
Le point de vue du ministère des Finances au sujet de la conversion de dividendes en gains en capital est bien connu. Le 18 juillet 2017, le ministère a notamment publié un document intitulé Planification fiscale au moyen de sociétés privées, qui déclare que :
« Les particuliers à revenu plus élevé qui sont des actionnaires peuvent obtenir un important avantage fiscal s’ils réussissent à convertir le surplus de la société qui devrait être imposable au titre de dividendes, ou de salaires, en gains en capital qui sont imposés à un taux inférieur » (une telle conversion étant appelée communément « dépouillement de surplus). »
L’article 84,1 est une règle anti-évitement importante dans le contexte des sociétés fermées et a pour but d’empêcher la conversion de surplus de société détenus sous la forme de dividendes en gains en capital exonérés d’impôt. Cette règle s’avère cependant moins efficace lorsqu’il s’agit d’empêcher la conversion de dividendes en gains en capital imposables. Compte tenu de la disparité croissante entre les taux d’imposition appliqués aux dividendes et ceux appliqués aux gains en capital, l’emploi de stratégies de planification fiscale visant à contourner l’article 84.1 — par la conversion de dividendes en gains en capital imposables — est devenu beaucoup plus courant. Le ministère des Finances a en conséquence apporté des changements à l’article 84,1 et à l’article 246,1 (nouvellement introduit) le 18 juillet 2017 afin d’empêcher l’emploi de ce genre stratégie de planification.
Le ministère n’avait cependant pas prévu le tollé suscité par ces nouvelles mesures dans le monde des affaires et parmi les professionnels. À la suite de ce « soulèvement », la ministre Morneau a annoncé le 19 octobre 2017que le gouvernement ne donnerait plus suite aux mesures projetées. Le ministre a toutefois laissé la porte ouverte à de nouvelles discussions sur les transferts d’entreprise entre générations, qui constituent une forme de dépouillement de surplus de société. Le problème de l’article 84,1 est que ses règles ne font pas la distinction entre les transferts intergénérationnels légitimes et les dépouillements de surplus abusifs. Vendre son entreprise à un étranger plutôt qu’à sa propre progéniture peut donc s’avérer plus profitable sur le plan fiscal dans certaines situations.
Dans le budget de 2017 et dans l’annonce faite le 19 octobre 2017, le ministère des Finances avait de plus exprimé son intention de continuer à tendre la main aux agriculteurs, aux pêcheurs et à d’autres propriétaires dans le but de formuler des propositions plus accueillantes envers les transferts intergénérationnels, tout en protégeant l’équité du système fiscal.
Nous savons que le ministère des Finances a tenu, à l’approche du budget fédéral de 2019, des discussions avec des membres et des intervenants de la Fédération canadienne de l’agriculture au sujet des transferts intergénérationnels et de l’article 84,1. Compte tenu de la popularité maintenant « explosive » de la stratégie de dépouillement de surplus (la conversion de dividendes en gains en capital imposables, qui a pour conséquence de rendre inefficace l’article 84,1), il y a de fortes chances que le ministère des Finances prépare actuellement une révision potentiellement satisfaisante de l’article 84,1 afin de régler le problème.
Pour le budget de 2019, je prédis une révision importante de 84,1 dans le but de mettre un terme à l’utilisation abusive de la stratégie de dépouillement de surplus. Nous espérons cependant que les nouvelles règles permettront l’emploi de transferts intergénérationnels légitimes, chose que nous attendons depuis fort longtemps.