
Procédure allégée ne veut pas dire moins de poids sur les épaules !
En décembre 2017, le président Trump a donné force de loi au Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) en y apposant sa signature. Le Tax Cuts and Jobs Act a apporté des changements importants au Code des impôts américain (le Internal Revenue Code [IRC]), comme l’introduction d’une taxe transitoire sous l’article 965 de ce code. Cette taxe vise en l’occurrence les revenus que certaines sociétés étrangères ont accumulés entre les mains de leurs actionnaires américains et marque un départ vers l’imposition des revenus actifs des sociétés étrangères.
L’introduction de la taxe transitoire signifie que les revenus actifs des sociétés étrangères pourront désormais être imposés chaque année à travers leurs actionnaires, et notamment sous le régime GILTI1. Au cours de l’année civile 2021, ces années ont toutefois commencé à se retrouver en dehors de la période de divulgation décrétée par un certain programme de divulgation volontaire. Par voie de conséquence, les contribuables concernés pouvaient se mettre en règle (et éviter, le cas échéant, la taxe transitoire ainsi qu’une partie du GILTI) sans que la période de divulgation soit amendée.
Le programme de divulgation volontaire en question s’appelle le Streamlined Filing Compliance Procedures (« Procédures allégées pour l’observation des exigences de déclaration ») et exige de la part des personnes souhaitant se conformer aux exigences de déclaration fédérales qu’ils soumettent leurs trois dernières déclarations de revenus. Si un contribuable n’avait pu soumettre à temps sa déclaration de revenus pour 2020 (en 2021), il pouvait, en vertu des règles existantes, se mettre en règle en produisant les déclarations de revenus relatives aux années 2018 - 2020 — et éviter pleinement la taxe transitoire. C’est pour cette raison que l’échéance prescrite pour la production des déclarations de revenus relatives à 2020 a été jugée trop serrée par de nombreux membres de la communauté fiscale pour la clôture (par l’IRS) du programme de procédures allégées.
C’était peut-être l’objectif, du moins, jusqu’à l’arrivée de la pandémie de COVID19, qui a suscité des défis sans précédent pour les gouvernements et les agences fiscales du monde entier en 2020. Le Canada et les États-Unis ont exceptionnellement accordé des prolongations en 2020 pour la production des déclarations dues pour 2019, mais les retards de traitement persistent toujours. C’est probablement pour cette raison que le programme de procédures allégées est resté opérationnel tout au long de l’année 2021, lorsqu’il n’était notamment plus obligatoire de déposer les déclarations de 2017.
C’était trop beau pour être vrai et la raison pour laquelle l’IRS a mis à jour les règles promulguées par les procédures simplifiées. Sur cette question spécifique, l’IRS a notamment déclaré :
Étant donné que la période de divulgation décrétée pour les SFC2 par les SFCP (le programme de procédures allégées) ne vise que les années d’imposition 2017 et/ou 2018 et les années suivantes, les années en défaut ayant précédé cette « fenêtre » pourraient avoir des revenus non imposés (précédemment) appartenant à ces catégories : revenus relevant de la sous-partie F et montants relevant de l’article 9563. Mis à part les montants déclarés pour ces catégories par le contribuable, une soumission au titre du SFCP ne procurera pas de manière constructive des PTEP (Previously Taxed Earnings & Profits [«Revenus et bénéfices précédemment imposés »]) à celui-ci pour les années antérieures à la période de divulgation. En d’autres termes, les contribuables utilisant les procédures simplifiées doivent se conformer strictement aux règles établies pour l’article 965 et le calcul de PTEP par le Code des impôts (l’IRC). Ils doivent aussi comptabiliser et déclarer dans les règles tout revenu relevant de la sous-partie F et tout montant relevant de l’article 956 dans leurs envois. Les montants inclus dans le revenu avant la période de soumission et ceux inclus dans le cadre de la soumission seront seuls considérés comme des PTEP4.
Le commentaire de l’IRS signifie de ce fait que le contribuable pourrait être tenu de soumettre plus de trois déclarations. Et si le programme de procédures allégées est toujours en vigueur dans les prochaines années, les contribuables visés par la taxe transitoire seront aussi appelés à soumettre de plus en plus de déclarations. Et chaque année passée sous le GILTI fera vraisemblablement grossir la facture fiscale globale. N’ayant que peu d’options sous la main (des options de surcroît liées à des échéances serrées dans bien des cas), ces contribuables seront encore plus pressés par le temps.
Procédures simplifiées pour non-résidents (Streamlined Foreign Offshore Procedures)
Le régime d’imposition des particuliers américains se démarque particulièrement par le fait qu’il traite une large catégorie de non-résidents comme des résidents et n’hésite pas à imposer leurs revenus sur une échelle mondiale. Cette large catégorie comprend à la fois des citoyens américains et des résidents permanents légaux5.
Pour encourager les non-résidents (y compris ceux appartenant à la catégorie susmentionnée) à se mettre en règle, le cas échéant, les autorités américaines ont établi un ensemble de procédures simplifiées connu sous le nom de Streamlined Foreign Offshore Procedures (SFOP) [« Procédures simplifiées pour non-résidents »].
Pour pouvoir utiliser les SFOP, le contribuable doit :
- Certifier par l’intermédiaire d’une attestation dûment remplie et signée (le formulaire 14653) que la faute dont il s’est rendu coupable n’était pas intentionnelle ;
- Ne jamais avoir fait l’objet d’un examen d’ordre administratif (pour ses déclarations fiscales) par l’IRS ;
- Satisfaire aux critères établis pour l’octroi du statut de non-résident ;
- Produire les trois dernières déclarations de revenus américaines en retard (avec la mention « Streamlined Foreign Offshore » [« Procédures simplifiées pour non-résidents »] écrite sur la première page de chacune des déclarations) ;
- Produire ses six derniers FBAR (Report of Foreign Bank and Financial Accounts [« rapport (annuel) des comptes bancaires et financiers étrangers »]) et les accompagner d’une déclaration indiquant que ces rapports sont en train d’être soumis dans le cadre des SFOP ;
- Inclure le montant total des impôts et intérêts dus pour ces déclarations ;
- Inclure si nécessaire une demande pour l’obtention d’un ITIN (Individual tax identification number « numéro d’identification fiscale personnel »)6 ; et,
- Inclure au besoin des déclarations relatives à l’emploi (en temps opportun) de choix fiscaux permettant le report de revenus fournis par certains régimes de retraite ou d’épargne.
Les contribuables qui satisferont à ces critères et se conformeront aux procédures établies ne seront pas soumis à certaines pénalités et seront réputés avoir respecté leurs obligations fiscales sur le plan fédéral.
Les SFOP n’ont pas une durée de vie illimitée. D’autres programmes de divulgation volontaire sont venus et sont partis. L’IRS n’a pas encore indiqué la date de clôture de ce programme-ci, mais le préavis fourni pourrait être court. Le Offshore Voluntary Disclosure Program (OVDP) [« Programme de divulgation volontaire pour revenus provenant de comptes étrangers »] a, quant à lui, pris fin en 2018, après la fourniture d’un préavis de près de six mois par l’IRS.
Taxe transitoire
Une taxe transitoire a été appliquée pour l’année 20177 sur la part proportionnelle des revenus différés que les actionnaires américains ont accumulés de sources étrangères après 1986. Dans bien des cas, cette situation sera similaire à celle rencontrée pour les bénéfices de société non répartis (même si le calcul sera cette fois-ci basé sur les règles fiscales américaines). Le système repose grosso modo8 sur la répartition des revenus accumulés en deux catégories :
- La trésorerie9, qui est taxée à 15,5 % ; et
- Le reste, qui est taxé à 8 %.
Lorsqu’une société étrangère est taxée par l’intermédiaire d’un actionnaire américain, le revenu visé est généralement classé comme un PTEP (« revenu et bénéfice précédemment imposé »). La comptabilité des différentes catégories de PTEP est similaire à ce qui est préconisé pour les surplus imposables par la réglementation canadienne :
- Les soldes courants sont conservés dans des comptes séparés ;
- Le solde des comptes est grossi par l’ajout de revenus et de dividendes ;
- Ces soldes sont dégrossis par des pertes et par le paiement de dividendes ; et,
- Les dividendes qui sont payés à partir de ces comptes bénéficient d’un traitement spécial10.
La taxe transitoire n’est pas applicable à toutes les actions détenues par des actionnaires américains. Tout comme le GILTI, elle utilise certaines règles pour déterminer si tel ou tel ensemble d’actions lui sera assujetti11.
Les crédits d’impôt étrangers reportés (en vertu notamment de groupement des crédits d’impôt étrangers promulgué aux États-Unis [U.S. “pool” system of foreign tax credits]) peuvent offrir un allégement aux particuliers américains dans le cadre de l’impôt transitoire. Il peut arriver toutefois que ce « fonds » de crédits ait été « drainés » par d’autres revenus. Si les crédits reportés ont ainsi été tous utilisés ou sont insuffisants (une situation qui risque de créer de lourds fardeaux fiscaux pour le contribuable américain si le montant des actifs détenus par la société étrangère est considérable), le contribuable peut profiter de l’allègement fourni par le choix proposé par l’article 962.
GILTI
Le GILTI pourrait être appliqué à chacune des années qui succéderont à l’imposition de la taxe transitoire. Avant l’arrivée du TCJA, les revenus obtenus à l’étranger par des sociétés étrangères comptant des actionnaires américains n’étaient généralement imposés que s’ils étaient passifs (en vertu des règles énoncées dans la sous-partie F) — comme dans le cas des revenus de bien étrangers accumulés sous la Loi de l’impôt sur le revenu canadienne — ou lorsqu’ils étaient distribués à ces actionnaires sous forme de dividendes. Avec l’introduction du GILTI dans le TCJA, les revenus actifs obtenus à l’étranger par des sociétés étrangères pourraient eux aussi être imposés par l’intermédiaire de personnes américaines.
Le GILTI commence par le calcul du revenu net de chacune des sociétés concernées et l’exclusion de certains montants pouvant être imposés en vertu d’autres dispositions (comme la sous-partie F) ou de dividendes reçus de personnes liées pour déboucher sur le « revenu vérifié » (tested income) [ou la « perte vérifée » selon le cas]. La part proportionnelle totale des revenus ou des pertes vérifiées restées entre les mains de l’actionnaire américain devient alors le « revenu net vérifié » (net tested income).
La GILTI calculera un montant réputé provenir de la part dite « tangible » du revenu net vérifié.
Ce montant correspond généralement à 10 % du dépassement (le cas échéant) du produit net des intérêts (intérêts débiteurs moins intérêts créditeurs) par la valeur comptable moyenne des immobilisations corporelles (tangible capital property).
Tout montant considéré comme « revenu à forte imposition »12 ne sera, de plus, pas inclus dans le revenu net vérifié.
En règle générale, les particuliers américains n’ont pas le droit d’utiliser, dans le cadre du GILTI, des crédits d’impôt étrangers reportés. Mais le choix fourni par l’article 96213 peut offrir un certain allégement, comme pour la taxe transitoire.
Les particuliers américains peuvent aussi utiliser ces stratégies communément employées pour réduire ou éliminer le GILTI :
- Augmenter le montant des immobilisations corporelles afin de faire grossir le revenu tangible réputé (deemed tangible income) 14;
- Provoquer le déclenchement de l’exception accordée pour les impositions élevées (high-tax exception) par la réaffectation de la DAPE (déduction accordée aux petites entreprises) canadienne 15;
- Transformer la société en une société à responsabilité illimitée 16;
- Verser une prime salariale (payroll bonus) à l’actionnaire pour faire baisser le revenu vérifié ; et,
- Faire don de la moitié des voix et de la valeur de la société à un conjoint non américain17.
Ces stratégies ne seront pas éternellement admises par les autorités. Si la demande est déposée dans le cadre du SFOP après un trop long délai, nombre d’entre elles pourraient ne plus être utilisables.
- « GILTI » signifie : Global Intangible Low-Taxed Income
- « SFC » signifie Specified foreign Corporation (« société étrangère déterminée ») et est défini dans l’article 965(e) de l’IRC comme suit : « toute corporation étrangère contrôlée ou toute société étrangère qui compte une ou plusieurs sociétés américaines parmi ses actionnaires ».
- L’article 956 de l’IRC a trait aux revenus obtenus sur des biens américains par des corporations étrangères contrôlées. À la manière des règles promues par la sous-partie F, l’actionnaire américain pourrait être imposé au prorata pour ces sommes — une procédure peut-être pas si courante, mais qui relève quand même des compétences de la mise à jour.
- Streamlined Filing Compliance Procedures and Section 965 (« Procédures simplifiées pour l’observation des exigences de déclaration et Article 965 ») [Internal Revenue Service (irs.gov)].
- Communément appelés « titulaires de cartes vertes ».
- Il est très probable que ce ne sera pas nécessaire ; pour commencer, les citoyens américains n’y sont pas admissibles.
- Pour les particuliers américains, il s’agira généralement de l’année civile. Mais pour les sociétés déclarantes américaines ou les particuliers qui veulent inclure le choix accordé par l’article 962 de l’IRC dans leurs déclarations, il peut s’agir de l’année financière commençant en 2017. Ce choix permet notamment aux contribuables individuels d’être traités comme des sociétés par certaines dispositions de l’IRC.
- Les taux sont obtenus par l’emploi d’équivalents basés sur un taux d’imposition des sociétés de 35 %, comme c’était le cas à l’époque. Le TCJA a été utilisé en partie pour abaisser le taux d’imposition général des sociétés et le faire passer de 35 % à 21 % à compter de 2018. L’emploi d’un choix fourni par l’article 962 de l’IRC peut donc entraîner l’utilisation d’un taux pondéré dans le calcul d’équivalents pour des taux de 15,5 % et de 8 %.
- Inclut non seulement la trésorerie et les équivalents au comptant, mais aussi d’autres actifs à court terme, comme le produit net des comptes débiteurs et des comptes créditeurs (le cas échéant).
- En vertu du paragraphe 113 (1) de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada, le bénéficiaire peut déduire un crédit pour impôt étranger après l’application du facteur fiscal pertinent. En vertu de l’article 959 (a) de l’IRC, les dividendes issus de comptes de PTEP ne sont tout simplement pas inclus dans le revenu du bénéficiaire.
- Des règles différentes pourraient être appliquées en ce qui concerne la présomption de propriété et la propriété indirecte. Le formulaire 5471 (« Déclaration de renseignements des personnes américaines au sujet de certaines sociétés étrangères ») n’utilise pas non plus les mêmes règles à travers tout le document.
- Il s’agit ici de revenus imposés à 90 % du taux des sociétés, qui est de 21 % à l’heure actuelle. En conséquence, les revenus imposés à un taux supérieur à 18,9 % sont exclus du régime GILTI.
- Le choix de l’article 962 permet l’emploi de crédits pour impôts étrangers et de la déduction accordée sous l’article 250, qui a pour but de réduire de moitié l’inclusion de revenu après la majoration du crédit pour impôt étranger complet.
- Le financement serait moins efficace puisque les intérêts débiteurs réduiraient le montant des revenus tangibles après calcul.
- Le taux d’imposition cumulé des revenus provenant de l’exploitation active de sociétés est de 11 % en Colombie-Britannique, après l’application de la DPE (et de 27 % en son absence).
- Les sociétés canadiennes à responsabilité illimitée (SRI) sont traitées sous le régime américain comme des « entités transparentes » (disregarded entities) [comme, si l’on peut dire, des entreprises personnelles] ou des sociétés en nom collectif. Le revenu de ce genre de société ne manquera toutefois pas de figurer sur la déclaration de revenus américaine aux fins de l’impôt et il en sera de même pour le régime étranger, qui sera présent sous la forme d’un crédit d’impôt.
- Le GILTI ne vise pas les sociétés qui ne sont pas contrôlées par des personnes américaines, car il n’y a pas présomption de propriété lorsqu’un actionnaire américain fait don de sa corporation étrangère contrôlée à un conjoint étranger. Le planificateur fiscal doit toutefois faire preuve de prudence et tenir compte de la soumission de la déclaration d’impôt sur les dons (U.S. gift-tax return) et des règles d’attribution canadiennes.