
Planification de la relève dans le secteur agricole : les clefs de la réussite
Le succès des exploitations agricoles familiales transmises d'une génération à l’autre dépend grandement de la réussite du processus de transfert. Les plans de relève réussis dans le secteur agricole tiennent notamment compte de nombreuses questions fiscales et non fiscales. En voici quelques exemples :
- Les parents vont-ils transférer l’intégralité des droits de propriété?
- Comment l’entreprise sera-t-elle gérée?
- Si les parents sont en train de prendre leur retraite, qu’espèrent-ils obtenir comme revenus?
- L’exploitation agricole pourra-t-elle rembourser les dettes contractées par les parents une fois le transfert achevé?
- Que peuvent espérer les enfants qui ne souhaitent pas participer à l’exploitation de la ferme après le transfert?
Les transferts agricoles sont généralement assujettis à de nombreuses règles, avant et après le décès du cédant. La dynamique familiale aura également un rôle à jouer dans le succès du plan de relève.
Questions fiscales
Transfert des biens agricoles avant le décès du cédant
Lorsque des actifs sont transférés à des enfants à une valeur inférieure à leur juste valeur marchande, le parent est quand même réputé, aux fins de l'impôt, les avoir transférés à leur juste valeur marchande ― c’est la règle de base. Les transferts de biens agricoles (par exemple, les terres, les biens amortissables et les immobilisations admissibles telles que les quotas, mais non les stocks) sont toutefois assujettis à une règle spéciale : les actifs peuvent être transférés au prix coûtant, à la juste valeur marchande ou à une valeur intermédiaire (entre les deux) à condition d’avoir été principalement utilisés (plus de 50%) dans le secteur agricole avant le transfert et à condition que l’un des membres de la famille ait participé activement dans leur exploitation avant cet évènement. Dans le cas des biens amortissables et des quotas, le seuil inférieur sera le coût en capital non amorti. La possibilité de transférer des biens à n’importe quel prix en dessous de la juste valeur marchande ou à la juste valeur marchande confère de la flexibilité au parent et à l’enfant et leur permet de tirer le meilleur parti de leur situation fiscale. Il existe également un mécanisme permettant le retour libre d’impôt du bien au parent si l’enfant décède soudainement.
Si des gains en capital sont déclenchés, l’exonération cumulative de 1 000 000 $ pour gains en capital pourrait être accordée pour compenser ces gains1. Et si des biens amortissables sont en train d’être transférés entre des parties entretenant un lien de dépendance et que le coût de base de ces biens (quotas compris) a augmenté, des règles spéciales seront appliquées pour empêcher l’amortissement fiscal futur de l’intégralité de la plus-value par l’enfant, même si l’exonération pour gains en capital est utilisée. Cependant, le montant ou le coût majoré sera utilisé pour calculer tout gain en capital futur obtenu par l’enfant lors d’une vente ou d’un transfert ultérieur.
Transfert de biens agricoles au décès
Lorsque le contribuable décède, il est généralement réputé s’être débarrassé de tous ses actifs peu avant son décès. Il existe cependant un certain nombre de dispositions permettant le transfert des biens au prix coûtant et sans l’imposition immédiate de taxes.
Il existe également des règles spéciales autorisant le transfert de biens agricoles au prix coûtant, à la juste valeur marchande ou à une valeur intermédiaire au décès d’un parent propriétaire. Selon une condition technique supplémentaire, le bien devra cependant être « dévolu irrévocablement » à l'enfant dans les 36 mois qui suivent le décès du parent. En d’autres mots, l’enfant doit obtenir la propriété absolue et inconditionnelle du bien dans les 36 mois qui suivent le décès.
Inventaire
Il n’existe aucune disposition particulière permettant le transfert libre d’impôt de stocks agricoles entre parents et enfants. Lorsque des stocks sont transférés à des enfants, le parent reçoit souvent en échange un bon de caisse (si la comptabilité de caisse est utilisée par les intéressés pour leurs besoins fiscaux). Ce bon donne la possibilité au parent de ne comptabiliser l’inventaire comme un revenu que lorsque les sommes promises sont reçues. De même, l’enfant ne pourra réclamer une déduction que lorsque les paiements seront effectués.
Exonération de gains en capital
L’exonération cumulative de 1 000 000 $ pour gains en capital accordée aux biens agricoles est toujours pertinente pour les parents à l’orée d’un transfert, mais les planificateurs de relève ne doivent pas présumer que cette exemption sera toujours disponible ou avantageuse. Un examen complet des critères d’admissibilité est donc nécessaire. Il faudra aussi savoir si l’augmentation du prix de base est une option abordable pour les parties prenantes, ce qui n’est pas toujours le cas. Les autres questions incluent le déclenchement d’un impôt minimum et le remboursement d’avantages sociaux comme la sécurité de la vieillesse. Encore une fois, une planification appropriée peut réduire ou éliminer ces conséquences néfastes.
Dynamique familiale
Même si la prise en compte des facteurs fiscaux est certainement importante, on ne doit pas oublier non plus l’impact de la dynamique familiale lors de la planification d’une relève. Selon les conseillers aux entreprises familiales, plus de 80% des transferts non réussis dans ce secteur sont dus à une méconnaissance de cet impact ou à l’incapacité de ces entreprises à gérer comme il se doit cette dynamique.
Travailler ensemble en famille peut offrir de nombreux avantages. Les intéressés ont par exemple la possibilité de bâtir une histoire commune, de mieux connaître les forces et les faiblesses de tout un chacun, de se faire confiance et de prendre soin l’un de l’autre. Les familles qui apprennent à bien travailler ensemble peuvent rendre leurs entreprises prospères dans le présent comme dans l’avenir.
Mais il y a aussi des défis. La capacité des intervenants à communiquer efficacement, à résoudre les conflits, à prendre des décisions et à différentier famille et entreprise peut contribuer grandement au succès de la société.
Les conflits entre les membres de famille et entre les générations ont le plus souvent tendance à surgir durant trois périodes clés:
- L’entrée du successeur dans l’entreprise familiale ;
- Le processus de planification de relève ;
- Le départ à la retraite du fondateur.
Communication
La communication ― ou l’absence de communication ― est un problème commun au sein des familles qui travaillent ensemble. Les membres de ces familles sont de plus appelés à communiquer sur trois plans distincts, ce qui est un autre problème en soi :
- Sur le plan émotionnel (en tant que membres d’une même famille) ;
- Sur un plan stratégique (en tant que propriétaires) ;
- Sur le plan exécutif (en tant que gestionnaires).
Ces exigences peuvent être difficiles à satisfaire. Cependant, des réunions de famille/d’entreprises régulières peuvent considérablement aider à améliorer la communication et accroître en ce faisant la productivité. Elles aideront de plus à bâtir des liens solides entre les intéressés.
Fondateurs
Les fondateurs ont, quant à eux, du mal à « lâcher prise » dans certains cas. Ils ont du mal à discuter de leurs successions et refusent de céder le contrôle ou de préparer des plans d'urgence pour leurs entreprises. L'incapacité à lâcher prise peut nuire à la famille, à l'entreprise et au succès de la relève.
Voici quelques-unes des raisons invoquées par les fondateurs pour expliquer leur difficulté à se séparer de leur entreprise :
- Personne ne peut gérer l'entreprise aussi bien que moi ;
- L’entreprise est ma principale source de revenus ; j'ai besoin de la protéger ;
- Plus d’un de mes enfants est capable de prendre la relève et je ne veux pas avoir à choisir ;
- Je n’ai nulle part où aller ;
- Les enfants veulent changer la manière dont l’entreprise est gérée;
- Je ne sais pas ce que je ferai après ma retraite; je n'ai pas de passe-temps ou d'autres intérêts;
- Les gens ne vivent pas longtemps après leur retraite.
Le moment venu, les fondateurs doivent pourtant accepter de commencer le processus de transfert, car le succès de l'entreprise pendant et après cette étape en dépend.
Gestion d’entreprises agricoles familiales : différents styles
C’est une bonne chose pour les personnes qui travaillent ensemble de comprendre qu’il existe plus d’un style de gestion. La recherche a identifié deux manières fondamentales dont les entreprises sont gérées dans le secteur agricole : la manière des « expansionnistes » et celle des « conservateurs ».
Les expansionnistes ont l’esprit d’entreprise, de hautes ambitions, de la vision et un grand besoin de contrôler les choses. Ils sont aussi plus aptes à prendre des risques et à mettre en jeu des choses pour développer leurs entreprises. Ce genre de personne ne pense pas à la retraite.
Les conservateurs, quant à eux, ont tendance à s’appuyer sur la « sueur de leur front » pour réussir et se montrent plus prudents lorsqu’il est question de dettes et d’expansion. Ils transmettent souvent leurs fermes aux générations suivantes avec peu ou pas de dettes. Ils ont aussi tendance à planifier leur retraite, ce qui rend beaucoup plus facile la succession.
La prise de conscience de ces styles, que l’on peut retrouver autant chez les parents et que chez les enfants, aidera la famille à identifier les obstacles potentiels lors de la planification de la relève.
Le transfert de la ferme familiale à la génération suivante est un problème auquel la plupart des agriculteurs sont confrontés à un moment ou un autre. Votre conseiller attitré auprès de Baker Tilly peut vous aider. Nous faciliterons les discussions, proposerons des alternatives au besoin, mettrons en œuvre un plan de succession efficace et assurerons sa supervision.
1 Effectuez toujours un examen des critères nécessaires à l’obtention de l’exonération cumulative pour gains en capital.