
Anti-évitement et dividendes intersociétés : Addenda à l’article 55 de la Loi de l’impôt sur le revenu
La Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) contient de nombreuses règles anti-évitement interdisant aux contribuables d’utiliser abusivement ses dispositions pour obtenir des avantages fiscaux contraires à la politique fiscale canadienne. Le budget fédéral de 2015 a proposé des modifications 1 à l’une de ces règles anti-évitement, ce qui peut influer considérablement sur la capacité des propriétaires d’entreprises à disposer d’actifs et de dividendes en espèces entre sociétés.
Ces changements affectent l’article 55 de la LIR, lequel contient des dispositions qui convertissent en gains en capital les dividendes intersociétés libres d’impôt (à savoir les dividendes versés par une société à une autre société détenant des actions du payeur). L’effet de cette conversion est de prendre quelque chose qui autrement serait non imposable (un dividende intersociétés) et de le rendre imposable (un gain en capital). Le projet de loi va étendre l’application de ces règles et rendre de telles pratiques usuelles — comme le transfert de fonds d’une société en exploitation vers une société de portefeuille — beaucoup plus compliquées.
Les règles s’appliquent aux dividendes versés à la suite du dépôt du budget, soit le 20 avril 2015. Il y a plusieurs changements majeurs qui auront un impact direct sur les opérations courantes.
Les dividendes en espèces entre sociétés liées
Selon la législation actuelle, il existe une exemption de l’application de l’article 55 lorsque la série d’opérations entourant le dividende n’implique pas de parties non liées. Le projet de loi vise à limiter cette exonération des dividendes résultant de rachats d’actions — les dividendes en espèces ne seront plus admissibles à l’exemption. Les propriétaires d’entreprises qui versent des dividendes en espèces dans une structure d’entreprise de parties liées doivent, pour la première fois, tenir compte de l’application de l’article 55 lorsqu’il est question de leurs dividendes intersociétés.
Actions à dividendes discrétionnaires intersociétés
L’exemption de la partie liée permettait aux groupes de sociétés liées d’utiliser des actions privilégiées intersociétés avec valeur nominale (souvent appelées « actions à dividendes discrétionnaires ») pour déplacer des dividendes à l’intérieur d’un groupe de sociétés de façon simple et à moindre coût. Cependant, la suppression de l’exemption des opérations entre parties liées force de tels dividendes en espèces à être versés à partir des bénéfices après impôts (souvent appelé « revenu protégé »). Le projet de loi prévoit toutefois que le revenu protégé en question doit être considéré comme une contribution à un gain en capital, provenant de l’action sur laquelle le dividende a été payé. Parce que de telles actions ont une valeur nominale fixe, il serait difficile de suggérer que les bénéfices après impôts de la société pourraient contribuer à un gain sur ces actions particulières. À la suite de ces deux premiers changements, les dividendes intersociétés sur les actions à dividendes discrétionnaires ne peuvent échapper à la conversion en gains en capital que lorsqu’aucun critère d’objet commercial (voir ci-dessous) n’est respecté.
Paiement de dividendes intersociétés sur des catégories distinctes d’actions ordinaires
Les changements décrits ci-dessus (l’élimination de l’exonération des parties liées pour les dividendes en espèces, et la précision que le revenu protégé en question doit être considéré comme une contribution à un gain en capital, provenant de l’action sur laquelle le dividende a été payé) ont fait en sorte qu’il est difficile de payer des dividendes en espèces intersociétés à un taux différentiel sur les catégories distinctes d’actions ordinaires. Ce changement est évident dans le contexte de structures avec des parties liées, lorsque les actionnaires pouvaient auparavant payer différents dividendes sur chaque catégorie d’actions ordinaires sans se soucier de savoir si les montants payés étaient sur le revenu protégé.
Expansion des critères d’objet commercial
Pour que l’article 55 s’applique, la législation actuelle exige que l’une des raisons d’utilisation d’un dividende en espèce soit la suivante : pour effectuer une réduction significative de la partie du gain en capital qui serait réalisé lors de la disposition à la juste valeur marchande de tout capital-actions. Le projet de loi élargit ce critère d’objet commercial par l’ajout de deux autres scénarios dans lesquels l’article 55 est applicable, c’est-à-dire si l’un des objectifs du dividende est d’effectuer a) une réduction significative de la juste valeur marchande d’une action, ou b) une augmentation significative du coût des biens appartenant au bénéficiaire du dividende. Pour les dividendes en espèces versés sur les dividendes discrétionnaires et les catégories distinctes d’actions ordinaires, il sera nécessaire de faire valoir qu’ils n’ont pas eu l’un de ces trois effets comme objectif.
Impacts supplémentaires
Les modifications à l’article 55 influeront également sur la capacité des propriétaires d’entreprises à utiliser les dividendes en actions intersociétés et le prix de base rajusté de la participation d’un actionnaire lors de la planification fiscale des entreprises.
Les modifications proposées à l’article 55 auront un profond impact sur la complexité et le coût de versement de dividendes intersociétés pour les propriétaires de petites entreprises, en particulier ceux qui auparavant ne pouvaient largement ignorer cet article. Si vous envisagez de payer un dividende intersociétés dans les prochains mois, contactez votre conseiller Collins Barrow pour plus de conseils et d’informations.
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1 Le projet de loi a été publié par le ministère des Finances, mais, à compter de la date de ce Tax Alert, n'a pas encore été adopté par le Parlement. Les implications de la loi telles que discutées dans ce Tax Alert peuvent être modifiées si la législation est révisée avant d'être transmise.