
Attribution des crédits de taxe sur les intrants : à la défense du caractère « juste et équitable »
Les décisions récentes de la CCI (Cour canadienne de l’impôt) dans la cause University of Calgary v. R. et University of Alberta v. R., (les dossiers des universités)1 ont procuré certaines clarifications quant à l’établissement des versements de crédit de taxe sur les intrants (CTI) relativement au terrain et aux bâtiments, ou améliorations apportées à de tels biens, qui sont acquis afin de les utiliser en partie pour réaliser des fournitures taxables et en partie pour réaliser des fournitures exemptées.
Ce qui est clair
Les méthodes utilisées par toutes les personnes (autres que les institutions financières) pour déterminer dans quelle mesure les biens ou les services sont acquis, en vue d’effectuer des fournitures taxables pour une contrepartie ou à d’autres fins dans un exercice financier, doivent être justes et équitables et utilisées uniformément tout au long de l’exercice. Cela dit, les règles relatives à la TPS/TVH n’imposent pas une méthode particulière quant à l’attribution de CTI.
Ce qui n’est pas si évident
Il n’est pas évident, par contre, qu’une méthode particulière dans des circonstances particulières réponde aux exigences du caractère juste et équitable. Cette question reste un sujet fréquent de différends entre les inscrits à la TPS/TVH et l’Agence du revenu du Canada (ARC), notamment en ce qui a trait à l’attribution des intrants indirects, comme les espaces communs ou les espaces de soutien.
Décisions antérieures des tribunaux
Antérieurement aux décisions récentes de la CCI (Cour canadienne de l’impôt) dans les dossiers des universités, une jurisprudence établie2 avait clarifié que, dans une situation donnée, il y a probablement plus qu’une méthode d’attribution qui soit juste et équitable. Par conséquent, il ne s’agit pas de savoir si l’inscrit choisit la meilleure méthode ou la méthode la plus adéquate, mais plutôt si la méthode choisie par l’inscrit était en fait juste et équitable pour l’effort particulier de l’inscrit. Autrement dit, selon les règles relatives à la TPS/TVH, l’inscrit a le droit de choisir toute méthode de calcul qui est juste, équitable et cohérente, même si une autre méthode pourrait être « meilleure ».
Décisions récentes des tribunaux
Dans les dossiers des universités, l’inscrit et l’ARC ont pu s’entendre sur l’attribution de l’espace au sein des bâtiments qui était utilisé directement ou indirectement dans la réalisation des fournitures taxables effectuées pour une contrepartie ou des fournitures exemptées. Effectivement, il semble que les deux parties seraient arrivées aux mêmes montants de CTI pour l’utilisation de l’espace au sein des bâtiments, n’eût été l’utilisation de l’ARC d’un index de pondération, qui a tenté de prendre en compte le coût de remplacement relatif des améliorations variées effectuées sur les campus des universités.
Toutefois, des divergences entre les universités et l’ARC existaient entre leurs méthodologies respectives d’attribution de CTI appliquées aux zones de campus externes aux bâtiments – qualifiées d’aires communes externes.
La méthodologie des universités
Les universités ont présumé que toutes les aires de terrain et de bâtiments de l’université étaient acquises dans l’exercice de leurs activités de réalisation de fournitures imposables ou exemptées. Les universités ont déterminé dans quelle mesure les aires communes externes et les aires communes internes étaient utilisées dans des activités commerciales en basant cette détermination dans la mesure où cet espace au sein de tous les bâtiments était utilisé directement pour réaliser des fournitures imposables en vue d’une contrepartie.
La méthodologie de l’ARC
Malgré avoir accepté que les aires communes internes étaient utilisées pour la réalisation de fournitures imposables et de fournitures exemptées, l’ARC a traité les aires communes externes comme étant utilisées seulement pour des activités exemptées.
La décision
Le juge D’Arcy de la CCI a contesté l’approche de l’ARC au sujet des aires communes externes, qui présume que les universités n’ont pas acquis les aires communes externes pour les utiliser aux fins de réalisation de fournitures imposables en vue d’une contrepartie. Le juge D’Arcy a déclaré : « À mon avis, une méthodologie qui traite différemment deux secteurs qu’un inscrit utilise de la même manière (c.-à-d. les aires communes externes et les aires communes internes) ne satisfait pas aux dispositions du paragraphe 141.01(5) quant au critère de caractère juste et équitable. » [par. 164] 3
L’hypothèse de l’ARC voulant que les universités n’aient pas acquis les aires communes externes pour les utiliser aux fins de la réalisation de fournitures imposables en vue d’une contrepartie a eu pour effet de juger que les aires communes externes étaient utilisées pour des activités « exemptées ». Le juge D’Arcy a déclaré : « J’ai eu de la difficulté à comprendre le fondement factuel ou législatif sur lequel se fondait cette position. » [par. 165]
Les points importants
- Il y a plusieurs points essentiels à tirer de ces décisions : Un effort, comme une activité commerciale, existe presque toujours pour fournir certaines formes d’extrants ou, en langage de TPS/TVH, pour réaliser des fournitures.
- Dans les entreprises où il n’y a pas de fournitures réalisées en vue d’une contrepartie gratuite ou symbolique, les règles d’attribution de CTI exigent que tous les intrants – directs ou indirects – acquis dans le cadre d’une activité commerciale soient attribués à la réalisation de fournitures imposables en vue d’une contrepartie ou de fournitures exemptées.
- Il est souvent impossible ou irréalisable de déterminer jusqu’où un inscrit utilise les intrants indirects (comme les aires communes ou les aires de soutien) directement pour la réalisation des fournitures imposables ou exemptées. (C’est peut-être pour cette raison qu’ils sont appelés « intrants indirects ».)
- Les règles d’attribution de CTI exigent que l’inscrit développe une méthodologie pour répartir l’utilisation des divers composants des aires communes et aires de soutien (qu’elles soient internes ou externes aux bâtiments), entre leur utilisation pour la réalisation de fournitures imposables en vue d’une contrepartie et leur utilisation pour la réalisation de fournitures exemptées. [par. 154]
Facteurs à considérer dorénavant
Ce sujet demeure un secteur extrêmement complexe où réside un risque sérieux que l’ARC rejette des demandes importantes de CTI sur la base voulant que les méthodes utilisées étaient, selon l’opinion de l’ARC, inéquitables ou déraisonnables.
Selon ces nouveaux développements, nous sommes dorénavant dans un tout nouveau monde d’attribution de CTI où nos anciennes règles de mesure ne nous donneront plus les renseignements dont nous avons besoin pour optimiser les demandes de CTI, non seulement pour le terrain et les bâtiments, mais aussi pour les frais généraux indirects.
Ces règles d’attribution de CTI peuvent s’appliquer à différents types d’organismes qui réalisent des fournitures imposables et des fournitures exemptées, notamment les organismes à but non lucratif, les organisations caritatives, les municipalités, les commissions scolaires, les autorités hospitalières, les collèges publics et les universités.
Contactez votre conseiller Collins Barrow pour voir si vos méthodes de réclamations de CTI vous font perdre des recouvrements d’impôt importants.
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1 University of Calgary v. R., 2015 TCC 321; University of Alberta v. R., 2015 TCC 336
2 Magog (Ville) c. R., 2001 FCA 210; Bay Ferries Ltd. v. R., 2004 TCC 663;
3 Toutes les références du paragraphe sont tirées de la décision de l’Université de Calgary.