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Minage de bitcoins : l’interprétation de l’ARC en proie aux critiques

Cet article a pour sujet les monnaies virtuelles et le minage de monnaies virtuelles. Ces termes sont plus souvent connus sous le nom de « bitcoin » et de « minage de bitcoins », car le bitcoin est la monnaie virtuelle la plus répandue.

La seule publication de l’Agence du revenu du Canada sur le minage de bitcoins date de quatre ans. Cette courte interprétation technique publiée le 28 mars 20141 traitait de trois thèmes fondamentaux en matière de minage de bitcoins :

  1. L’activité personnelle vs l’activité commerciale ;
  2. La comptabilisation de revenus ;
  3. Les stocks vs les biens en immobilisation.

Ces thèmes sont reliés aux trois questions suivantes :

  1. Le minage de bitcoins est-il taxable ?
  2. Dans quelles circonstances ?
  3. Et à quel pourcentage ?

L’interprétation technique de 2014 avait certes abordé ces questions, mais manquait de profondeur. Dans cet article, nous passerons en revue ces trois sujets clés et essayerons de rendre les choses un peu plus claires.

Activité personnelle vs activité commerciale : le minage de bitcoins est-il taxable ?

L’Agence du revenu du Canada (ARC) s’est basée sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Stewart v.The Queen2 (Stewart c. La Reine) pour déterminer si le minage de bitcoins doit être considéré comme une activité personnelle (non imposable) ou une activité commerciale (imposable). La Cour avait fait la déclaration suivante : « L’activité sera classée comme commerciale s’il s’avère que le contribuable concerné avait l’intention subjective de réaliser un profit par son entremise. Cette intention doit de plus pouvoir être démontrée par des faits ».

La Cour a conclu à cet effet qu’une activité sera réputée commerciale (une source de revenus) si elle est dénuée d’éléments relatifs à la vie privée de l’individu concerné. Le caractère propre de chaque cas devra cependant être pris en compte à chaque fois.

De manière générale, le minage de bitcoins pour le plaisir personnel est lié à deux facteurs fondamentaux :

  1. Il est difficile à opérer sur le plan financier, car il faut parfois dépenser beaucoup d’argent et d’énergie pour réussir ;
  2. Le processus de minage lui-même ne nécessite aucune interaction humaine, contrairement aux d’activités pouvant parfois être considérées comme des passe-temps comme l’élevage de chevaux.

Si l’on oublie les rares individus qui minent des bitcoins par curiosité scientifique, il est donc difficile de soutenir que cette activité est de nature personnelle.

Comptabilisation de revenus : dans quelles circonstances le minage de bitcoins est-il taxable ?

Dans l’interprétation technique de 2014, l’ARC avait déclaré : « Lorsqu’un contribuable mine des bitcoins dans un but commercial, le calcul des revenus qu’il a tirés de son entreprise durant une année d’imposition donnée devra tenir compte de la valeur des biens décrits dans l’inventaire à la fin de l’année concernée ». L’article 10 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi) et la section XVIII du Règlement de l’impôt sur le revenu énoncent les règles qui doivent être suivies pour l’évaluation de stocks dans de telles circonstances.

Dans la plupart des cas, l’une des deux méthodes suivantes peut être utilisée :

  • L’évaluation de chaque élément de l’inventaire au prix d’achat ou à la juste valeur marchande à la fin de l’année, si ce dernier s’avère plus faible ;
  • L’évaluation de la totalité de l’inventaire à sa juste valeur marchande à la fin de l’année.

D’autres méthodes peuvent probablement être utilisées ou s’avérer nécessaires, dépendant de la nature de l’entreprise à laquelle on a affaire. Par exemple, un bien décrit dans l’inventaire comme un projet comportant un risque ou une affaire à caractère commercial doit être évalué au prix d’achat par le contribuable.

La comptabilisation de revenus tirés du minage de bitcoins est donc traitée, si l’on tient compte de l’interprétation de l’ARC, de la même façon que dans des exploitations minières véritables (par exemple une mine d’or), qui minent des ressources dans le but de les vendre. Cependant, l’interprétation ne tient pas vraiment compte des principes fondamentaux de la technologie à la base des cryptomonnaies, en l’occurrence, le « réseau des chaînes de blocs ».

La référence à l’industrie minière (le « minage) est utilisée dans le marché pour expliquer plus facilement au grand public la manière dont les bitcoins sont créés. Mais dans la réalité, c’est un service que les « mineurs » commerciaux sont chargés de fournir afin de maintenir le réseau de chaînes de blocs. Ce service est fourni en échange d’une récompense — des bitcoins — et est communément appelé « preuve de travail ». Il consiste notamment en la résolution et la validation des calculs mathématiques au cœur de la technologie utilisée par Bitcoin (la chaîne de blocs). Les bitcoins sont accordés en contrepartie des services rendus.

Étant donné que les mineurs commerciaux de bitcoins sont en train d’être rémunérés pour assurer la sécurité et la validité du réseau, il serait plus judicieux de considérer leurs revenus comme le produit d’un service. Ces revenus devraient en conséquence être enregistrés en dollars canadiens au prix au comptant en cours lors de la réception du bitcoin. C’est cependant plus facile à dire qu’à faire, car le cours du bitcoin peut varier considérablement d’une place boursière à l’autre. En l’absence de directives de la part des autorités canadiennes sur la meilleure façon d’évaluer des bitcoins à leur réception, il appartient donc au contribuable de déterminer une méthode raisonnable et stable pour évaluer des bitcoins reçus en contrepartie d’opérations de minage. L’Administration fédérale des contributions de la Suisse (Swiss Federal Tax Authority) suggère quant à elle de faire la moyenne des prix en vigueur dans certaines des plus grandes places boursières. (L’AFC utilise jusqu’à 12 cours différents pour établir les moyennes affichées sur son site Web.)

Inventaire vs biens en immobilisation : quel pourcentage imposable ?

Une fois le bitcoin gagné et le revenu comptabilisé, il faut déterminer la forme à employer pour le conserver en tant qu’actif (c’est-à-dire durant la période de détention). La forme dépend des intentions du mineur et a un impact direct sur la facture fiscale lors de la vente, la consommation ou la réévaluation éventuelle3 du bitcoin. Les bitcoins peuvent être détenus de trois façons et comme :

  1. Un stock actif ;
  2. Un stock spéculatif ;
  3. Un bien en immobilisation.

Les intentions du mineur sont mises en évidence par « le volume d’activité » entourant la détention du bitcoin. Les bitcoins gérés de manière régulière et dans le but de maximiser des profits de vente sont considérés comme des stocks actifs, car ils génèrent des revenus commerciaux actifs soumis au principe d’évaluation énoncé au paragraphe 10 (1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les bitcoins non gérés et non mis à la vente à un prix spéculatif sont considérés comme des biens en immobilisation et traités de la même façon que des gains en capital (imposables à 50 %). Les stocks spéculatifs se situent entre ces deux extrêmes et ont trait aux situations où le bitcoin n’est pas géré de manière régulière, mais surveillé dans le but d’être vendu à un prix spéculatif et de générer un profit. La ligne de démarcation entre les trois méthodes n’est pas toujours bien définie, mais nous pouvons nous appuyer la jurisprudence pour y voir un peu plus clair. Les bitcoins considérés comme des stocks spéculatifs généreront des revenus d’entreprise sans l’application de la méthode d’évaluation flexible décrite au paragraphe 10 (1).

Le choix de la méthodologie dépend des intentions subjectives du mineur. Les mineurs de bitcoins doivent conserver des preuves documentaires de leurs intentions, en particulier s’ils souhaitent garder leurs bitcoins comme des biens en immobilisation. Le choix accordé au paragraphe 39 (4), qui permet notamment de traiter de manière permanente les gains et les pertes comme des gains et des pertes en capital plutôt que comme des revenus d’entreprise entièrement admissibles à l’inclusion ou déductibles n’est pas applicable ici, car les cryptomonnaies ne sont pas considérées comme des titres canadiens.

Si vous êtes engagé dans l’exploitation commerciale de bitcoins, veuillez prendre contact avec l’un des conseillers de Collins Barrow pour vous assurer que votre entreprise est en train d’enregistrer ses transactions de la bonne manière.


1 TI 2014-0525191E5.
2 2002 SCC 46.
3 Si le bitcoin est détenu comme un stock actif, il sera assujetti à l’article 10, qui permet la réévaluation de l’inventaire à la fin de chaque année d’imposition.

L'information est à jour au 26 octobre 2018. L’information contenue dans ce communiqué est de nature générale et ne prétend en aucun cas s’appliquer à la situation d’une personne physique ou morale quelconque. Malgré le soin apporté à fournir des informations précises et actuelles, nous ne pouvons pas garantir l’exactitude de ces informations au moment où elles sont reçues ou qu’elles continueront à être exactes ultérieurement. Nul ne saurait agir ou prendre une quelconque décision sur la base de ces informations sans avoir pris conseil auprès d’un professionnel et sans avoir examiné les faits au regard d’un contexte particulier.

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