
La transparence dans les affaires d’entreprise a été hissée au premier rang des priorités mondiales dans l’ensemble de la communauté internationale et de nombreux pays et organismes internationaux sont en train de demander aux gouvernements d’édicter des lois pour accroître la transparence dans la gestion des biens de société afin de contribuer à la lutte continue contre le blanchiment d’argent, le financement d'activités terroristes, l'évasion et la fraude fiscales. Les « Panama Papers », les « Bahamas Leaks » (2016) et les « Paradise Papers » (2017) ont mis en évidence la manière dont des entités financières (par exemple, des sociétés et fiducies) peuvent être utilisées par des entreprises pour dissimuler l’identité des véritables propriétaires de leurs actifs aux fins de ces activités illicites.
Pour donner suite à ces constations, et dans le cadre d’un effort concerté pour assurer la conformité des réglementations canadiennes aux normes internationales établies par le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (Financial Action Task Force), le gouvernement canadien a apporté des changements importants pour accroître la transparence dans l’emploi de sociétés et de fiducies. En décembre 2017, les ministres des Finances fédéral, provinciaux et territoriaux ont accepté dans les grandes lignes de modifier leurs lois existantes afin d'obliger les sociétés d’affaires à conserver des informations précises et à jour sur leurs propriétaires bénéficiaires et de renoncer à l’emploi d'actions au porteur.
Le gouvernement fédéral a premièrement introduit, dans le budget fédéral de 2018, une législation visant à accroître les exigences de déclaration des fiducies, pour les années d'imposition se terminant après le 30 décembre 2021 (voir l’alerte fiscale de février 2019). Ces renseignements financiers additionnels doivent être communiqués directement à l'Agence du revenu du Canada pour lui permettre d’identifier les détenteurs d’intérêts bénéficiaires et de participations dominantes dans les fiducies.
Le 13 décembre 2018, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-86, qui a pour objectif de modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) afin d’obliger les sociétés constituées en vertu de lois fédérales à tenir un registre des individus qui détiennent un pouvoir de contrôle important sur elles.
Les sociétés qui pourraient être affectées par ces nouvelles règles (appelées à entrer vigueur le 13 juin 2019) sont donc invitées à prendre connaissance des réponses à certaines des questions les plus fréquemment posées à ce sujet :
1. Quelles informations doivent être incluses dans le registre ?
La société doit préparer et tenir à jour un registre contenant les renseignements suivants sur chacun des individus qui détiennent un pouvoir de contrôle important sur elle :
- Le nom, la date de naissance et l’adresse officielle courante ;
- Le territoire de résidence du point de vue fiscal ;
- La date où l'individu a acquis ou a cessé d’avoir un pouvoir dominant sur la société ;
- une description de ce pouvoir ; et
- toute autre information requise par la Loi.
2. Qu'entend-on par « un pouvoir de contrôle important » ?
Un individu détenant un pouvoir de contrôle important sur une société est :
- Un individu qui détient n’importe lequel des droits ou intérêts suivants (ou une combinaison des deux) en vertu de la possession d’un nombre important d'actions :
- Le particulier est le détenteur inscrit de ces actions ;
- Le particulier est le propriétaire bénéficiaire de ces actions ; ou
- Le particulier détient un pouvoir discrétionnaire direct ou indirect sur elles ;
- Un individu qui possède une influence directe ou indirecte sur la société et est en mesure de contrôler la société s’il décide d’exercer ce pouvoir ; ou
- Un individu touché par des circonstances prescrites.
3. Que signifie « nombre important d'actions » ?
L’expression désigne un nombre d’actions suffisamment conséquent pour permettre à la personne de détenir :
- 25 % ou plus des droits de vote dans la société ; ou
- 25 % ou plus de la juste valeur marchande de la société.
4. Et si le pouvoir de contrôle ou les droits de propriété sont détenus conjointement par deux personnes ou plus ? Ces personnes doivent-elles toutes être incluses dans le registre ?
Si deux personnes ou plus détiennent de manière conjointe un pouvoir important sur la société, elles seront toutes considérées comme des détenteurs d’un pouvoir dominant et devront être ajoutées au registre. Elles seront notamment considérées comme tel si elles détiennent un nombre important d'actions et si :
- L’intérêt ou le droit (ou la combinaison d'intérêts ou de droits) auquel elles doivent ce pouvoir est détenu conjointement par elles ; ou
- Le droit (ou la combinaison de droits) auquel elles doivent ce pouvoir est tributaire d’un accord ou d’un arrangement stipulant que ce ou ces droits doivent être exercés conjointement ou de manière concertée.
5. Y a-t-il d’autres documents à soumettre ?
Durant la préparation et l’entretien du registre, vous devez inclure une description détaillée des étapes raisonnables que vous avez suivies pour identifier les personnes détenant un pouvoir de contrôle important sur l’entreprise et garantir que les informations recueillies sont exactes, complètes et à jour.
6. De quelle manière l'entreprise doit-elle mettre à jour les informations fournies et à quelle fréquence ?
La société doit prendre des mesures raisonnables pour mettre le registre à jour au moins une fois par an. Il n'y a pas de date fixe annuelle — il faut simplement s’assurer que la mise à jour a lieu une fois par an. Tout changement constaté doit être répertorié dans le registre dans les 15 jours qui suivent.
7. Le registre doit-il être envoyé à une autorité gouvernementale ?
Le registre n’a pas besoin d’être soumis à une autorité gouvernementale à ce stade. La société doit simplement le conserver dans son siège social ou dans tout autre endroit désigné par les administrateurs, aussi longtemps que cet endroit se trouve au Canada.
8. Les actionnaires sont-ils eux aussi obligés de fournir des informations ?
Si la société demande à un actionnaire de lui fournir des informations requises par le registre, ce dernier, devra, et au mieux de ses capacités, répondre de manière précise et complète et aussi rapidement que possible. L’actionnaire qui contrevient sciemment à une demande de renseignements est coupable d’une infraction et est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 200 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois ou des deux.
9. Quand la société doit-elle enlever du registre des informations relatives à des actionnaires ?
En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques1, la société doit enlever les renseignements personnels de toute personne ayant cessé de détenir un pouvoir de contrôle important, moins d’un an après le sixième anniversaire du jour où la personne a perdu ce privilège. Ce règlement est cependant assujetti à toute loi fédérale (et à toute autre loi) accordant une période de conservation plus longue.
10. Une société peut-elle être condamnée à une amende pour non-conformité ?
Toute société qui contrevient, sans raison valable, au présent article (21.1) est coupable d’une infraction et est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 5 000 $.
11. Les sociétés d’affaires sont-elles toutes soumises à ces règles ?
Les sociétés fédérales constituées en vertu de la LCSA sont seules soumises à ces règles. D’autres sociétés ne sont également pas requises de tenir le registre, y compris :
- Les émetteurs assujettis (reporting issuers) en vertu d'une loi provinciale relative à la réglementation de titres ;
- Les sociétés d'affaires cotées dans des bourses de valeurs désignées, au sens du paragraphe 248 (1) de la Loi de l'impôt sur le revenu ; ou
- Des membres de catégories prescrites.
12. Qui peut accéder aux renseignements détenus dans le registre et les utiliser ?
Accès aux informations :
- La société est appelée à divulguer sur demande toute information contenue dans le registre à l’administrateur ;
- Les actionnaires et créanciers de la société (ou leurs représentants personnels) peuvent demander l'accès au registre. La demande doit être accompagnée des renseignements suivants :
- Le nom et l'adresse du demandeur (s’il s’agit d'une société, le nom et l'adresse fournis par l’un de ses administrateurs ou dirigeants) ; et
- Une déclaration confirmant que les informations obtenues ne seront utilisées que dans la mesure permise.
Utilisation des informations :
- Les informations obtenues par les actionnaires ou les créanciers ne peuvent être utilisées que dans le but :
- D’influencer le vote des actionnaires de la société ;
- D’acquérir des titres (de la société) ; ou
- À toute autre fin relative aux affaires de la société.
13. Une personne peut-elle être condamnée à une amende ou à une peine de prison pour utilisation abusive de ces informations ?
Toute personne qui utilise indûment et sans motif raisonnable les informations contenues dans le registre est coupable d’une infraction et est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 5 000 $ ou d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à six mois ou des deux.
14. Un administrateur ou un dirigeant peut-il être tenu responsable au nom de sa société ?
Tout administrateur ou dirigeant qui autorise, permet ou accepte sciemment les suivants est coupable d’une infraction :
- La violation des règles établies pour le registre ;
- L'enregistrement d'informations fausses ou trompeuses dans le registre ; ou
- La fourniture à toute personne ou entité des informations fausses ou trompeuses au sujet du registre.
L’administrateur et le dirigeant concerné est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 200 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois ou des deux.
Les nouvelles règles de déclaration sont complexes et nécessiteront des ajustements de la part de la majorité des sociétés constituées en vertu de lois fédérales. Votre conseiller attitré auprès de Baker Tilly peut aider votre entreprise à s’y conformer. Veuillez communiquer avec nous pour plus d'informations.
1 Personal Information Protection and Electronic Documents Act