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Cessez de dorloter, commencez à mobiliser : comment diriger dans une perspective à long terme

Nick Jarrett-Kerr 22 oct. 2025

Il ne faut généralement pas longtemps pour comprendre qui détient le pouvoir et l’autorité dans un cabinet d’avocats. Quelle que soit la taille du cabinet, il existe habituellement un petit groupe d’associés qui détient la plus grande influence et le contrôle. Dans l’idéal, c’est à ce groupe que les autres associés se réfèrent pour obtenir orientation et direction. Mais parfois – et c’est moins souhaitable – ce groupe devient une oligarchie auto-perpétuelle, gouvernant par un contrôle rigide, voire par la peur. 

La gestion par consensus est difficile de nos jours. Les cabinets peuvent facilement s’enliser dans des discussions interminables et circulaires ou dans leur quête de perfection. Le résultat, c’est que les projets de gestion sont retardés par le pinaillage, les discussions répétitives et la microgestion des détails. Des décisions erronées ou confuses sont alors prises, en raison d’une incapacité à distinguer l’essentiel de l’accessoire.

Le problème, c’est que, s’il n’est pas mené avec prudence, le cabinet peut basculer d’un modèle consensuel souple à un style de gestion autoritaire et viril où des associés téméraires et dominants imposent leur volonté par la force ou par l’intimidation.            

Quelle que soit la structure de gestion, les décideurs au sein d’un partenariat font face à un dilemme peu enviable. Ils doivent accélérer et professionnaliser la prise de décision, tout en préservant les éléments essentiels du partenariat, notamment la nécessité d’une communication et d’une consultation soutenues, ainsi qu’un certain degré de consensus. La tendance de nombreux cabinets à adopter une structure plus corporative comporte le risque d’aboutir à un style de gestion de type « commandement et contrôle », c’est-à-dire à une corpocratie orientée vers les règles, hiérarchique, soucieuse du statut, avec des structures formelles conçues pour restreindre la circulation de l’information. 

Le perfectionnement et la formation de tout associé devraient inclure une réflexion visant à déterminer le style de leadership et de gestion le plus approprié, à la fois pour la personnalité de l’associé et pour les besoins et le profil de l’organisation. Il existe de nombreuses façons de décrire les différents styles de leadership possibles. L’un des modèles que je trouve particulièrement utile depuis plus de vingt ans est celui des quatre styles ou attitudes de conduite du changement – pousser, mobiliser, imposer et dorloter – que j’ai découverts pour la première fois auprès du Dr Harvey Robbins.* J’ai constaté que la plupart des cabinets utilisent ces quatre approches de façon récurrente, mais souvent de manière désordonnée et non planifiée. Une connaissance et une compréhension claires de ces différents styles (et du moment où les appliquer) peuvent aider tous les responsables du leadership et de la gestion des cabinets à développer leurs propres méthodes et approches. 

Pousser

Le style pousser est surtout connu pour sa métaphore de la « plateforme en feu ». Il s’agit de l’utilisation délibérée d’un certain niveau de pression ou de peur afin de susciter une action ou des résultats positifs. Dans ce modèle de « pousser » le leader cherche à utiliser le bâton autant que la carotte. Il implique donc une part de gestion directive, sans toutefois tomber dans la brutalité. Son principal avantage pour un cabinet d’avocats est qu’il repose fortement sur la gestion de la performance, axée sur l’efficacité, les résultats et la mesure. Il sensibilise les associés et le personnel au fait que des conséquences négatives surviennent en cas de rendement insuffisant ou d’objectifs non atteints. Ce style est donc extrêmement utile à court et moyen terme, particulièrement durant une phase de redressement ou d’amélioration du cabinet. Il faut toutefois reconnaître que le style « pousser » ne favorise pas toujours une atmosphère harmonieuse, car il s’accompagne d’un degré élevé de direction et de contrôle, avec un accent marqué sur l’amélioration, la réforme et l’éthique de travail – comme en témoignent, par exemple, de nombreuses heures facturables. Utilisé à l’excès ou de manière isolée sur une période prolongée, il peut donc entraîner de l’anxiété et une baisse du moral. Pris seul, il s’agit d’une méthode limitée, qui donne ses meilleurs résultats lorsqu’elle est combinée avec le style mobiliser.

Mobiliser

Le style mobiliser est une méthode globalement éclairée qui fait appel autant à l’intérêt qu’à l’intellect de l’associé. À long terme, la plupart des associés devraient chercher à l’utiliser autant que possible. Si « pousser » est le bâton, « mobiliser » est la carotte. Ce style agit à un niveau plus inspirant pour stimuler l’imagination et motiver. C’est la combinaison du style « pousser » et de l’autonomisation. Dans ce modèle, les associés se motivent eux-mêmes – voire se mettent eux-mêmes au défi.   

Le style « mobiliser » modifie durablement la façon dont les gens se perçoivent, car il encourage la planification de carrière et nourrit l’ambition. C’est la méthode la plus exigeante pour obtenir des résultats, mais aussi celle qui offre les meilleures perspectives à long terme. Plus important encore, elle regroupe tout ce qu’il y a de mieux en matière de pratiques progressistes de gestion du personnel, en mettant l’accent sur le développement des talents et sur la création et le maintien d’une culture positive axée sur la performance et la satisfaction du client. Ce style incite les associés à prendre soin de leur équipe en partant du principe que la rentabilité suivra. Il met également l’accent sur les relations humaines, la culture, la démocratie et le travail d’équipe.

La qualité du travail et le développement de carrière sont également des éléments importants du style mobiliser. Dans cette approche, les associés cherchent à offrir à eux-mêmes et à leurs équipes un travail plus stimulant et plus enrichissant, et à évoluer dans une atmosphère positive où l’esprit d’équipe et le plaisir au travail sont valorisés, et où les interactions sociales sont encouragées.

Imposer

Le style imposer correspond à l’application d’une loi martiale, utile en période d’urgence. Il implique un contrôle serré, un changement forcé et un climat de terreur. C’est l’environnement du dirigeant autoritaire ou du comité exécutif dominant qui exerce un contrôle rigide sur le partenariat. Il n’y a pratiquement aucune incitation positive à performer, mais une stimulation négative maximale, allant parfois jusqu’à une certaine forme d’intimidation pour imposer la conformité. Par exemple, les associés d’un cabinet américain ont déjà été décrits comme « à la merci d’un petit comité exécutif non élu et auto-perpétué ».

Bien qu’il soit parfois nécessaire de recourir à des mesures dictatoriales, le style « imposer » ne fonctionne bien qu’à court terme. Dans un cabinet où règnent la sous-performance, le manque de responsabilisation et des manquements répétés aux règles internes convenues, un court électrochoc de type « imposer » peut s’avérer utile pour relancer le changement. Un cabinet qui choisit cette approche doit instaurer un contrôle interne strict et miser sur la gestion du rendement, en combinant une petite carotte et un gros bâton. Le style « imposer » ne fonctionne que sur de courtes périodes, et il est essentiel de passer rapidement à d’autres styles. 

L’équipe de gestion doit tenir compte du risque que la paranoïa et l’insécurité augmentent rapidement sous un tel régime, et reconnaître qu’en général, une période prolongée de gestion autoritaire mène inévitablement à la démotivation et au mécontentement à long terme. 

Dorloter

Le style dorloter peut être utile comme récompense à court terme, mais il est inefficace comme approche durable. C’est un régime de désordre et d’anarchie. Malheureusement, je constate trop souvent que ce style dorloter devient la méthode de gestion par défaut dans bien des cabinets. Il s’agit d’une culture d’acquis et de privilège, où les associés « font ce qu’ils veulent » sans réelle reddition de comptes. Dans les cas extrêmes, il n’existe que peu de normes ou de disciplines internes, peu de partage d’information, de clients ou de ressources humaines, et peu de contrôles de qualité. Un contrat de partenariat de type « dorloter » est celui où un ou plusieurs associés peuvent tenir le cabinet en otage – par exemple, lorsqu’aucun associé ne peut être expulsé pour sous-performance répétée, ou lorsqu’une majorité écrasante est requise pour tout changement. Ce style entretient l’illusion d’une sécurité totale, du berceau à la tombe. On peut le considérer comme une version du style « mobiliser », mais sans imputabilité. Le problème, c’est que dans les cabinets qui misent sur une autonomie maximale, il n’existe souvent ni sanction ultime ni réelle crainte de conséquence. 

À long terme, le style « dorloter » favorise donc un rendement faible, avec peu d’évaluation ou de mesure des résultats.

Les organisations ont tendance à utiliser les quatre approches – imposer, dorloter, pousser et mobiliser – de manière incohérente et sans coordination. Les styles « imposer » (mesures strictes) et « dorloter » (indulgence) ne sont efficaces qu’à très court terme : le premier convient aux crises, le second peut servir de récompense ponctuelle, mais devient nuisible s’il perdure. De même, combiner « dorloter » avec « imposer » ou « pousser » peut créer un climat toxique, où quelques privilégiés sont dorlotés pendant que le reste du cabinet subit la pression. Le style « pousser » fonctionne bien à court ou moyen terme, tandis que « mobiliser » demeure la méthode la plus durable pour provoquer un changement organisationnel à long terme.

Chaque style – pousser, mobiliser, imposer et dorloter – a sa raison d’être, mais les deux derniers doivent rester des solutions d’exception, à court terme seulement. Les cabinets passent souvent beaucoup de temps à débattre de leurs structures de gouvernance et de leurs systèmes de gestion, alors que le style de gestion appliqué au quotidien se développe souvent par défaut, sans réelle réflexion, en fonction des particularités personnelles des dirigeants en place. Idéalement, un cabinet devrait consacrer temps et efforts à déterminer ce qui fonctionne le mieux selon son contexte, son leadership et les conditions dans lesquelles il exerce ses activités. D’autres facteurs doivent aussi être pris en compte, notamment la maturité du cabinet, sa stratégie, sa culture et ses traditions, ainsi que la nécessité éventuelle d’un changement rapide ou d’une amélioration marquée. Les dirigeants doivent donc apprendre à adapter leur style de gestion aux besoins du cabinet – ce qui est plus facile à dire qu’à faire. Cependant, l’importance d’une approche cohérente ne réside pas seulement dans l’atteinte des objectifs organisationnels, mais aussi dans la création d’un environnement de travail plus heureux et plus stimulant, où les gens sont motivés à investir leur carrière et à rester au sein du cabinet.  

* Robbins et Finley (1996) “Why Change Doesn’t Work” Peterson’s/Pacesetter Books  ISBN 1-56079-944-7

Nick Jarrett-Kerr, LL.B, associé principal chez Edge, est un conseiller spécialisé qui accompagne des cabinets d’avocats et des firmes de services professionnels partout dans le monde sur des questions de stratégie, de gouvernance et de développement du leadership, ainsi que sur les grands enjeux d’affaires auxquels ces organisations sont confrontées dans un marché hautement concurrentiel. Au cours des douze dernières années, il s’est imposé comme l’un des principaux conseillers britanniques et internationaux auprès des cabinets d’avocats. Il travaille à temps plein dans la gestion des firmes de services professionnels depuis plus de vingt ans.

Cet article a été publié sur Edge International en septembre 2025. 

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