
Les exigences de déclaration de 2021 arriveront plus tôt que vous ne le pensez
De nouvelles exigences de déclaration seront imposées aux fiducies pour l’année civile de 2021 et prendront vraisemblablement par surprise nombre d’administrateurs peu méfiants. Mais comment en sommes-nous arrivés au point de devoir divulguer des renseignements supplémentaires et que doivent faire les administrateurs de fiducies à l’heure présente ?
Nous nous contenterons de remonter à octobre 2014, lorsque le Groupe d’action financière (GAFI) [Financial Action Task Force] publia un rapport1 pour apporter plus d’éclairage sur les recommandations qu’elles avaient faites sur la transparence et la propriété bénéficiaire, dans le but de créer un meilleur système pour déterminer la propriété véritable des sociétés d’affaires et de leurs actifs. Le rapport a notamment recommandé que les pays prennent des mesures pour empêcher l’utilisation de structures d’affaires, de structures diverses ou d’autres arrangements pour blanchir de l’argent et financer des activités terroristes, en s’assurant notamment de la transparence de ces arrangements juridiques. Les pays devraient, en particulier, veiller à la présence d’informations adéquates, exactes et opportunes (entre autres, sur le constituant, le fiduciaire et les bénéficiaires) sur les fiducies expresses et s’assurer que ces informations peuvent être fournies dans les temps aux autorités compétentes.
Le GAFI et le Groupe Asie-Pacifique sur le blanchiment d’argent (Asia Pacific Group on Money Laundering [APG]) ont procédé, en 2015, à une évaluation du degré de conformité du Canada aux recommandations du GAFI. L’évaluation a débouché, en septembre 2016, sur un rapport d’évaluation mutuelle2 contenant un résumé des mesures aujourd’hui utilisées au Canada pour lutter contre le blanchiment de l’argent et le financement du terrorisme (les mesures « AML/CFT »). Le rapport a conclu que le Canada n’avait pas suffisamment accès à des informations relatives aux fiducies et que certains des renseignements qui sont en train d’être recueillis par l’ARC et les institutions financières ne sont pas vérifiés, n’ont pas toujours trait au titulaire bénéficiaire et sont parfois difficiles à obtenir.
En réponse à ces rapports, le budget fédéral de 2018 a proposé un avant-projet de loi visant à obliger les administrateurs de fiducies expresses à déclarer des renseignements sur leurs titulaires bénéficiaires à l’ARC. Cette obligation s’appliquera à toutes les fiducies expresses qui sont basées au Canada3 et dont l’année d’imposition prend fin après le 30 décembre 2021. La fiducie expresse se définit généralement comme une fiducie créée de manière explicite ― normalement par écrit ― par un constituant. (Vous trouverez à l’annexe A de cette alerte fiscale la liste complète des fiducies qui ne sont pas assujetties à ces nouvelles exigences de déclaration.)
Les nouvelles exigences visent les administrateurs de fiducies (les fiduciaires ou les exécuteurs testamentaires). Ils devront fournir les informations qui suivent sur les constituants, les fiduciaires, les titulaires bénéficiaires et sur les personnes qui ont le droit d’exercer un contrôle sur leur fiducie :
- Le nom ;
- L’adresse ;
- La date de naissance (uniquement dans le cas des particuliers) ;
- La juridiction de résidence ;
- Le numéro d’identification fiscal.
La fiducie peut être assujettie aux pénalités existantes en cas de non-respect ― par exemple, si elle fournit des renseignements incomplets ou inexacts ou ne produit pas le formulaire ou la déclaration de fiducies prescrits. En plus des pénalités existantes, l’administrateur de la fiducie sera passible de sanctions sévères s’il a ― sciemment ou, dans des circonstances équivalant à une négligence grave ― fait, participé, donné son accord ou consenti à la production d’une fausse déclaration ou omis de fournir les informations qui étaient requises. Cette pénalité supplémentaire sera infligée sous la forme d’une amende égale au plus élevé de ces deux montants : 2 500 $ ou 5 % de la juste valeur marchande totale la plus élevée de tous les biens détenus par la fiducie au cours de l’année en question. Des exceptions sont toutefois prévues pour certaines de ces sanctions potentielles si des efforts raisonnables ont été déployés pour déposer des informations complètes et exactes.4
Les bénéficiaires et les fiduciaires doivent fournir ces renseignements à l’ARC, même s’ils n’ont occupé ce statut que pendant une journée au cours d’une année d’imposition donnée après 2020. Les fiduciaires ou les bénéficiaires qui ne souhaitent pas que ces renseignements soient déclarés à l’ARC doivent songer à changer leur statut et le faire au plus tard le 31 décembre 2020. Il leur est cependant conseillé d’examiner l’acte de fiducie et de consulter l’un des conseillers de Baker Tilly avant de démissionner (dans le cas du fiduciaire) ou de renoncer à leur intérêt bénéficiaire (dans le cas des bénéficiaires) ― les actes de fiducie ne sont pas tous écrits de la même façon et certains changements de statut peuvent avoir de mauvaises retombées fiscales.
Chez Baker Tilly, nous recommandons en l’occurrence que les administrateurs de fiducies adoptent une approche proactive à l’égard de ces nouvelles exigences de déclaration. Même si la première date limite pour la déclaration de ces renseignements tombera vraisemblablement après le 31 mars 2022 (pour l’année d’imposition 2021), les intéressés doivent planifier les choses de manière proactive afin de pouvoir sortir le fiduciaire ou le bénéficiaire « du décor » avant la fin de l’année civile 2020. Faute de quoi, la personne sera soumise aux nouvelles exigences de déclaration. Le processus de collecte d’informations peut de plus être entravé si certains des bénéficiaires ne sont pas connus, ne peuvent être identifiés ou ne sont pas coopératifs.
Les administrateurs qui ont l’intention d’adopter une approche proactive peuvent envisager plusieurs stratégies avant le 1er janvier 2021 :
- Localiser leur acte de fiducie (l’original ou une copie).
- Consulter l’un des conseillers de Baker Tilly pour déterminer si leur fiducie est assujettie aux nouvelles exigences de déclaration.
- Si c’est le cas, examiner l’acte de fiducie pour identifier chacune des personnes qui doivent être déclarées.
- Entrer en contact avec ces personnes et leur communiquer la nature des renseignements qui seront déclarés à l’ARC.
- Si certains d’entre eux hésitent à ce que ces renseignements soient divulgués à l’ARC, les informer de l’obligation légale de l’administrateur de le faire et des sanctions possibles en cas de non-respect.
- Si l’une d’entre elles (ou plusieurs) hésite toujours, consulter le conseiller de Baker Tilly pour déterminer les conséquences que le retrait de la personne de la fiducie entraînera possiblement (par exemple, si le fiduciaire démissionne ou si le titulaire renonce à ses droits bénéficiaires).
- Demander au conseiller de Baker Tilly de leur fournir une liste de contrôle pour mieux pouvoir recueillir les informations requises.
- Ces informations seront sous la responsabilité de l’administrateur. Il devra les conserver de la bonne manière afin de garantir leur confidentialité.
- Fournir ces renseignements au conseiller de Baker Tilly afin qu’il puisse les inclure dans la déclaration de 2021 de la fiducie, qui doit être déposée auprès de l’ARC avant le 31 mars 2022.
Comme indiqué ci-dessus, ces obligations de déclaration s’inscrivent dans une tendance mondiale visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Elles reflètent aussi le désir de l’ARC de mieux évaluer la dette fiscale des fiducies canadiennes et de leurs bénéficiaires. Sheila Fraser, la vérificatrice générale, a publié en novembre 2005 un rapport trimestriel faisant état de l’incapacité de l’ARC à évaluer comme il se doit la dette fiscale de ces deux entités. Grâce à ces nouvelles exigences de déclaration, l’ARC aura accès à encore plus d’informations et sera en mesure d’élaborer de meilleurs « freins et contrepoids » pour réduire les risques d’inobservance.
Faites-vous un devoir de comprendre vos obligations de déclaration maintenant que l’ARC attend davantage d’informations de votre part. Vous éviterez ainsi des pénalités et des différends avec les personnes au sujet desquelles vous êtes en train de divulguer des renseignements personnels.
Annexe A
Voici la liste complète des entités qui ne sont pas assujetties aux nouvelles exigences de déclaration. Les fiducies qui appartiennent à l’une ou l’autre de ces catégories ne seront pas tenues de fournir les renseignements discutés ci-dessus :
- Les fiducies qui existent depuis moins de trois mois ;
- Les fiducies qui possèdent des actifs dont la juste valeur marchande totale ne dépasse jamais 50 000 $ tout au long de l’année et qui sont uniquement détenus sous la forme de l’un ou plusieurs des suivants :
- des fonds en espèces ;
- certains titres de créance gouvernementaux ;
- des actions, des titres de créance ou des droits cotés sur une bourse de valeurs désignée ;
- une part du capital-actions d’une société de fonds mutuels ;
- une unité d’action dans une fiducie de fonds commun de placement, et
- une participation dans une fiducie créée à l’égard d’un fonds réservé (au sens de l’alinéa 138.1 [1] a) de la Loi de l’impôt sur le revenu) ;
- Les fiducies qui sont tenues, en vertu de règles de déontologie pertinentes ou des lois fédérales ou provinciales canadiennes de détenir des fonds aux fins d’une activité réglementée par ces règles ou lois et qui ne sont pas gérées comme des fiducies distinctes pour un ou clients particuliers (une exception est accordée pour les comptes de fiducies d’avocats généraux [lawyer’s general trust account], mais pas pour les comptes clients spécifiques) ;
- Les fiducies qui peuvent être qualifiées d’organismes à but non lucratif ou d’organismes de bienfaisance enregistrés ;
- Les fiducies de fonds commun de placement, les fiducies de fonds réservés et les fiducies globales ;
- Les successions à taux progressifs ;
- Les fiducies d’invalidité admissibles ;
- Les fiducies de vie et de santé pour employés (employee life and health trusts) ;
- Certaines fiducies financées par le gouvernement ;
- Les fiducies régies par, ou sous la tutelle de : un régime de participation différée aux bénéfices, un régime de pension agréé collectif, un régime enregistré d’épargne-invalidité, un régime enregistré d’épargne-études, un régime de pension agréé, un fonds enregistré de revenu de retraite, un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ;
- Les fiducies dédiées à l’entretien de cimetières et les fiducies régies par des arrangements funéraires admissibles.
- Guidance on Transparency and Beneficial Ownership (trad. : « Guide sur la transparence et la propriété bénéficiaire »), GAFI, octobre 2014.
- Anti-money laundering and counter-terrorist financing measures, Canada, Mutual Evaluation Report (trad. : « Mesures employées au Canada pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ― un rapport d’évaluation mutuel »), GAFI et APG, septembre 2016.
- Les fiducies réputées résider au Canada sont également incluses.
- L’exception de l’effort raisonnable ne s’applique pas à toutes les dispositions relatives aux sanctions et dépasse le cadre de cet article.