupe”) au moment de la disposition ».
Les termes « entreprise pertinente de la société en cause » ou « entité pertinente du groupe » peuvent ensuite être définis séparément – par exemple, au paragraphe 84.1(2.3).
Pour plus d’éclairage sur les transferts intergénérationnels, veuillez cliquer ici.