
Le gouvernement fédéral va-t-il abaisser les taux d’imposition des sociétés ?
Si vous avez omis dans le passé de faire le lien entre l’expression à la mode « avantage concurrentiel » et le gouvernement fédéral et sa politique fiscale, ce sera difficile maintenant de ne pas le faire.
Tout a commencé lorsque le gouvernement américain a adopté le United States Tax Cuts and Jobs Act (« Loi américaine sur l’emploi et la réduction de l’impôt » [ou, Réforme fiscale américaine]) afin de procurer des avantages fiscaux importants aux Américains, parmi lesquels, des amortissements accélérés et un taux d’imposition des sociétés plus bas. Depuis, un nombre important de personnes et d’organisations au Canada — cela semble être le cas — ont demandé au gouvernement canadien de mettre en œuvre des politiques fiscales afin d’aider le pays à retrouver son avantage concurrentiel.
Rendue publique le 21 novembre, la Mise à jour économique de l’automne 2018 (2018 Fall Economic Update) est la première chose entreprise par le ministère des Finances pour répondre à cet appel. Le ministre Morneau avait annoncé plus tôt que le gouvernement ne voulait pas se précipiter et prendre des décisions à la hâte, ce qui n’a entraîné que peu de modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu. Ces modifications ont notamment accéléré l’admissibilité des immobilisations commerciales acquises à la déduction pour amortissement, mais n’ont occasionné aucune réduction des taux d’imposition des sociétés.
À l’approche du budget fédéral de 2019, nous ne pouvons donc nous empêcher de nous demander si le gouvernement libéral modifiera sa politique et tentera de trouver un moyen de rétablir l’avantage autrefois détenu par le Canada dans le secteur de l’impôt des sociétés.
Le gouvernement libéral fait déjà face à un problème chronique de financement par déficit appelé à perdurer jusqu’en 2024. Les projections effectuées (Mise à jour économique de l’automne – 21 novembre 2018) pour ces déficits budgétaires annuels sont les suivantes :
Années | Millards de dollars |
2017/18 | -19,0 |
2018/19 | -18,1 |
2019/20 | -19,6 |
2020/21 | -18,1 |
2021/22 | -15,1 |
2022/23 | -12,6 |
2023/24 | -11,4 |
Le financement par déficit rend difficile la réduction des taux d’imposition, car cette dernière fera diminuer encore plus — sur la base de l’assiette fiscale actuelle — le revenu du gouvernement et exacerbera, en ce faisant, les déficits projetés. Certains sont d’avis, cependant, que cette perte de revenu sera contrecarrée par un élargissement de l’assiette fiscale, grâce notamment à l’arrivée de nouveaux investissements dans l’économie canadienne. Les pertes de revenus occasionnées par une réduction des taux d’imposition peuvent être calculées de manière assez précise, si l’on se base sur des données historiques. Ces dernières ne sont cependant pas assez fiables pour mesurer l’ampleur des revenus générés par un élargissement de l’assiette fiscale.
Le bureau du directeur parlementaire du budget a fait une estimation du coût fiscal annuel de la réduction progressive du taux de l’impôt fédéral sur les sociétés d’un point de pourcentage chaque année sur une période de six ans. Commençant avec le taux combiné moyen de 26,8 % en 2018, le bureau est arrivé à un taux légal combiné (fédéral et provincial) de 20,8 % en 2024. Le coût net d’une baisse de 1 % du taux d’imposition du revenu des sociétés s’élèvera à environ 1,6 milliard de dollars en 2019. Une diminution de 6 % du taux fédéral entraînera au bout du compte un perte nette cumulée de 11,1 milliards en 2024.
Le gouvernement semble peu enthousiaste à « jouer le jeu » de la réduction du taux d’imposition, même si la réduction subséquente de ses revenus n’est pas difficile à calculer. Il n’en demeure pas moins qu’un acte de foi est requis. Le ministère des Finances prévoit en l’occurrence un ralentissement de la croissance du PIB, jusqu’à atteindre 1,8 % en 2024 (contre 2 % en 2018), même si l’impôt des sociétés ne représente que 14 % des recettes totales de l’État. Le gouvernement fédéral n’ayant pas de calendrier précis pour résoudre son problème de déséquilibre budgétaire, il est donc peu probable qu’il envisagera une réduction de l’impôt des sociétés.