
Bitcoin, la toute première cryptomonnaie, a été créée en 2009. Dix ans plus tard ― et plusieurs milliers de types de cryptomonnaies après ―, les agences fiscales et les organismes de réglementation du monde entier ont enfin commencé à réaliser que ce type de monnaie a un avenir véritable.
L’Agence du revenu du Canada (ARC) a été particulièrement lente à publier des directives à l’intention de la communauté des cryptomonnaies, ce qui a entraîné une confusion généralisée et un grand nombre de cas d’inobservance. Après la parution de ses premières directives (qui ne faisaient qu’un paragraphe ou deux), l’ARC a toutefois publié plusieurs guides et interprétations techniques sur des sujets liés à l’imposition de transactions de cryptomonnaie. Cette alerte fiscale vous fournira une mise à jour sur la position de l’ARC à propos de l’imposition des cryptomonnaies et discutera de la direction que prendront vraisemblablement les prochaines publications de l’ARC sur le sujet.
Minage de cryptomonnaies : les dernières nouvelles
Dans notre alerte fiscale du 26 octobre 2018, nous avions critiqué la position adoptée par l’ARC dans son interprétation technique de 20141, au sujet notamment de l’imposition du minage de bitcoins. L’ARC avait déclaré que les mineurs de bitcoins ne doivent inclure leurs gains dans leurs revenus qu’au moment de la disposition (éventuelle) des bitcoins minés. En d’autres mots, elle était essentiellement en train de traiter le minage de bitcoins de la même façon que les fermes et les mines d’or, qui ne comptabilisent leurs gains que lorsque le produit cultivé ou extrait est vendu.
Dans notre alerte fiscale, nous étions d’avis que le minage de bitcoins est plus apparenté à la fourniture d’un service ― dans ce cas-ci, le maintien de l’intégrité du réseau de la chaîne de blocs en échange de bitcoins. Nous avions aussi conclu que les gains du mineur devaient être comptabilisés à la réception des bitcoins conférés en contrepartie des services rendus et non plus tard. Dans ce scénario, la vente, l’échange ou la consommation du bitcoin serait ainsi traitée comme une transaction secondaire et un fait générateur d’impôt secondaire non lié au processus de minage proprement dit.
L’ARC a toutefois publié une interprétation technique interne2 plus conforme à nos idées le 8 août 2019. Elle a déclaré : « Nous sommes d’avis que les bitcoins conférés (aux mineurs) pour les opérations de validation peuvent être considérés comme la contrepartie des services rendus. Les contribuables qui sont dans le commerce du minage doivent donc, en vertu des articles 3 et 9 de la Loi de l’impôt sur le revenu, inclure les bitcoins obtenus dans leurs revenus au moment où ces bitcoins sont perçus. »
La nouvelle position de l’ARC est la bienvenue, car elle est conforme à la nôtre et reflète mieux les réalités du minage de bitcoins.
La cryptomonnaie pourrait obtenir le statut de fourniture exonérée
Le 17 mai 2019, le ministère des Finances a publié un avant-projet de loi visant à modifier la définition du terme « instrument financier » aux fins de la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH). La définition de ce terme est cruciale pour nombre de services financiers exonérés sous la Loi sur la taxe d’accise. L’amendement vise aussi à introduire une nouvelle catégorie d’instruments financiers appelée « effet de paiement virtuel ». La catégorie comprend les biens qui agissent comme la représentation numérique d’une valeur, sont utilisés comme moyen d’échange et n’existent qu’à l’adresse numérique d’un registre distribué publiquement. Elle exclut les biens qui :
- Confèrent un droit immédiat ou futur et conditionnel ou non, à être échangé ou racheté contre de l’argent ou des biens ou services spécifiques ou à être converti en argent ou en biens ou services spécifiques ;
- Sont destinés à être utilisés principalement dans le cadre d’une plate-forme de jeu, d’un programme d’affinité ou de récompenses ou d’une plate-forme ou d’un programme semblable ;
- Sont des biens visés par règlement.
Ce projet d’amendement visant à exonérer les transactions de cryptomonnaies est toutefois une bénédiction mitigée. La vente, l’échange et l’emploi de cryptomonnaies seront certes exonérés de la TPS/TVH. Mais d’un autre côté, le statut de fourniture exonérée peut limiter la capacité du contribuable à réclamer pleinement des crédits de taxe sur les intrants pour des dépenses effectuées avec ces monnaies. L’autre sujet d’inquiétude concerne les individus qui agissent principalement comme des négociants, des courtiers ou des vendeurs de monnaies virtuelles, qui risquent d’être classés comme des institutions financières. Même si les institutions financières ont les mêmes obligations que les autres inscrits à la TPS/TVH, elles pourraient aussi être soumises à de nombreuses autres exigences. L’observation de la TPS/TVH est, par conséquent, beaucoup plus compliquée pour elles que pour les institutions appartenant à autres secteurs.
L’amendement proposé ne traite pas du minage de cryptomonnaies et n’a pas encore été présenté à la Chambre des communes en vue de son adoption, ce qui laisse la porte ouverte à des modifications supplémentaires. Dans sa forme actuelle, le projet de loi devrait entrer en vigueur le 18 mai 2019.
Cryptomonnaies et audits de l’ARC
Les risques de fraude et d’évasion fiscale augmenteront à mesure que grandiront la compréhension et de l’acceptation des cryptomonnaies par le grand public. Ayant identifié l’utilisation grandissante des cryptomonnaies à travers le monde comme l’une des principales sources de croissance de l’économie souterraine, l’ARC a produit un long questionnaire afin de recueillir des informations sur certains types de transactions de cryptomonnaies, parmi lesquelles :
- L’investissement ou le commerce personnel ;
- Le minage ;
- L’acceptation des cryptomonnaies comme moyen de paiement ; et
- Les guichets virtuels.
Vous devez aussi savoir que l’ARC est en train de rechercher activement des moyens de dépister les transactions de cryptomonnaies non déclarées.
Directives supplémentaires de la part de l’ARC
En juin 2019, l’ARC a publié deux documents supplémentaires intitulés respectivement « Guide de la monnaie virtuelle pour les utilisateurs de cryptomonnaies et les professionnels de l’impôt » et Monnaie virtuelle. Publiées avant la sortie de l’interprétation technique du 8 août 2019, ces documents sont basiques et réitèrent simplement les positions prises par l’ARC dans les interprétations techniques de 2013 et 2014. Elles ne révèlent rien sur la nouvelle position de l’ARC au sujet du minage de cryptomonnaies ni ne tiennent compte du projet d’amendement visant à modifier la définition du terme « instrument financier » dans la Loi sur la taxe d’accise.
Les marchés de cryptomonnaies et les modèles opérationnels basés sur ces monnaies sont en train d’évoluer rapidement et l’ARC est en train de prendre du retard. L’ARC a, à ce jour fourni peu de directives dans ce domaine et certaines des directives qu’elle a publiées en 2019 sont déjà considérées comme obsolètes.
Pour vous aider à vous y retrouver un peu plus, nous avons résumé dans le tableau ci-dessous les positions techniques prises par l’ARC depuis 20133. Nous avons également fait ressortir les changements de point de vue au cours de cette période.
Interprétation technique |
Sujet |
Commentaires de l’ARC
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2018-0776661I7 (2 août 2019) |
Minage |
— Le minage doit être considéré comme un service. La valeur de ce service doit être incluse dans le revenu au moment où le bitcoin est perçu. — La valeur du revenu est égale à la valeur du service rendu ou à la valeur du bitcoin reçu, selon ce qui est le plus facilement évalué. Dans la plupart des cas, ce sera le bitcoin. |
2014-0525191E5 (28 mars 2014) |
Divers |
— Il s’agit de savoir si le minage est effectué dans un contexte privé ou dans un but commercial (Stewart c. La Reine, 2002 CSC 46). — Si c’est dans un but commercial, les revenus d’affaires du contribuable seront calculés en fonction de la valeur à porter à l’inventaire et en vertu de l’art. 10 de la Loi de l’impôt sur le revenu. (Voir le document TI 2018-0776661I7 pour une position technique plus récente.) — S’il est enregistré comme un inventaire commercial, cet inventaire peut être évalué de trois façons :
— Il s’agit de savoir s’il est détenu comme un inventaire ou comme une immobilisation. — Pour les biens volés ou perdus, veuillez consulter le bulletin IT185R, intitulé Pertes découlant d’un vol, d’un détournement de fonds ou de malversation. (Ce bulletin a été mis à jour et réintitulé Folio de l’impôt sur le revenu S3-F9-C1, Gains de loterie, encaissements divers et produits de la criminalité [et pertes connexes].)
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2013-0514701I7 (23 décembre 2013) |
Divers |
— Une monnaie virtuelle non considérée comme une monnaie émise par le gouvernement d’un pays doit être traitée comme une marchandise. — Lorsqu’une monnaie virtuelle est utilisée pour l’achat de biens ou de services, la transaction doit être traitée comme une opération de troc. — Les dons faits à des donataires reconnus doivent être évalués à la juste valeur marchande des bitcoins concernés au moment du transfert. — Les échanges ou les ventes de bitcoins doivent être traités comme des gains ou des pertes au titre des revenus ou du capital, selon les circonstances. (Voir le bulletin IT-479R [Transactions de valeurs mobilières].) |
2014-0561061E5 (16 avril 2015) |
Biens étrangers déterminés |
— Une monnaie numérique sera considérée comme un bien étranger déterminé si elle est située, déposée ou détenue à l’extérieur du Canada et n’est pas utilisée ou détenue exclusivement dans le cadre d’une activité commerciale. — Les participations dans une société en nom collectif qui possède ou détient des biens étrangers déterminés seront considérées comme des biens étrangers déterminés, sauf si la société est une entité canadienne déterminée en vertu de l’article 233.3 (1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. |
- 2014-0525191E5.
- 2018-0776661I7.
- Nous n’avons inclus dans notre tableau aucun commentaire concernant ces publications de l’ARC : Guide de la monnaie virtuelle pour les utilisateurs de cryptomonnaies et les professionnels de l’impôt et Monnaie virtuelle. Elles ne font que réitérer les positions techniques publiées précédemment.