
Les vingt-quatre derniers mois ont été témoins d’une pléthore de nouvelles mesures fiscales de la part d’Ottawa, des mesures notamment appelées à avoir un impact négatif sur les entreprises familiales privées et les familles qui leur sont associées. Après la mise en œuvre et la modification subséquente de ces mesures, les autorités fédérales sont passées à autre chose, alors que les contribuables et les conseillers ont toujours du chemin à faire pour s’adapter aux changements promulgués. Les contribuables sont notamment nombreux à se demander, et à juste titre, quelles stratégies de planification ils peuvent toujours utiliser.
Deux de ces changements (expliqués dans les publications précédentes de Baker Tilly) ont une incidence sur l’utilisation des fiducies familiales (appelées simplement « fiducies » dans le cadre de cet article) :
- L’élargissement des règles de « l’impôt des enfants » ou de l’impôt sur le revenu fractionné (IRF), qui soumet davantage de sources de revenus au taux d’imposition marginal le plus élevé.
- Les données personnelles des contribuables impliqués dans ou liés à des fiducies seront divulguées à l’Agence du revenu du Canada (ARC) à compter de 20211 dans le cadre de l’élargissement des règles de divulgation établies pour les fiducies. Ces nouvelles règles augmenteront en conséquence les efforts et les frais requis pour le maintien de ces entités.
Dans un scénario classique en matière de fractionnement de revenus, la détention des actions d’une entreprise familiale par une fiducie permet aux dividendes distribués aux membres de famille d’être assujettis à un taux d’imposition marginal plus bas. L’emploi de cette stratégie de fractionnement a été considérablement restreint par les règles de l’IRF. Les fiducies existantes devront dorénavant être examinées individuellement2 pour déterminer si les procédures de distribution de dividendes utilisées permettent toujours aux membres des familles concernées de bénéficier de taux d’imposition marginaux plus bas. Si le bénéficiaire du dividende ne participe pas de manière active, régulière, continue et substantielle aux activités de l’entreprise dispensatrice, les dividendes de la fiducie pourraient être imposés au taux d’imposition marginal le plus élevé3. Et même si le bénéficiaire participe activement aux activités de l’entreprise, il devra documenter l’activité susmentionnée à la satisfaction de l’ARC (lors de l’examen susmentionné), en utilisant les procédures et les directives établies (peu claires à l’heure actuelle).
Étant donné que les stratégies de fractionnement qui emploient des fiducies sont potentiellement moins efficaces et que les coûts de maintien de ces dernières sont en hausse, les fiducies constituent-elles toujours un outil fiable pour les propriétaires d’entreprises privées ? La réponse est un « oui » retentissant !
Même si les concepts qui sous-tendent les fiducies datent de plusieurs siècles, les politiciens canadiens n’ont instauré le régime temporaire de l’impôt sur le revenu qu’au début du XXe siècle. Bien avant l’établissement du régime canadien de l’impôt sur le revenu, les fiducies étaient utilisées avec efficacité pour protéger des actifs, garder des biens dans la famille, protéger la vie privée et remplir des fonctions également liées à la gestion du patrimoine.
L’emploi de fiducies pour des raisons autres que la fiscalité peut s’avérer tout aussi important aujourd’hui, même si ce genre de stratégie prend généralement plus de temps pour porter des fruits que des stratégies liées au fractionnement, qui permettent notamment de réaliser des économies sur une base annuelle. Même si l’IRF empêche à l’heure actuelle l’emploi de fiducies dans des stratégies de fractionnement du revenu, celles-ci peuvent légitimement être « gardées en vie » pour le futur, pour des besoins non liés à la fiscalité. Vous ne devez en conséquence prendre aucune mesure pour mettre fin à votre fiducie sans avoir consulté, avec la diligence voulue, un conseiller de Baker Tilly.
Les fiducies peuvent toujours être utilisées pour réaliser des économies d’impôt dans le cadre de stratégies de fractionnement spécifiques. Les bénéficiaires de revenus fractionnés peuvent échapper aux règles de l’IRF s’ils sont admissibles à des montants exclus particuliers. L’une des autres clés du succès dans ce nouvel environnement est d’échapper aux définitions de « revenu fractionné » et d’« entreprise liée » et d’éviter en ce faisant, les règles de l’IRF.
Il existe plusieurs exemples pour démontrer que l’emploi de fiducies dans le fractionnement de revenus demeure toujours une stratégie efficace. Lorsqu’une fiducie détient directement un portefeuille de titres négociés dans des bourses publiques spécifiées, les dividendes, les intérêts et les gains en capital réalisés sur ces titres négociables ne sont pas considérés comme des revenus fractionnés par les autorités. Les intérêts ou gains en capital réalisés sur la dette du gouvernement canadien (fédéral, provincial ou municipal) ne sont pas non plus considérés comme des revenus fractionnés. Le retour sur investissement d’un portefeuille de cette nature ne sera donc pas assujetti à l’IRF.
Lorsque vous créez ou financez une fiducie, vous devez prendre les précautions nécessaires pour échapper à l’application des règles d’attribution4. Ces règles existent depuis de nombreuses années et peuvent être évitées par l’emploi de stratégies bien connues. Ces stratégies doivent être suivies à la lettre, afin de permettre l’examen de tout achat à des fins de placement (par la fiducie familiale) avant la mise en œuvre.
Certains conseillers en fiscalité ont récemment fait remarquer que les règles nouvellement établies en vertu des investissements passifs — qui réduisent notamment la déduction accordée aux petites entreprises — inciteront les propriétaires d’entreprise à éviter d’investir passivement dans des sociétés actives ou des sociétés de portefeuille. Pour faciliter le fractionnement de revenus entre des membres assujettis à des taux d’imposition moins élevés, la famille peut centraliser les placements non enregistrés qui ont été faits dans la fiducie sans perdre son admissibilité au taux d’imposition des petites entreprises accordé au secteur concerné. Il est donc possible que les fiducies de placement familiales remplacent un jour les sociétés de portefeuille familiales5.
La fiducie demeure, de par sa structure, un outil viable pour le partage de gains en capital réalisés sur certains placements en actions (de sociétés privées) entre des membres de famille. Si le bénéficiaire de l’allocation accordée par la fiducie en vertu de la disposition d’actions de société privée est âgé de 18 ans ou plus et que le bien ayant donné lieu à ce gain était, au moment de la disposition, une « action admissible de petite entreprise » ou un « bien agricole ou de pêche admissible », le gain sera toujours considéré comme un revenu fractionné, mais bénéficiera aussi d’une exonération spéciale de la part de l’IRF. La clé n’est pas de savoir si le bénéficiaire du gain en capital utilisera l’exonération de gains en capital, mais de s’assurer que le bien est admissible. La fiducie est donc un outil viable pour multiplier les avantages offerts par cette exonération de gains en capital et le partage de participations entre les membres d’une famille. S’il n’y a aucun besoin ou aucune volonté significative de verser des dividendes annuels, la fiducie obtiendra toujours les mêmes résultats que les stratégies employées avant la mise en œuvre de l’IRF.
La « mécanique » fiduciaire reste également, de par sa structure, un outil de fractionnement de revenus valable pour les revenus de propriété tirés (par la fiducie) de la location de biens à des tiers. La propriété ne peut cependant pas être louée à une entreprise dans laquelle une personne liée est, d’une manière ou d’une autre, impliquée. Les propriétaires d’entreprises privées sont nombreux à investir dans de propriétés commerciales ou résidentielles louées à des tiers. Ces investissements sont souvent utilisés pour complémenter la propriété des bâtiments utilisés dans leurs activités principales. Par défaut, bon nombre de ces actifs sont acquis auprès de sociétés actives ou de sociétés de portefeuille existantes. Comme expliqué ci-dessus, il s’agit souvent d’acquérir les bons placements dans la bonne entité. Le fractionnement du revenu est toujours possible si la fiducie fait l’acquisition de biens immobiliers véritablement loués à des tiers.
Comment Baker Tilly peut-elle aider les contribuables et leurs fiducies en fonction de l’IRF ? Premièrement, il est essentiel de conserver les actifs non soumis à l’IRF dans une structure appropriée. Les actifs qui échapperaient autrement aux dispositions de l’IRF pourraient y être assujettis s’ils sont achetés par des corporations. Demandez conseil au tout début du processus d’investissement afin de permettre aux fiducies et autres entités non constituées en société d’être prises en compte dans la structure financière/commerciale globale.
Si un propriétaire d’entreprise détient déjà des actifs productifs de revenus (par l’intermédiaire de corporations) qui auraient autrement échappé à l’IRF s’ils n’étaient pas détenus par des sociétés privées, il peut réorganiser les choses dans le respect des règles fiscales pour transférer ces actifs dans un secteur plus profitable (du point de vue des avantages visés) de la structure commerciale/financière. Les transactions de cette nature doivent être traitées avec la diligence voulue et être supervisées par un expert afin d’éviter la comptabilisation prématurée des gains cumulés. Veuillez prendre contact avec l’un des conseillers de Baker Tilly pour obtenir de l’aide.
- Les nouvelles exigences de déclaration s’appliquent aux années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2021.
- Les examens effectués dans le cadre de l’IRF doivent être faits périodiquement pour s’assurer que tout changement de situation n’affectera pas l’admissibilité à un taux d’imposition marginal moins élevé.
- Certains des montants exclus définis dans la législation pourraient permettre au bénéficiaire d’éviter l’application des règles de l’IRF. Veuillez consulter les publications précédentes de Baker Tilly pour plus d’informations sur les règles de l’IRF.
- Les règles d’attribution ont pour but de réattribuer le revenu reçu par le bénéficiaire à la personne qui a généré le capital utilisé pour produire ce revenu. Les règles sont complexes et doivent toujours être revues lors de l’utilisation d’une fiducie à des fins de fractionnement du revenu.
- Le financement de la fiducie doit provenir de sources non imposables (c’est-à-dire un dividende en capital provenant d’une société privée) ou de prêts à taux prescrit. En laissant la fiducie acquérir des actifs sans la considération voulue des implications fiscales de leur financement, vous risquez de réduire les avantages offerts par le fractionnement de vos revenus.