
Les agriculteurs et les sociétés agricoles dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre achètent et vendent des quotas régulièrement. Si des considérations opérationnelles et financières dirigent à juste titre ces transactions, elles sont parfois réalisées sans examiner les répercussions fiscales. Par conséquent, ces transactions peuvent mener à des résultats imprévus en ce qui a trait à l’impôt sur le revenu.
En vigueur depuis le 1er janvier 2017, le traitement fiscal des quotas agricoles et autre bien en immobilisation admissible (BIA) a subi une réforme en profondeur. Annoncé d’abord lors du budget fédéral de 2016, le régime de BIA a été officiellement remplacé par la déduction pour amortissement (DPA) de la catégorie 14.1 le 1er janvier 20171. Avec une fin d’année financière en 2017 approchant à grands pas pour de nombreux agriculteurs et de nombreuses sociétés agricoles, les agriculteurs auraient tout avantage à connaître les implications de ces changements sur leurs activités.
Dans un bulletin Alerte agricole précédent, Thomas Blonde a donné un résumé plus exhaustif de ces changements. Le présent article met en lumière quelques problèmes fiscaux pratiques que les entreprises agricoles pourraient rencontrer avec le nouveau régime.
Qu’est-ce qui a changé?
En surface, les changements semblent cosmétiques. Au lieu de fournir une déduction annuelle de 7 % sur 75 % du coût du quota (effectivement 5,25 %), la DPA catégorie 14.1 procure une déduction annuelle de 5 % sur 100 % du coût du quota acquis après le 31 décembre 2016. Les soldes existants dans le compte de montants cumulatifs des immobilisations admissibles (MCIA) de BIA sont convertis en soldes de fraction non amortie du coût en capital (FNACC) dans la catégorie 14.1 le 1er janvier 2017. Les ventes de quota en 2017 et après seront traitées comme d’autres dispositions de biens amortissables. Les règles transitoires2 procurent un allègement pour les soldes existants de MCIA capitalisés à l’origine à seulement 75 %, les années financières qui chevauchent le 1er janvier 2017 et les petits soldes de FNACC de catégorie 14.1.
Et si la ferme détient de multiples quotas?
En vertu des règles avant 2017, tous les quotas et autres MCIA étaient traités en tant qu'une seule et même catégorie fiscale. Observons une ferme qui mène en même temps des opérations laitières et des opérations d’élevage de poulets à griller. Disons que la ferme a acquis un quota laitier au coût total de 2 millions de dollars et un quota de poulets à griller au coût total de 1 million de dollars, la laissant avec un solde de MCIA en 2016 de 1,8 million de dollars. Si cette ferme vend la totalité de son quota de poulets à griller à une partie sans lien de dépendance en 2016 pour 1,6 million de dollars, la vente ne produirait aucun revenu aux fins de l’impôt. La MCIA devrait décroître de 75 % du produit (1 200 000 $), laissant un solde de MCIA de 600 000 $ à déduire sur plusieurs années.
Ce même ensemble de faits avec la vente de quota de poulets à griller en 2017 (au lieu de 2016) mène à un résultat totalement différent. Le 1 800 000 $ de MCIA sera converti en solde FNACC de catégorie 14.1 le 1er janvier 2017. Cependant, la vente du quota en tant que bien amortissable exige que la ferme déduise le plus petit montant entre le coût (1 000 000 $) et le produit (1 600 000 $) de la FNACC de catégorie 14.1 en 2017. La ferme peut seulement tenir compte du coût original du quota de poulets à griller dans cet exemple parce que les quotas de poulets à griller et les quotas laitiers sont des biens distincts au sein de la catégorie 14.1. Les règles de transition3 procurent une augmentation théorique dans la FNACC de 250 000 $ (25 % du plus petit montant entre le coût original et le produit) pour reconnaître que seulement 75 % du coût original a été ajouté au MCIA. Ainsi, la ferme se retrouvera avec un solde de FNACC de catégorie 14.1 de 1 050 000 $ (1 800 000 $ - 1 000 000 $ + 250 000 $) à déprécier dans les années à venir.
Mais l’histoire n’est pas finie. La ferme devrait aussi réaliser un gain en capital de 600 000 $ (1 600 000 $ de produit – 1 000 000 $ de coût original), dont la moitié est imposable au taux d’imposition sur le revenu de la ferme. Pour un particulier comme pour une société, ce taux pourrait atteindre plus de 50 %, menant à de l’impôt supplémentaire après 2016 pouvant atteindre environ 150 000 $ dans cet exemple.
Que se passe-t-il si la ferme vend seulement un petit quota?
Certaines commissions de gestion des approvisionnements, comme les producteurs laitiers de l’Ontario, procurent aux fermes qui répondent à certains critères des attributions supplémentaires de quotas de temps à autre. Certaines de ces fermes vendent habituellement ces attributions de quotas pour produire des liquidités en vue de financer d’autres besoins de production agricole. Avant 2017, ces ventes n’auraient généralement eu aucune conséquence fiscale.
Après 2016, les règles décrites ci-dessus créeront un revenu imposable sur la plupart de ces petites ventes de quotas. L’ARC estime que les unités d’un quota fermier particulier, comme le quota laitier, sont des « biens identiques » impossibles à distinguer4. Le coût de chaque unité d’un quota fermier particulier est calculé en faisant la moyenne du coût de toutes les unités de ce quota. Par exemple, une vente d’une unité de quota laitier pour 24 000 $ avec un coût moyen de 10 000 $ devrait entraîner un gain en capital de 14 000 $. Cette transaction auparavant à impôt différé est maintenant sujette à de l’impôt immédiat aux taux des gains en capital.
Que se passe-t-il si la ferme achète un quota de remplacement?
Avant 2017, une ferme pouvait faire des transitions entre les secteurs sous gestion de l’offre à l’abri de l’impôt dans certaines circonstances. Par exemple, une ferme passant d’une exploitation laitière à une exploitation de poulets à griller pouvait vendre son quota laitier pour 2 000 000 $ et acheter un quota de poulets à griller pour 2 000 000 $ sans conséquence fiscale immédiate. Le MCIA aurait accru de 1 500 000 $ (75 % du coût du quota de poulets à griller) et décru de 1 500 000 $ (75 % du produit du quota laitier). Si ces transactions avaient toutes deux eu lieu en 2016, il n’y aurait eu aucun changement net en MCIA et aucune inclusion de revenu imposable pour cette transition. Après 2016, la cession serait sujette à l’imposition en vertu du traitement des gains en capital abordé ci-dessus.
De plus, si l’acquisition du quota de poulets à griller avait eu lieu dans l’année d’imposition suivant la cession du quota agricole, l’ancien paragraphe 14(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) fournissait un report d’impôt sur l’acquisition de BIA de remplacement. Après 2016, les seules dispositions sur les biens de remplacement offertes pour des transactions de quotas seraient des cessions involontaires (c.-à-d. par vol, destruction ou expropriation) de l’ancien quota en vertu du paragraphe 13(4) de la LIR. L’ARC a confirmé que le quota agricole ne serait pas admissible au traitement de bien de remplacement pour les cessions ordinaires en vertu de ces nouvelles règles en vigueur en 20175. Par conséquent, les agriculteurs ne peuvent plus compter sur des reports d’impôt sur des biens de remplacement pour leurs quotas.
Que se passe-t-il si la ferme transfère le quota à une société?
Avant 2017, les agriculteurs et les sociétés agricoles pouvaient transférer un quota à une société en vertu de certaines dispositions de roulement de l’article 85 de la LIR. En présumant que les autres conditions ont été respectées, l’auteur du transfert pourrait recevoir des espèces ou une dette de la part de la société à l’abri de l’impôt en contrepartie, jusqu’à 4/3 du solde de MCIA transféré. Cette augmentation en contrepartie permise libre d’impôt s’appuie sur le fait que seulement 75 % du coût du quota était à l’origine ajouté au MCIA sur acquisition.
Après 2016, toutefois, cette augmentation de coût ne s’applique plus sur ces transactions de transferts. Maintenant, les auteurs de transferts reçoivent uniquement le solde de la FNACC de catégorie 14.1, qui équivaut à l’ancien MCIA, en tant qu’espèces ou dette de la société à l’abri de l’impôt. Effectivement, le nouveau régime réduit de 25 % la dette qu’un agriculteur peut transférer à l’abri de l’impôt à une société à titre de contrepartie pour le quota acquis avant 2017. La Direction des décisions de l’ARC a confirmé notre interprétation de ces règles et a adressé nos observations au ministère des Finances. Des modifications législatives en vue d’améliorer la neutralité des règles transitoires – basées sur les dates où le quota est acquis et transféré – semblent être nécessaires, mais aucune n’a été annoncée au moment d‘écrire ces lignes.
Quelles répercussions auront les propositions du 18 juillet sur la vente de quotas agricoles par des sociétés?
Le gouvernement a publié un document de consultation le 18 juillet 2017, proposant des changements en profondeur à l’imposition des sociétés privées. Dans un bulletin Flash fiscal précédent, Rainer Vietze a résumé les longues propositions, qui pourraient sans aucun doute toucher la plupart des sociétés agricoles familiales.
Deux éléments en particulier extraits du document de consultation pourraient avoir un effet considérable sur les cessions de quotas agricoles par des sociétés. Premièrement, la moitié du gain de la cession d’un quota agricole s’ajoute au compte de dividendes en capital de la société, qu’il soit calculé en vertu des anciennes règles et disponible au début du prochain exercice financier ou en vertu des nouvelles règles et disponible immédiatement. La nouvelle législation proposée6 pourrait juger tout dividende en capital versé après le 18 juillet 2017, comme le résultat d’une vente de quota imposable à titre de dividende. Deuxièmement, le gouvernement a demandé des points de vue sur la manière de réformer le système d’impôt à l’investissement pour les sociétés privées, ce qui pourrait inclure une augmentation de l’impôt des sociétés sur les gains en capital imposables.
Restez à l’affût d’autres commentaires sur les modifications fiscales proposées puisque la mise à jour économique de l’automne approche.
Que doivent faire les agriculteurs dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre?
Les nouvelles règles du quota agricole sont complexes. Les règles transitoires sont plus compliquées et les propositions fiscales touchant les sociétés privées le sont encore plus. Cet article éclaire globalement les changements et les problèmes qu’elles présentent. Contactez votre conseiller Collins Barrow pour obtenir davantage d’assistance en fonction de vos objectifs particuliers et de votre situation.
1. Déposée quand le projet de loi pour abroger l’article 14 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) a reçu la sanction royale le 15 décembre 2016.
2. Trouvé dans les nouveaux paragraphes 13(38) à 13(42) de la LIR.
3. Trouvé dans l’alinéa 13(39)(a) de la LIR.
4. Voir l’interprétation technique de l’ARC 2016-0660861E5 (27 septembre 2016).
5. Voir l’interprétation technique de l’ARC 2016-0666901E5 (4 novembre 2016).
6. Nouvel article 246.1 proposé de la LIR , tel qu’il est rédigé actuellement.