
Maintien du statut d’action admissible de petite entreprise : des avantages, certes, mais aussi des pièges !
La sanction royale du projet de loi C-208 a rappelé aux propriétaires de petites et de moyennes entreprises constituées en société et à leurs conseillers fiscaux qu’ils devaient impérativement veiller au maintien du statut des actions admissibles de petites entreprises entre leurs mains pour pouvoir utiliser certaines (et elles sont nombreuses) stratégies dans le domaine de la planification fiscale. Les pièges pouvant entraîner la perte involontaire de ce statut sont nombreux et s’ils n’y prennent pas garde, ils risquent de ne pouvoir tirer profit des stratégies disponibles lorsque l’occasion se présentera.
Le statut d’action admissible de petite entreprise est nécessaire à la mise à profit de nombreuses occasions utiles dans le secteur de la planification fiscale, dont :
- L’exonération cumulative des gains en capital (ECGC) :
À compter de 2021, les particuliers résidant au Canada pourront bénéficier d’une exonération cumulative des gains en capital (libre d’impôts)1 de 892 218 $2 pour la vente d’actions admissibles de petites entreprises3.
- L’exonération de l’impôt sur le revenu fractionné (IRF) :
Les particuliers peuvent être exonérés de l’IRF (et éviter, en ce faisant, d’être imposés au taux le plus élevé) dans certains cas si les gains en capital dont il est question proviennent de la vente d’actions admissibles de petites entreprises4.
- L’échappement à la règle du « revenu de placement total ajusté » :
Le plafond des affaires fédéral de 500 000 $ (sur lequel la déduction accordée aux petites entreprises [DPE] est notamment basée) est abaissé progressivement dans le cas des sociétés groupées si le revenu de placement total ajusté (adjusted aggregate investment income [AAII]) était supérieur à 50 000 $ durant de la précédente année civile. Et la limite est complètement éliminée lorsque ce revenu atteint 150 000 $5. La règle du « revenu de placement total ajusté » vise de nombreuses formes de revenus passifs (parmi lesquels, les intérêts, les dividendes et les gains en capital), mais n’est pas applicable aux gains en capital provenant de la disposition d’actions admissibles de petites entreprises6.
- Certains transferts d’entreprise entre membres d’une même famille :
Le statut d’action admissible de petite entreprise est une exigence incontournable du projet de loi C-208, qui permet notamment aux particuliers détenant des entreprises constituées en société de transférer ces dernières à des sociétés d’affaires détenues par leurs enfants ou leurs petits-enfants et le partage d’entreprises constituées en société entre frères et sœurs (des transactions qui auraient autrefois entraîné des conséquences fiscales fâcheuses). [Pour découvrir les exigences ainsi que les avantages de cette nouvelle législation, veuillez consulter l’alerte fiscale du 20 juillet 2021]. Le ministère des Finances a annoncé que les dispositions du projet de loi C-208 seront modifiées dans une certaine mesure le 1er novembre 20217 et après, mais beaucoup s’attendent au maintien de l’exigence selon laquelle les actions transférées devraient être des actions admissibles de petites entreprises.
Les avantages fournis par le statut d’action admissible de petite entreprise sont évidents, mais ils ne peuvent pas moins être perdus en un clin d’œil. Pour que les actions d’une société soient considérées comme des actions admissibles de petites entreprises, trois exigences principales doivent être satisfaites8 :
- Le critère des 90 % :
La société concernée doit être une société de capitaux de faible dimension et détenir le statut de société privée sous contrôle canadien (SPCC). Et il faut que la totalité ou la quasi-totalité (généralement, 90 % ou plus) de ses actifs soit utilisée principalement dans l’exploitation active (par la société ou une société liée à celle-ci) d’un commerce pratiqué principalement au Canada et/ou soit constituée de certaines actions ou titres de créance de petites sociétés d’affaires rattachées9.
- Le critère de la période de propriété :
Les actions ne doivent pas avoir été détenues par une personne non liée à l’actionnaire individuel pendant une période de 24 mois.
- Le critère des 50 % :
Cinquante pour cent ou plus des actifs de la société devaient être dédiés à l’exploitation active (par la société ou une société liée à celle-ci) d’un commerce pratiqué en particulier au Canada (ou être constitués de certaines actions ou titres de créance de sociétés rattachées répondant aux mêmes critères) au cours des 24 mois (et sans interruption) qui ont précédé la disposition.
Voici quelques-uns des pièges qui pousseront le plus souvent un propriétaire de société d’affaires imprudent à enfreindre les règles ainsi que des stratégies pour aider à atténuer les risques dans ce domaine :
- Excédents de trésorerie :
La détention de grandes quantités de liquidités et de titres négociables peut empêcher une société de satisfaire au critère des 90 % et/ou celui des 50 %. On considérera que vos liquidités sont en train d’être employées dans l’exploitation active d’un commerce que si leur retrait peut déstabiliser votre société10. Si le solde de vos liquidités et de vos titres négociables est inutilement élevé ou risque de le devenir, il serait nécessaire, voire prudent, d’éliminer l’excédent par des moyens comme le paiement des soldes de vos comptes créditeurs et d’autres dettes, l’achat de stocks ou d’équipements, le règlement d’acomptes provisionnels impayés ou le versement de dividendes11(un processus communément appelé « purification » dans le monde fiscal).
- Prêts accordés à des actionnaires :
Parfois appelés « débits d’actionnaires » , ces prêts ne sont généralement pas considérés comme des actifs utilisés dans l’exploitation active de commerces. S’il existe un solde dans ce domaine, le critère des 90 % ou des 50 % pourrait ne pas être satisfait par la société. Le meilleur moyen d’éviter ce problème est de :
- Augmenter les salaires des propriétaires exploitants ;
- Budgéter les dépenses personnelles comme il se doit ;
- S’assurer que les dépenses personnelles ne sont pas payées par la société ;
- Surveiller de manière proactive les comptes de prêts des actionnaires ;
- Déclarer les dividendes vers le début de l’année plutôt qu’à la fin afin de créer un crédit dans lequel puiser.
- Prêts accordés à des sociétés non liées :
Ces prêts ne sont généralement pas considérés comme des actifs utilisés dans l’exploitation active d’un commerce dans le test des 90 % ou le test des 50 % et devraient être évités complètement ou restructurés de manière à être consentis par une société liée qui n’est pas assujettie aux règles nécessitant l’emploi d’actions admissibles de petites entreprises.
- Prêts à des sociétés liées :
Ces prêts pourraient également s’avérer problématiques et empêcher la société de respecter les critères des 90 % ou des 50 % si les sociétés auxquelles ils ont été consentis ne sont pas des petites entreprises ou ne satisfont pas aux critères à respecter dans ces cas pour les actifs. Comme pour les prêts accordés aux sociétés non liées, ces prêts doivent être consentis par des sociétés liées qui ne sont assujetties aux règles nécessitant l’emploi d’actions admissibles de petites entreprises. Si ce n’est pas possible des précautions supplémentaires devront être prises pour assurer le respect des règles applicables par les sociétés liées.
- Actifs à usages multiples :
Les actifs à usages multiples sont aussi capables de susciter des difficultés. Un immeuble où 40 % de la superficie est utilisé dans l’exploitation active d’une société et le reste (60 %) est loué à des parties non liées peut, par exemple, ne pas être considéré comme étant utilisé principalement dans l’exploitation active d’un commerce. « Principalement » signifie en général plus de 50 %, ce qui pourrait compromettre le maintien du statut d’action admissible de petite entreprise dans le test des 90 % ou des 50 %. Si les circonstances s’y prêtent, une bonne solution serait de restructurer l’entreprise de manière à ce que les biens immobiliers soient détenus dans une société distincte et non une filiale. Ou vous pourriez commencer à utiliser les espaces locatifs dans l’exploitation active de la société.
- Opérations à l’étranger :
Les opérations effectuées à l’étranger peuvent nuire au maintien du statut d’action admissible de petite entreprise si elles sont effectuées dans une filiale détenue par la société (ou par l’intermédiaire de l’une de ses succursales) et si la société détient directement des actifs commerciaux étrangers. Les critères des 90 % et des 50 % exigent que les actifs d’une société soient principalement utilisés dans l’exploitation active d’un commerce pratiqué en majeure partie (c.-à-d. à plus de 50 %) au Canada. Avant que vos activités à l’étranger ne deviennent importantes, pensez à restructurer les actifs de manière à ce que ces activités soient effectuées dans une société sœur plutôt que par la société elle-même ou l’une de ses filiales.
- Le critère de la période de propriété :
Les actions émises de la trésorerie ou transférées entre des parties non liées peuvent ne pas satisfaire au critère de la période de propriété si les transactions concernées ont été effectuées durant les 24 mois précédant le moment où le statut d’action admissible de petite entreprise était requis.
L’évitement des pièges pouvant entraîner la perte du statut d’action admissible de petite entreprise nécessite de l’expérience et de la prévoyance et le suivi régulier des actifs de l’entreprise. La restitution de ce statut est possible dans certains cas, mais le critère de la période de propriété et le critère des 50 % doivent être respectés en tout temps pendant la période de 24 mois. Le non-respect de l’un ou l’autre de ces tests peut entraîner la perte des avantages fiscaux accordés en vertu des actions admissibles de petites entreprises et s’avérer fâcheux pour les plans fiscaux qui doivent être mis en œuvre à des moments précis.
Si vous comptez vendre vos actions et tirer profit de l’exonération cumulative des gains en capital ou êtes en train de mettre sur pied des stratégies de planification fiscale reposant sur l’emploi d’actions admissibles de petites entreprises, vous devrez rapidement tenir compte des facteurs énoncés ci-dessus. Les conseillers de Baker Tilly peuvent vous y aider.
- Si l’on ne tient pas compte de l’impôt minimum de remplacement, de l’application de l’IRF et du recouvrement fiscal de prestations sociales basées sur le revenu net.
- L’exemption est accordée sous la forme d’une déduction (sur le revenu imposable) de 400 000 $ et conformément au paragraphe 110.6 (2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) du Canada et permet de « mettre à l’abri » des gains en capital allant jusqu’à 800 000 $ (étant donné que 50 % seulement des gains en capital sont imposables). Le montant est indexé à l’indice du coût de la vie depuis 2015 (conformément à l’alinéa 117.1 (2) (c) de la LIR), ce qui donne lieu, à l’heure actuelle, à une exonération cumulative des gains en capital de 892 218 $.
- Paragraphe 110.6 (2.1) de la LIR. Une exonération est également proposée pour les gains en capital réalisés sur des biens agricoles ou des biens de pêche admissibles, et en vertu du paragraphe 110.6 (2) de la LIR (une exonération cumulative pouvant aller jusqu’à un million de dollars, à compter de 2021).
- L’alinéa (d) de la partie dédiée à la définition du terme « montant exclu » (excluded amount) au paragraphe 120.4 (1) de la LIR. L’exclusion n’est cependant pas applicable si le gain en capital est réputé être un dividende en vertu du paragraphe 120.4 (4) ou du paragraphe 120.4 (5), qui visent généralement les gains en capital obtenus par des mineurs (ou des fiducies agissant au nom de ces mineurs) pour des actions vendues à des personnes avec lesquelles ils entretiennent des liens de dépendance.
- L’alinéa 125(5.1)(b) de la LIR. Nous avons des règles similaires dans de nombreux statuts provinciaux et territoriaux sur le plan fiscal, excepté dans l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, qui n’abaissent pas le plafond des affaires en fonction du revenu de placement total ajusté.
- En vertu de l’alinéa (a) de la partie dédiée à la définition du terme « revenu de placement total ajusté » et de l’alinéa (b) de la partie dédiée à la définition du terme « actif productif » du paragraphe 125 (7) de la LIR.
- https://tinyurl.com/y4z7j5c
- Les exigences sont beaucoup plus complexes dans le réel — veuillez consulter l’un des conseillers Baker Tilly. Les situations où les actions d’une société sont détenues par une autre société nécessitent en particulier une analyse de l’alinéa (d) de la partie dédiée à la définition du terme « action admissible de petite entreprise » du paragraphe 110.6 (1) de la LIR (des règles parfois appelées « stacking rules »).
- Le terme « rattaché » doit être compris ici dans le sens employé au paragraphe 186 (4) de la LIR et en supposant que chacune de ces autres sociétés était une « corporation payante » dans le sens employé dans ce paragraphe.
- CRA Views, document 9605165
- Tenez toujours compte de l’application potentielle de l’article 55 de la LIR lorsque vous versez des dividendes à des sociétés (intercorporate dividends) .