
Imposition canadienne des options d’achat d’actions accordées à des employés : du changement dans l’air
Comme promis dans le budget fédéral de 2019, un avant-projet de loi visant à fixer des limites au traitement fiscal préférentiel accordé aux régimes d’options d’achat d’actions pour employés a été publié le 17 juin 2019. À l’heure actuelle, ce traitement préférentiel est accordé à tous les types de sociétés de capitaux et implique ― lorsque des conditions spécifiques sont remplies ― une déduction de 50 % de l’impôt prélevé sur l’avantage imposable obtenu par les titulaires de ces options.
Si l’avant-projet de loi est adopté, il entrera en vigueur le 1er janvier 2020 pour les options d’achat octroyées à cette date ou après. Mais l’élection fédérale imminente – qui aura notamment lieu du 21 octobre 2019 ― constitue un obstacle. Il est en effet peu probable que le gouvernement libéral affectera certaines des ressources réservées à la campagne électorale à l’adoption de la proposition législative avant cet évènement électoral. Difficile à dire aussi ce qui se passera après les élections.
Ceux qui sont appelés à prendre des décisions financières au sein de ce climat incertain ont donc tout intérêt à présupposer que l’avant-projet de loi sera adopté lors du calcul des résultats probables.
L’objectif global de la proposition de loi est de réserver le traitement fiscal préférentiel accordé aux employés titulaires d’options sur titres à des circonstances approuvées par le ministère des Finances. Cet objectif sera réalisé comme suit :
Pas de restrictions — statu quo :
- Sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) ;
- Sociétés qui ne sont pas des SPCC (non-SPCC) et qui ne sont pas considérées comme bien établies1 ;
- Non-SPCC n’ayant pas dépassé le plafond de dévolution (seuil annuel à ne pas dépasser lors de l’octroi des options).
Nouvelles restrictions — titres non admissibles :
- Toutes les autres sociétés de capitaux n’ayant pas dépassé ce seuil annuel.
Les SPCC, de même que les non-SPPC spécifiques qui répondent à certains critères imprécis à l’heure actuelle, seront toutes exemptées des restrictions proposées. Pour toutes les autres sociétés de capitaux, le traitement préférentiel (en l’occurrence, la déduction de 50 %) sera accordé uniquement aux titres assujettis au seuil annuel susmentionné (200 000 $)2. L’avant-projet de loi contient une formule permettant de calculer la proportion de titres réputés non admissibles dans une convention d’attribution de titres. En vertu de l’alinéa 110 (1) (d), la déduction accordée aux employés n’est pas applicable aux titres réputés non admissibles.
L’avant-projet de loi aura pour résultat de transférer le fardeau fiscal3 de la société émettrice (des actions) aux détenteurs individuels des options lors du processus de dévolution. Pour ce faire, le gouvernement imposera pleinement les employés (en d’autres mots, pas de déduction de 50 %) pour l’avantage conféré à ces derniers par ces titres non admissibles, tout en permettant à la société de déduire de sa propre déclaration cet avantage. Même si le fardeau fiscal a changé de main, les recettes fiscales globales du gouvernement fédéral demeureront relativement inchangées, car la baisse de revenus fiscaux enregistrée au niveau de l’impôt des sociétés sera compensée presque entièrement par la hausse enregistrée au niveau de l’impôt des particuliers.
Les employeurs assujettis aux nouvelles restrictions doivent également être au courant des trois périodes visées par la législation :
- Période de déclaration de l’employeur — L’employeur est tenu de designer ou de calculer le nombre de titres non admissibles au moment de l’exécution de l’entente. Tout titre non admissible, qu’il ait été désigné ou calculé, doit être déclaré à l’Agence du revenu du Canada dans le formulaire prescrit. Ce formulaire doit être joint à la déclaration de revenus de l’année fiscale durant laquelle l’entente est exécutée.
L’employeur doit également informer l’employé de l’existence de tout titre non admissible identifié par ses calculs et résultant d’un dépassement du plafond annuel. L’avis doit être adressé par écrit à l’employé le jour de l’exécution de l’entente. L’employeur n’est pas obligé d’avertir l’employé si le titre est déjà désigné comme non admissible dans le contrat, car ce dernier le saura déjà en tant que partie prenante à cet accord.
- Période de dévolution annuelle — Le nombre des titres non admissibles n’est réellement calculé par l’employeur qu’au moment où l’entente est exécutée, qui coïncide notamment avec la période de déclaration. Toutefois, le nombre de titres à prendre en compte lors de chacun de ces calculs annuels dépend de l’année où les titres sont réellement dévolus au porteur.
- Période d’imposition du titulaire — Le titulaire des options d’achat sera imposé (sur le plan temporel) en fonction de l’année au cours de laquelle les options ont été octroyées4. La période pourrait coïncider avec la période d’acquisition ou la période qui suit. L’employeur doit calculer l’avantage imposable résultant de l’utilisation de l’option d’achat et déclarer le montant à l’ARC sur un formulaire T-4 au plus tard le 28 février de l’année suivante.
Dans le cas des employeurs soumis aux restrictions susmentionnées, le fardeau fiscal passera de l’employeur à l’employé si l’entente a été conclue après 2019. Les employés auront un avantage net moins important en raison de l’augmentation de leur fardeau fiscal, tandis que les employeurs disposeront d’un plus grand flux de trésorerie (en raison de la possibilité de déduire l’avantage conféré par les titres non admissibles).
Si la législation proposée est adoptée, elle s’appliquera aux accords exécutés après 2019, ce qui donnera un peu de temps aux employeurs et aux employés pour conclure des accords. À défaut, ils pourraient être appelés à négocier afin de rendre les avantages conférés par les options d’achat plus lucratifs et contrecarrer le transfert du fardeau fiscal.
Les employeurs doivent être aussi conscients du fait que les options d’achats tombant dehors de la limite annuelle entraîneront des fardeaux administratifs supplémentaires, car ils seront appelés dans de tels cas à calculer, déclarer et faire un suivi de ces titres afin de déterminer comme il se doit leur incidence fiscale sur les détenteurs des options.
1 Dans le budget fédéral de 2019, le gouvernement a fait savoir qu’il souhaitait exclure des nouvelles restrictions certaines non-SPCC, en l’occurrence, les entreprises en démarrage, les entreprises émergentes et les entreprises en expansion et limiter ces restrictions aux non-SPCC bien établies. Le ministère des Finances a recherché l’aide du public pour identifier les caractéristiques qui représentent le mieux les entreprises en démarrage, émergentes et en expansion. La date limite pour soumettre des commentaires au ministère était le 16 septembre 2019.
2 Cette limite est basée sur la juste valeur marchande des actions sous-jacentes au moment de l’acquisition des options.
3 Sous a législation actuelle, la société ne peut déduire l’avantage conféré par les options sur titres.
4 Options sur titres émises par les SPCC : si certains critères sont remplis, l’imposition de l’avantage imposable résultant peut être différée jusqu’à ce que les actions soient réellement vendues. Étant donné que les restrictions proposées ne sont pas applicables aux SPCC, nous nous concentrerons sur la période d’imposition des non-SPCC.