U.S. Tax Alert (words)

Le plan fiscal « Made in America » de l'administration Biden et son incidence potentielle sur les citoyens américains résidant au Canada

Les citoyens des États-Unis résidant au Canada et possédant des entreprises canadiennes ont eu la vie dure depuis la signature de la Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) le 22 décembre 2017. Depuis, la plupart d'entre eux se sont familiarisés avec le terme « société étrangère contrôlée (SEC) » et le redoutable « revenu intangible mondial faiblement imposé (ou global intangible low-taxed income (GILTI) ». Le changement de gouvernement aux États-Unis et la récente mise en place par l'administration Biden du American Jobs Plan1 et du American Families Plan2 ont le potentiel de rendre la situation encore plus difficile pour ce petit mais assiégé segment de la population canadienne.

Antécédents

En tentant de faire migrer les États-Unis d'un système mondial de fiscalité internationale vers un système quasi-territorial, la TCJA a introduit deux sections du Internal Revenue Code qui se sont avérées très perturbantes pour les propriétaires américains de sociétés canadiennes : la section 965 (taxe de rapatriement) et la section 951A (revenu intangible mondial faiblement imposé). Pour encourager les grandes multinationales à rapatrier leurs activités commerciales en Amérique, ces dispositions imposent les bénéfices des SEC. Celles-ci sont généralement des sociétés non américaines contrôlées par des citoyens américains. Bien que ces changements visent les multinationales, ils risquent de pénaliser lourdement les citoyens américains résidant au Canada qui contrôlent des sociétés canadiennes, les exposant à la perspective d'une véritable double imposition.    

La section 965 était constituait impôt unique sur les bénéfices accumulés dans les SEC jusqu'au 31 décembre 20173. Le revenu intangible mondial faiblement imposé, quant à lui, visait à imposer tous les bénéfices réalisés par la suite. Comme de nombreux pays, les États-Unis taxent depuis des décennies les revenus passifs gagnés par des sociétés étrangères. Le régime de revenu intangible mondial faiblement imposé a étendu la portée de l'imposition américaine aux bénéfices commerciaux actifs réalisés par des sociétés étrangères4. Positionné comme un impôt minimum sur les sociétés, le régime de revenu intangible mondial faiblement imposé impose le revenu d'une SEC dans les mains de l'actionnaire individuel, ce qui nécessite une planification proactive pour éviter la double imposition5.  

Planification actuelle du revenu intangible mondial faiblement imposé

Le revenu d'une entreprise active gagné par une société privée sous contrôle canadien (SPCC) qui a droit à la déduction pour petites entreprises peut donner lieu à un taux d'imposition des sociétés très faible. Ce taux applicable aux petites entreprises offre une importante possibilité de report d'impôt6 qui est essentielle pour la planification fiscale canadienne des sociétés privées. Étant donné que le report de l'impôt américain sur les bénéfices gagnés à l'étranger est la cible du régime du revenu intangible mondial faiblement imposé, les contribuables et leurs conseillers doivent planifier activement pour atténuer les effets du revenu intangible mondial faiblement imposé.

Plusieurs stratégies sont couramment utilisées pour atténuer la menace de double imposition que représente le régime du revenu intangible mondial faiblement imposé. Bien entendu, ces stratégies doivent être envisagées dans le contexte des objectifs fiscaux et non fiscaux globaux du contribuable au Canada.

  1. Bonus – Certains chefs d'entreprise se contentent de verser une prime à hauteur du revenu intangible mondial faiblement imposé. Malheureusement, cette stratégie ne permet pas de reporter l'impôt puisque les primes sont soumises à l'impôt courant. Pour de nombreux professionnels constitués en société, il peut être plus judicieux d'exercer par le biais d'une entreprise individuelle et d'éviter la lourdeur de la déclaration des SEC.
  2. Choix en vertu de l'article 962 – L’article 962 permet à un contribuable individuel de choisir d'être imposé comme une société américaine. Les avantages de ce choix sont les suivants :
    1. réduire l'impôt américain sur le revenu intangible mondial faiblement imposé à
      21 % (le taux d'imposition des sociétés aux États-Unis) contre 37 % (le taux d'imposition individuel le plus élevé aux États-Unis);
    2. permettre au contribuable de demander un crédit pour impôt étranger de 80 % de l'impôt canadien sur les sociétés payé sur revenu intangible mondial faiblement imposé; et
    3. permettre au contribuable de demander une déduction de 50 % du revenu intangible mondial faiblement imposé, ce qui est autorisé par l'article 250.

La combinaison de ces avantages de l'article 962 crée un taux minimal (« hurdle rate ») effectif de 13,125 %. En d'autres termes, si le taux d'imposition des sociétés canadiennes d'une SEC est de 13,125 % ou plus, aucun impôt américain ne devrait être payable sur le revenu intangible mondial faiblement imposé. Étant donné que ce seuil est très proche du taux d'imposition des petites entreprises dans la plupart des provinces, le choix de l'article 962 est aussi proche d'une « solution miracle » que celle qui existe actuellement pour les personnes américaines ayant de petites SEC (professions libérales, petites entreprises, etc.).

  1. Exclusion à taux d’imposition élevé7 – Dans la mesure où le revenu intangible mondial faiblement imposé est soumis à l'impôt canadien sur les sociétés à un taux supérieur à 90 % du taux d'imposition américain sur les sociétés, un contribuable peut choisir d'exclure ce revenu. Compte tenu du taux d'imposition actuel des sociétés américaines de 21 %, le taux d'imposition des sociétés canadiennes doit être supérieur à 18,9 % pour pouvoir tirer profit de cette exclusion. Cette option est une bonne solution pour les propriétaires de SEC canadiennes dont le revenu est supérieur à environ 800 000 R (en fonction de la province d'imposition, de la disponibilité du taux d'imposition des petites entreprises, etc.).
  2. Ne pas opter pour la déduction pour les petites entreprises – Puisque la déduction pour les petites entreprises est facultative, ne pas demander la déduction (c'est-à-dire payer volontairement l'impôt canadien à taux élevé sur les sociétés) est une stratégie qui peut être utilisée en combinaison avec le choix de l'article 962 ou l'exclusion de l'impôt élevé pour éliminer la double imposition. Bien que cette stratégie puisse renoncer à un certain report de l'impôt canadien, elle augmente le solde du compte de revenu à taux général (CRTG) de la société, ce qui débloque le traitement des dividendes admissibles lors de la distribution finale à l'actionnaire8.
  3. Sociétés à responsabilité illimitée (SRI) – Certaines provinces (Nouvelle-Écosse, Alberta et Colombie-Britannique) comptent sur une législation axée sur les sociétés à responsabilité illimitée. Ces sociétés ne sont pas prises en compte aux fins de l'impôt américain, ce qui signifie que le revenu gagné par la SRI est simplement imposé comme le revenu du propriétaire de la SRI. En tant que tel, le revenu d'une SRI n'est pas soumis à l'impôt sur les bénéfices non distribués. Malheureusement, comme tous les revenus de la société sont considérés comme des revenus du propriétaire individuel aux fins de l'impôt américain, il faut généralement renoncer à un certain niveau de report de l'impôt canadien pour éviter la double imposition. En outre, la solution de la SRI n'est pas toujours réalisable pour les sociétés existantes, car la conversion d'une société à responsabilité limitée en SRI serait traitée comme une opération de liquidation aux fins de l'impôt américain. Enfin, en raison de leur responsabilité illimitée à l'égard des actionnaires, les sociétés à responsabilité limitée ne conviennent pas à toutes les situations.
  4. Éviter le statut de SRI – Étant donné que seuls les actionnaires américains des SEC sont soumis aux dispositions relatives à l'impôt sur les bénéfices non distribués, structurer la propriété de l'entreprise pour éviter le statut de SEC peut constituer une stratégie efficace pour éviter l'impôt sur les bénéfices non distribués.
  5. Renonciation – La réforme fiscale américaine a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase pour de nombreux citoyens américains résidant au Canada, beaucoup choisissant de renoncer tout simplement à leur citoyenneté. Bien entendu, pour de nombreuses raisons fiscales et non fiscales, la décision de renoncer ne doit pas être prise à la légère. Les contribuables et leurs conseillers devraient examiner attentivement les règles d'expatriation américaines (IRC 877A) et leur impact potentiel9.  

Nous nous attendons à ce que les approches de planification s'inscrivent généralement dans l'une des deux catégories suivantes :

  1. Les propriétaires de petites SEC qui veulent rester simples opteront pour une planification en vertu de l'article 962 ou, si possible, migreront vers une structure non-SEC.
  2. Les propriétaires de grandes SEC se prévaudront de l'exception pour impôts élevés.

Bien sûr, en réalité, il existe de nombreux facteurs, nuances et complexités à prendre en compte pour élaborer un plan efficace. La superposition d'autres règles fiscales américaines (par exemple, les règles américaines de la sous-partie F (comme le revenu intangible mondial faiblement imposé, mais pour les revenus de placement), l'ordre américain de distribution des gains et des profits, etc.) et les règles canadiennes sur les revenus passifs peuvent rapidement devenir un exercice de planification important et complexe. Cependant, l'année d'imposition 2020 a représenté la première année depuis 2017 où la planification fiscale a été un peu plus stable. Voici maintenant l'administration Biden...

La feuille de route fiscale du président Biden

Conformément à son programme électoral, l'administration Biden a récemment présenté deux propositions importantes : Le American Jobs Plan et le American Families Plan. Ces propositions prévoient un investissement de quatre mille milliards $ dans l'infrastructure, l'emploi, l'éducation et la garde d'enfants, ainsi que des mesures fiscales importantes conformes au programme électoral de l'administration. Les principales propositions fiscales ayant une incidence sur les citoyens américains vivant au Canada sont les suivantes :

  1. Augmentation du taux marginal supérieur d'imposition de 37 % à 39,6 %
    Cette augmentation ne devrait pas, en théorie, poser de problème puisque les taux d'imposition canadiens sont généralement beaucoup plus élevés que les taux américains. Toutefois, plus les taux d'imposition canadiens et américains se rapprochent, plus l'impôt américain risque de devenir un problème pour les citoyens américains résidant au Canada.
  2. Augmentation du taux d'imposition maximal sur les gains en capital et les dividendes qualifiés de 20 à 39,6 %10 – Les taux d'imposition canadiens actuels sur les gains en capital se situant entre 22,25 % et 27 %, la hausse pourrait entraîner un impôt américain supplémentaire sur les gains en capital importants réalisés par les contribuables à revenu élevé.  
  3. Imposition des gains en capital latente au décès – Contrairement au Canada, les États-Unis n'imposent pas actuellement les gains en capital au décès d'un contribuable (sans doute parce qu'ils ont un impôt sur les successions). Les biens qui passent par la succession d'un contribuable font généralement l'objet d'une majoration (à la juste valeur marchande), que l'impôt sur les successions ait été payé ou non. Ce changement proposé pourrait avoir une incidence importante sur les plans de succession transfrontaliers. Parmi les propositions, on notera l'absence d'une réduction très attendue de l'exonération des droits de succession, qui passerait à 3,5 millions $, ainsi qu'une augmentation du taux maximal des droits de succession, qui passerait à 45 %.
  4. Augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés de 21 % à 28 % – Cette proposition est largement acceptée comme point de départ des négociations. Il faut donc s'attendre à ce que tout changement soit inférieur à 7 %. En général, toute augmentation du taux d'imposition des sociétés sera préjudiciable aux citoyens américains au Canada qui possèdent des SEC.
  5. Réduction de la déduction de l'article 250 – Encore une fois, ce changement, s'il est appliqué de manière générale, serait assez problématique pour les citoyens américains résidant au Canada qui possèdent de petites SEC.
  6. Éliminer l’exonération de placements admissibles d’actifs commerciaux –  À l’heure actuelle, on est autorisé à inclure 10 % du rendement obtenu sur des biens matériels utilisés dans les affaires d’une corporation étrangère contrôlée dans le calcul du GILTI. En règle générale, l’élimination de cette exonération se traduirait par des revenus de GILTI plus élevés pour les propriétaires de ces corporations.

Répercussions sur les citoyens américains vivant au Canada et étant propriétaire de SEC

Les deux propositions fiscales les plus importantes pour les citoyens américains propriétaires de SEC canadiens sont l'augmentation des taux d'imposition des sociétés et la réduction de la déduction de l'article 25011.

Pour les propriétaires de petites SEC, la combinaison d'une augmentation du taux d'imposition des sociétés à 28 % et de l'élimination de la déduction prévue à l'article 250 éliminerait le choix de l'article 962 en tant qu'option de planification viable en soi. Dans le cadre du régime actuel, le taux d'imposition actuel des sociétés américaines et la déduction de 50 % prévue par l'article 250 créent un taux d'imposition minimal effectif de 13,125 % en vertu de l'article 962. Avec les modifications proposées, ce taux plancher passerait à 26,25 % (ce qui se rapproche du taux d'imposition des sociétés le plus élevé au Canada). La plupart des petites CFC ont des taux d'imposition moyens beaucoup plus bas en raison de la déduction pour petites entreprises. Même avec une augmentation du taux d'imposition des sociétés aux États-Unis à 25 %, le taux minimal effectif se chiffrerait à 23,44 %. Il est peu probable qu'une petite SEC puisse atteindre ce taux en utilisant le taux d'imposition des petites entreprises. Bien entendu, un contribuable pourrait choisir de ne pas tirer profit de la déduction pour petites entreprises, mais cela entraînerait un coût fiscal immédiat sous la forme d'un report perdu.

Conclusion : Toute combinaison d'une augmentation du taux d'imposition des sociétés et d'une réduction de la déduction au titre de l'article 250 sera une mauvaise nouvelle pour les propriétaires de petites SEC. 

Pour les grandes SEC, les changements proposés peuvent représenter une menace moindre. À un taux d'imposition des sociétés de 28 % aux États-Unis, le taux d'imposition des sociétés canadiennes devrait dépasser 25,2 % pour être admissible à l'exclusion pour impôts élevés (EIE). À un taux d'imposition des sociétés de 25 % aux États-Unis, le taux de base de la EIE serait de 22,5 %. Le taux d'imposition des sociétés canadiennes de nombreuses grandes SEC serait supérieur à ces taux, ce qui devrait faire de l'exclusion des impôts élevés une option de planification viable. Toutefois, des facteurs fiscaux canadiens, tels que les crédits d'impôt à l'investissement et les reports de pertes, peuvent réduire le taux d'imposition effectif et rendre l'EIE non disponible sans autre planification.

Conclusion : L'augmentation proposée du taux d'imposition et la réduction connexe de la déduction au titre de l'article 250 offriront une plus petite marge d'erreur aux grandes SEC. Toutefois, les options de planification existantes pourraient encore être disponibles.

Quelle est la prochaine étape?

L'administration Biden dispose d'une fenêtre limitée pour faire passer ces propositions au Congrès avant les élections de mi-mandat et a fixé comme objectif le 4 juillet. À ce stade, il semble possible d'atteindre cet objectif sans le soutien des républicains en utilisant la procédure de réconciliation budgétaire. À cette fin, il est possible que ces propositions de modifications fiscales aient un impact significatif sur les citoyens américains propriétaires de sociétés canadiennes pour l'année d'imposition 2021. 

Les contribuables et leurs conseillers devraient suivre de près l'évolution de ces projets de loi.


  1. Mis en place le 31 mars 2021.
  2. Mis en place le 28 avril 2021.
  3. Cet article est destiné à avoir une application générale. Pour une discussion plus détaillée sur la section 965, référez-vous au document « U.S. Tax Reform Punishes U.S. Citizens Abroad ».
  4. Pour une discussion plus détaillée sur la section 951A, voir « Planning for IRC 951A - No Reprieve for the GILTI » et « An official pardon for the GILTI ».
  5. En Nouvelle-Écosse, si aucune planification n'est entreprise, le revenu intangible mondial faiblement imposé pourrait entraîner un taux d'imposition effectif de 86 %
  6. En Nouvelle-Écosse, une SPCC paie un impôt sur les sociétés de 11,5 % sur la première tranche de 500 000 $ de revenu d'entreprise active admissible à la déduction pour petites entreprises. Par rapport au taux d'imposition marginal supérieur de 54 %, un contribuable peut reporter près de 43 % de son impôt personnel en conservant ses gains dans la société.
  7. L'exclusion à taux d'imposition élevé n'est disponible que pour les années fiscales des sociétés étrangères commençant le 23 juillet 2020 ou après.
  8. L'intégration fiscale n'est pas parfaite dans toutes les provinces. C'est pourquoi cette technique peut avoir un coût fiscal de transit.
  9. Référez-vous à notre article Planification d’expatriation des É.-U. – Les tenants et aboutissants de l’IRC 877A.
  10. Sur les ménages gagnant plus d'un million de dollars ($US).
  11. Le plan fiscal de Biden ne dit pas si la limitation à 80 % de l'impôt étranger prévue par l'article 962 sera maintenue. Comme ce n'est pas clair, nous avons supposé qu'elle soit maintenue.

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