
Comme souligné dans l’alerte fiscale de mars, le budget de 2018 comprend une mesure visant à ralentir l’accumulation de placements passifs au sein de sociétés exploitées activement. Cette mesure repose sur un calcul qui tient compte à la fois du montant et du type de revenu de placement généré dans ces sociétés. La compréhension des modalités de ce calcul permettra aux investisseurs d’élaborer des stratégies d’investissement avantageuses du point de vue fiscal.
Le calcul
Le revenu de placement total (RPT) est extirpé du revenu actif et n’est pas admissible à la déduction accordée aux petites entreprises (DAPE). Il est de plus assujetti à un taux d’imposition plus élevé que des revenus d’entreprise ordinaires. Même si la définition du RPT est restée inchangée après le budget de 2018, celui-ci est devenu le point de départ du calcul du revenu de placement total ajusté (RPTA). Les sociétés d’affaires ont chacune droit à un RPTA maximal de 50 000 $. Le plafond de leur DAPE est par la suite abaissé de 5 $ à chaque dollar additionnel de RPTA. La DAPE est complètement éliminée dès que le RPTA atteint la somme de 150 000 $.
Le RPT et le RPTA sont calculés de la manière suivante1 :
RPT | = | Revenus de bien nets (loyer, intérêts, redevances, etc.) |
+ | Gains en capital imposables pour l’année (y compris des gains provenant de la vente d’actifs productifs) | |
+ | Dividendes imposables | |
+ | Revenus de placement étrangers | |
- | Dividendes imposables | |
- | Pertes en capital pour l’année | |
Pertes en capital antérieures (années précédentes) appliquées à l’année |
RPTA | = | Revenu de placement total |
+ | Dividendes imposables ne provenant pas d’une société liée | |
+ | Pertes en capital antérieures (années précédentes) appliquées à l’année | |
- | Gains en capital provenant de la vente d’actifs productifs |
Principales différences
Il y a trois différences fondamentales entre le RPT et le RPTA :
- Les dividendes de portefeuille, bien que libres d’impôts2 et non inclus dans le RPT, sont inclus dans le RPTA.
- Les pertes en capital annuelles ne peuvent réduire que le RPTA de l’année où elles sont survenues et ne peuvent être utilisées qu’à l’encontre de gains en capital suffisamment élevés. En d’autres mots, les pertes en capital provenant d’années passées ne peuvent réduire le RPTA lorsqu’elles sont appliquées pour l’année courante.
- Le RPT fait usage de gains en capital issus de revenus de bien, peu importe la manière dont l’actif concerné a été exploité. Le RPTA permet quant à lui la soustraction de gains en capital provenant d’actifs productifs, car la nouvelle restriction a pour but de pénaliser les sociétés détentrices de placements passifs. Dans ce contexte, l’actif productif se définit comme un actif utilisé en particulier dans une entreprise active opérant principalement au Canada ou dans une SPCC (société privée sous contrôle canadien) affiliée.
Les différences suivantes peuvent être utilisées comme une carte routière pour gérer le RPTA d’une société et pour limiter le montant des recouvrements effectués (par le gouvernement) à l’encontre de sa DAPE :
S’éloigner des intérêts et des dividendes et se rapprocher des gains en capital
C’est seulement la moitié d’un gain en capital qui est incluse dans le RPTA. En choisissant le bon moment pour déclencher un gain en capital, une société peut garder un certain contrôle sur l’étendue des recouvrements annuels dont elle fera l’objet.
Choisir le moment propice pour déclencher des pertes en capital
C’est un gaspillage que de déclencher (dans le cadre du RPTA) des pertes en capital pour une année dénuée de gains en capital. Le déclenchement de pertes en capital pour des années où des gains en capital importants sont prévus permet de tirer le meilleur parti de ces pertes. Les investisseurs devraient rencontrer leurs conseillers avant la fin de chaque année pour discuter du moment propice.
Achat d’actifs productifs appréciables
Les investisseurs pourraient envisager (par exemple) d’investir dans le bâtiment qui leur sert de base d’opérations. Le gain en capital provenant de la vente éventuelle n’aura aucune incidence sur le RPTA et si le loyer correspondant est structuré de la bonne manière, il pourra être imputé et traité comme un revenu actif.
Distributions à imposition différée
Certains placements peuvent procurer des distributions à impôt différé. Prenons l’exemple d’une fiducie de placement immobilier (FPI). Étant donné qu’une partie seulement des distributions provenant des titres de la FPI est considérée comme un rendement de capital, le RPTA ne sera pas affecté. Ce rendement ne deviendra de plus imposable que lorsque le titre sera vendu. Les sociétés en commandite et les titres adossés à des créances hypothécaires figurent parmi les autres types de placement courants donnant accès à des distributions à impôt différé.
Investissements hors bilan
Les investisseurs pourraient également envisager d’investir dans des régimes de retraite individuels (RRI). Il est permis de cotiser des sommes plus élevées pour les RRI que pour les REER traditionnels. De plus, les cotisations, les coûts administratifs et les frais d’investissement peuvent être entièrement déduits des impôts de la société. Cependant, la croissance des actifs du régime est à imposition différée et n’affecte pas en conséquence le RPTA.
Surfinancement de polices d’assurance-vie
Les polices d’assurance-vie permettent (sous certaines limites) de différer l’imposition d’actifs de placement accumulés ; elles n’ont aucune incidence sur le RPTA et leurs distributions sont accompagnées d’avantages fiscaux.
Le taux d’imposition des petites entreprises, tel que proposé aux sociétés privées, a dans l’esprit d’aider les propriétaires d’entreprise à disposer de plus revenus après impôt pour faire croître leurs sociétés. La nouvelle mesure a pour but de limiter la capacité de ces sociétés à réinvestir les fonds assujettis au taux d’imposition des petites entreprises, ce qui est conforme à l’intention initiale du ministère des Finances. Rappelons-le : les revenus après impôt réinvestis dans des placements passifs au sein de sociétés — qu’ils soient assujettis au taux d’imposition des petites entreprises (13,5 %) ou au taux général (26,5 %) — procurent toujours un avantage initial (en tant que mécanisme de report d’impôt) dont les sociétés peuvent tirer parti. Les bénéfices seront toutefois accrus au plus haut point si l’on a recours à des placements stratégiques.
Veuillez prendre contact avec votre conseiller attitré auprès de Collins Barrow pour plus de renseignements.
1 Le calcul du RPT et du RPTA a été simplifié à des fins d’illustration et ne concerne, dans le cadre de cet article, que des revenus de placement courants.
2 Sous réserve de l’impôt remboursable de 38,33 %, sauf si le dividende provient d’une société liée.