
À l'approche du budget fédéral de 2019, de nombreuses entreprises canadiennes espéraient que le gouvernement libéral ferait machine arrière par rapport aux mesures fiscales restrictives instaurées au cours de ces dernières années. Tout a commencé lorsque ce gouvernement est entré en fonction et s’est engagé à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu dans le but d’éliminer des déductions et des crédits d’impôt jugés inutiles. Mais les choses ne se sont pas arrêtées là. Ils se sont également penchés sur les sociétés privées et sur la perception selon laquelle ces sociétés seraient utilisées par des particuliers pour éviter de payer une juste part d'impôts. Cette démarche gouvernementale a créé, à compter de juillet 2017, des problèmes nombreux et complexes pour les sociétés privées sur les plans de la fiscalité de la conformité.
Par exemple, les règles établies en vertu de l’emploi de dividendes dans le fractionnement de revenus — à n’en pas douter, le projet de loi le plus complexe que ce gouvernement ait jamais introduit —constituent un secteur qui gagnerait beaucoup à être simplifié, de l’avis d’un grand nombre de personnes. Ces règles s’étendent actuellement sur plus de dix pages et contiennent nombre de législations complexes. Le monde des affaires comptait notamment sur une modification officielle de la Loi de l'impôt sur le revenu dans le but de simplifier ces règles ainsi que d'autres lois complexes et fastidieuses sur le plan administratif. CPA Canada avait même fait pression en ce sens, à l'instar des nombreux autres organismes qui espéraient que le gouvernement changerait de cap dans le budget de cette année.
L'autre grand espoir pour les entreprises avait trait à une réduction de l'impôt sur les sociétés, qui aurait eu pour résultat d’encourager davantage les entreprises étrangères à investir au Canada et à ne pas transférer leur argent dans des pays plus accueillants sur le plan fiscal. Le gouvernement a cependant décidé de ne pas aller de l’avant avec ces changements lorsqu’il a commencé à rédiger le budget. Au lieu de cela, il a introduit une série de mesures ciblées en faveur de groupes spécifiques, sans tenir compte du monde des affaires canadien dans son ensemble.
Le budget de 2019 s’est par exemple penché sur l’une des préoccupations majeures des milléniaux : l’accès à des logements abordables (l’incitatif à l’achat d’une première habitation) et la peur de perdre son emploi en raison de l’automatisation du monde du travail (l’allocation canadienne pour la formation). Le budget de 2019 promulgue également une mesure très spécifique pour l'industrie du journalisme — introduite dans l'Énoncé économique de l'automne 2018 —, qui ne sera toutefois avantageuse que pour un groupe trié sur le volet. Même si c’est une bonne chose que d’appuyer l’industrie canadienne du journalisme, cette démarche n’offre aucun avantage pour des groupes constitués de propriétaires de restaurants, de fabricants, de plombiers ou d’ouvriers en bâtiment.
En fait, un examen plus approfondi du budget fédéral révèle une absence presque totale de mesures en faveur du monde des affaires dans son ensemble. Même si des mesures spécifiques et ciblées sont présentes, les entreprises se sont vu refuser leurs deux principales demandes : (1) une réduction des taux d'imposition des sociétés et (2) une loi fiscale simplifiée visant à réduire les coûts de conformisation. Même si personne ne s’attendait à ce que le budget annonce des solutions immédiates à ces problèmes, beaucoup s’attendaient à une annonce exprimant l’intérêt du gouvernement et son intention de les résoudre — par l’intermédiaire d’une commission d'enquête parlementaire ou d’un examen officiel au cours des prochaines années. Malheureusement, rien de tout cela n’a été mentionné dans le budget, ce qui laisse à penser que le gouvernement n’est pas conscient du problème soulevé par ces deux questions ou n’entrevoit aucune solution.
Malgré certains sujets d’inquiétude, le budget de 2019 contient néanmoins un élément intéressant : la décision d'éliminer l'un des seuils établis pour les activités de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE). À l’origine, lorsque votre revenu imposable était trop élevé, vous commenciez à perdre l’un des avantages offerts par l’obtention d’un crédit d’impôt remboursable plus élevé de la part du programme de RS&DE (la limite de dépenses à laquelle vous aviez droit était notamment abaissée et vous perdiez 20 points de pourcentage ainsi que la remboursabilité de ce crédit d’impôt). Pour certains clients, c’était un problème énorme, car ils comptaient sur ce crédit pour investir encore plus dans des projets de RS&DE dans les années à venir. L'élimination de ce seuil permettra aux entreprises d'utiliser leurs bénéfices pour développer leurs activités sans craindre de perdre les fonds publics alloués par le programme de RS&DE, souvent utilisé pour accroître l’investissement dans le secteur de la recherche et du développement.
Dans l’ensemble, les mesures fiscales proposées par le budget fédéral ne sont ni négatives ni destructrices — elles ont simplement une perspective trop restreinte. En plus d'être très isolées et spécifiques, nombre d’entre elles fonctionnent davantage comme des mesures correctives sur le plan législatif et non comme des mesures pouvant apporter de vrais changements. Certes, elles amélioreront subtilement la vie de certains Canadiens, mais ne constituent pas une refonte radicale de la Loi de l’impôt sur le revenu.