Farm Alert (words)

Dans quelles circonstances peut-on détenir des terres agricoles par le biais de sociétés de portefeuille ?

Thomas Blonde 23 nov. 2021

La plupart des agriculteurs sont conscients des nombreux avantages fiscaux fournis par la détention de terres agricoles. Mais ces avantages ne peuvent parfois être obtenus qu’après la mise en place de structures plus complexes que d’ordinaire. L’une de ces structures implique la détention de ces terres par l’intermédiaire de sociétés de portefeuille.

Nous savons par expérience que l’emploi d’une société de portefeuille peut le plus couramment s’avérer une bonne idée dans ces quatre situations :

  1. Le contribuable souhaite transférer des terres agricoles qui lui appartiennent personnellement dans une entreprise ;
  2. Le contribuable souhaite retirer des terres agricoles d’une entreprise existante ;
  3. Le contribuable souhaite acquérir de nouvelles terres agricoles ;
  4. Le contribuable souhaite acquérir de nouvelles terres agricoles par l’achat des actions d’une entreprise existante plutôt que par un achat direct.

Cet article explique pourquoi l’emploi d’une société de portefeuille est souhaitable dans chacun de ces scénarios tout en soulignant des facteurs importants :

1. Transfert de terres agricoles personnelles dans une entreprise

Ce genre de transfert est le plus couramment utilisé dans les situations où le contribuable n’a pas encore utilisé la déduction pour gains en capital (DGC) accordée par les autorités fiscales (1 000 000 $) et souhaite l’employer pour obtenir un prêt aux actionnaires libre d’impôts qui lui permettra de payer des dépenses personnelles ou pour transférer des dettes personnelles dans une entreprise.

Le contribuable peut, dans ces situations, remplir et soumettre les formulaires requis à l’ARC pour signaler son intention de transférer des terres agricoles dans une entreprise à un prix qui lui permettra d’utiliser l’intégralité de la DGC à sa disposition. Il obtiendra en retour un crédit pour prêts aux actionnaires qui permettra à l’entreprise de lui verser la somme requise libre d’impôts. L’entreprise pourrait autrement utiliser le crédit pour absorber toute dette personnelle que le contribuable pourrait avoir.

Si l’entreprise possède d’autres actifs (comme d’autres terres agricoles, des quotas ou du matériel), la démarche pourrait toutefois présenter un inconvénient. Après le transfert du terrain dans l’entreprise, le contribuable n’aura notamment plus le droit de le céder à ses enfants ou d’utiliser son DGC pour des ventes à venir. Et qu’il le veuille ou non, il ne pourra que faire don (ou vendre) les actions de l’entreprise dans son ensemble. En d’autres termes, les parts devront aussi contenir les autres actifs détenus par cette entreprise.  

Le contribuable peut remédier à ce problème en créant une société de portefeuille pour les terres concernées. La société ne détiendra que les terres agricoles (et rien d’autre), libérant le contribuable de la contrainte d’ajouter les autres actifs de l’exploitation lorsqu’il cédera, vendra ou léguera éventuellement ces terres.

L’emploi d’une société de portefeuille comporte toutefois un inconvénient : les fardeaux administratifs et les frais associés à la création et au maintien d’une nouvelle société. Pour permettre à cette société de conserver le statut d’exploitation agricole familiale admissible, le contribuable devra de plus s’assurer que le loyer est payé par l’intermédiaire d’une entreprise agricole détenue et exploitée activement par lui ou par des membres admissibles de sa famille.

La détention de terres agricoles par l’intermédiaire de sociétés de portefeuille comporte cet autre avantage : l’évitement potentiel de l’impôt sur l’administration des successions (l’homologation) dans certaines provinces — une exonération qui ne sera toutefois accordée qu’après la production d’un testament corporatif secondaire (secondary corporate will) par le contribuable.

(Les économies pouvant être réalisées en vertu de cette taxe varient de province en province. En Ontario, par exemple, l’impôt sur l’administration des successions est généralement de 1,5 %.)

2. Retrait de terres agricoles d’une entreprise existante

Pour avoir accès aux avantages décrits ci-dessus, le contribuable peut aussi transférer des terres agricoles détenues (en compagnie d’autres actifs) par une société agricole dans une société de portefeuille. La démarche sera cependant coûteuse et plus complexe.

Pour pouvoir déplacer des terres d’une société à une autre sans payer d’impôts, les contribuables doivent normalement soumettre à l’ARC des formulaires liés aux roulements effectués entre sociétés. La procédure implique plus d’étapes que pour les actifs transférés à des sociétés par des particuliers, même si les formulaires sont similaires dans les deux cas.

Le contribuable doit aussi tenir compte des règles spéciales interdisant généralement la vente (ou le transfert) immédiate des actifs après le roulement — des règles de détention qui sont si strictes qu’elles ne permettent même pas la négociation de ventes avant un certain délai. Cette stratégie peut donc s’avérer peu pratique dans bien des cas.

Les transferts de terres agricoles entre sociétés sont également assujettis, dans certaines provinces, à une taxe sur les transferts fonciers, même lorsque ces sociétés sont liées. Lorsque des terres agricoles sont transférées d’un particulier à une entreprise au sein d’une même famille, la transaction est généralement exonérée de cette taxe, mais il n’existe à l’heure actuelle pas d’exonération similaire pour les transferts effectués entre entreprises.

En raison de la complexité des étapes énumérées ci-dessus et des frais générés par celles-ci, il serait donc utile de créer une société de portefeuille dès le départ. Mais même si vous ne l’avez pas fait depuis le début, vous pourrez accéder aux avantages offerts par ce genre de société par d’autres moyens.

3. Acquisition de nouvelles terres agricoles

Il est préférable pour un contribuable d’acheter personnellement (si c’est possible) ses terres agricoles plutôt que de le faire par l’entremise d’une société. C’est le moyen le plus simple et le moins coûteux d’accéder à la déduction pour gains en capital et, le cas échéant, de faire don de ces terres à ses enfants ou petits-enfants.

Mais acheter personnellement une nouvelle propriété n’est pas toujours avantageux sur le plan financier — lorsque tous les actifs agricoles sont par exemple détenus par l’exploitation, tous les revenus agricoles sont versés à cette dernière et aucun prêt aux actionnaires n’est disponible. Dans ce genre de scénario, la somme extraite de l’entreprise par l’individu pour le paiement des montants dus pour le prêt contracté (pour l’achat des nouvelles terres agricoles) sera notamment assujettie à des impôts personnels importants. L’achat du terrain par l’intermédiaire d’une société de portefeuille semble donc une solution plus viable. Si cette société est admissible au DPE (déduction accordée aux petites entreprises), elle sera assujettie à un taux d’imposition des sociétés de 9 à 13 % seulement (dépendant de la province) et aura des revenus après impôt importants pour effectuer les paiements nécessaires au remboursement du prêt foncier.

L’emploi d’une société de portefeuille distincte (de l’exploitation agricole principale) pour la détention de terres offre, de plus, les mêmes avantages que ceux offerts par la détention personnelle. Les actions de la société de portefeuille pourront notamment être vendues pour tirer profit de la déduction pour gains en capital (DGC) ou être cédées aux enfants ou aux petits-enfants du contribuable.

Il est à souligner que celui-ci devra spécifiquement vendre les actions de cette société pour avoir droit à la DGC. Trouver un acheteur dans ce genre de situation pourrait toutefois s’avérer plus difficile que prévu, car l’acheteur devra aussi être disposé à acheter les actions de l’entreprise existante (l’exploitation agricole principale). Si la société de portefeuille ne détient par contre pas d’autres actifs que des terres agricoles, la vente pourrait s’avérer plus facile (moins quand même que la vente d’actifs), car elle posera moins de risques pour l’acheteur et lui causera moins d’incertitudes.

Posséder des terres par l’intermédiaire d’une autre société a cet autre avantage : la possibilité, dans certaines municipalités, d’éviter la fusion automatique des titres lorsque des propriétés voisines sont détenues ou achetées par la même personne.

4. Acquisition de terres agricoles par l’achat des actions d’une entreprise existante

Au fur et à mesure que particuliers prendront conscience des avantages offerts par les sociétés de portefeuille, les contribuables achèteront de plus en plus des terres agricoles par l’acquisition des actions des sociétés détentrices de ces terres et de moins en moins par l’achat direct de ces dernières.

Comme expliqué ci-dessus, l’un des avantages conférés par les ventes d’actions est que le vendeur peut tirer parti de son DGC. L’acheteur peut, quant à lui, vraisemblablement faire des économies sur les droits de cession immobilière (land transfer tax [LTT]) imposés dans les provinces promulguant cette taxe — le seul avantage offert aux acheteurs dans ce genre de situation. L’étendue de ces économies dépendra toutefois du taux de LTT en vigueur dans la province concernée. Voici par exemple les taux marginaux employés en Ontario pour les droits de cession immobilière :

Premiers 55 000 $

0,5 %

 

55 000,01 $ à 250 000 $

1,0 %

250 000, 01 $ à 400 000 $

1,5 %

400 000, 01 $ à 2 000 000 $

2,0 %

Plus de 2 000 000 $

2,5 %

Nonobstant ces économies potentielles, l’acheteur devra aussi tenir compte des risques et des frais associés à l’achat avant de conclure l’accord.

Pour commencer, il sera vraisemblablement tenu de constituer une toute nouvelle société avant d’acheter les actions et de la fusionner avec la société nouvellement acquise après la clôture de l’affaire — le seul moyen de faire grimper la valeur des terres agricoles maintenant présentes dans l’entreprise fusionnée jusqu’à prix où elles ont été réellement achetées (comme le souligne l’article 88 [1] de la Loi de l’impôt sur le revenu.) Autrement, l’acheteur restera « coincé » avec la valeur originelle de ces terres (le prix auquel l’entreprise agricole les avait achetées à l’origine) et sera forcé de baser le calcul de ses gains en capital futurs sur cette valeur notamment inférieure (à moins que l’acheteur ne trouve plus tard quelqu’un disposé à acheter des actions).

Deuxièmement, l’acheteur ne pourra faire monter la valeur de ces terres que jusqu’au prix d’achat (pas plus haut) ; et il ne lui est pas non plus permis de faire grimper la valeur des bâtiments agricoles, des maisons et des autres actifs. L’acheteur pourrait se préparer en conséquence et négocier un accord d’achat d’actifs distinct pour les stocks, les équipements et les autres actifs. Mais la maison et les bâtiments agricoles devront, le cas échéant, définitivement garder la valeur fiscale d’origine (notamment inférieure) amortie aux fins de l’impôt, ce qui aura pour résultat de faire baisser le montant des radiations dans le futur et de faire augmenter les factures fiscales à venir.

Si l’entreprise nouvellement acquise avait des pertes reportées, l’acheteur pourrait demander au vendeur d’augmenter la valeur courante de certains des actifs amortissables avant de conclure l’affaire afin de tirer profit de ces pertes et de ces moins-values ​​reportées (comme contrepoids) sur le plan fiscal (comme expliqué dans l’article 111 [4] [e] de la Loi de l’impôt sur le revenu). Sinon, les pertes en capital reportées seront perdues lors de la vente de l’entreprise, et les pertes autres que les pertes en capital ne pourront être utilisées que pour une entreprise de même nature.

Troisièmement, l’acheteur devra prendre en charge tous les anciens « fardeaux » de l’ancienne société. Par exemple, si des passifs non mentionnés avant l’entente (comme des sommes dues à l’ARC) font soudainement surface, l’acheteur devra s’en occuper. Un contrat d’achat d’actions convenablement préparé aidera à protéger l’acheteur contre toute dette ou poursuite non divulguée (même s’il n’est pas garanti que ces questions seront faciles à résoudre).

En dernier lieu, l’acheteur devra faire examiner soigneusement le projet d’achat sur le plan comptable et juridique (et payer les honoraires professionnels nécessaires à cette diligence raisonnable). Les contrats d’achat d’actions nécessitent plus de temps et d’efforts que les contrats d’achat d’actifs établi pour des risques liés à la responsabilité.

Les acheteurs d’actions ont plus de frais et encourent plus de risques que les acheteurs d’actifs et ont de ce fait des raisons de demander un prix inférieur lors des négociations. L’acheteur d’actions devra par conséquent faire des calculs pour estimer l’étendue des économies fiscales que le vendeur pourra faire et les dépenses supplémentaires qu’il aura à faire pour la vente de ses actions et apporter ces arguments à la table de négociation.

Cet article n’aborde que certains (et brièvement) des nombreux avantages et complications liés à la possession de terres agricoles par le biais de sociétés de portefeuille. Si vous pensez que ces avantages seront bénéfiques à votre entreprise, veuillez entrer en contact avec le bureau de Baker Tilly le plus proche et en discuter avec l’un de nos fiscalités agricoles. Nous vous aiderons à avoir une meilleure idée de votre situation et à comprendre les risques et les avantages liés à ce domaine complexe.

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