
Je suis étonné par le nombre d’associés directeurs et de chefs de groupes de pratique qui me disent : « Mike, nous avons du mal à recruter des écuries homogènes et composées d’avocats de même origine ; nous voulons augmenter nos chiffres et n’arrivons pas à mettre un frein au recrutement d’avocats qui ne ressemblent vraiment pas, ont vécu des choses différentes, sont issus d’endroits différents et n’ont pas les mêmes origines ethniques ou le même sexe. Peux-tu nous aider à relever ce défi posé à notre capital humain ?
Non, je plaisante. Comme vous pouvez vous en douter, je suis en fait en train d’entendre le contraire de la part des cabinets. L’objet principal de leur frustration — et de loin — est de ne pouvoir recruter suffisamment d’avocats issus de milieux différents et de minorités.
Pourquoi les cabinets n’arrivent-ils pas à trouver leur compte dans cette bataille engagée pour le recrutement d’avocats appartenant à ces groupes et pourquoi est-ce important ? Pour commencer, la culture est un facteur qui importe à tous les avocats, quelles que soient leurs origines. Ils veulent travailler dans des environnements stimulants et riches en diversité. Les avocats qui n’appartiennent pas à des minorités risquent ainsi de « prendre la poudre d’escampette » si on les prive de l’occasion enrichissante de travailler avec des collègues vraiment représentatifs de la notion de diversité. Les services spécialisés dans le droit des sociétés souhaitent eux aussi avoir des « écuries » de prestataires et de conseillers plus riches en diversité pour presque les mêmes raisons.
La profession juridique est centrée sur le capital humain. Or, la demande pour des services juridiques axés sur le droit des sociétés restera très élevée pendant longtemps, car le PIB est en train de connaître une croissance six à sept fois supérieure à la normale (et même si ce taux n’était que trois à quatre fois supérieur à l’habitude durant la reprise). Les difficultés éprouvées par les cabinets d’avocats pour le recrutement d’avocats d’origines plus diverses sont en fait les plus aiguës que l’on puisse rencontrer dans le secteur juridique en matière de recrutement. À bien des égards, les avocats d’origines plus diverses souhaitent trouver les mêmes choses que les autres avocats dans les cabinets où ils seraient prêts à faire carrière. La politique de rémunération demeure bien entendu un facteur important, mais qu’est-ce qu’un cabinet pourrait trouver d’autre pour attirer de manière plus fiable les avocats les plus recherchés ?
Succès financier tout au long de la carrière
Engagez-vous d’une manière sans équivoque à aider les minorités faisant partie de votre écurie d’avocats à réussir sur le plan financier et ne lésinez pas sur les détails. Les entreprises sont nombreuses à considérer le parcours menant au poste d’associé (path to partnership) comme une séance d’initiation de fraternité longue de dix ans : « Nous voulons des autodidactes — des gens qui sauront eux-mêmes ce qu’il faut faire pour réussir. C’est l’IRC1 que nous aimons employer pour déterminer si le candidat est prêt ». Mais imaginons un moment que vous arrivez mieux que vos pairs à enseigner aux minorités faisant partie de votre écurie les exigences de ce métier et le vocabulaire associé à celui-ci (afin de notamment faciliter leurs interactions avec des clients potentiels) ? Et que vous leur enseignez dès le départ à cultiver des relations, à convertir des occasions en des contrats payants et à convaincre des tiers à les recommander à des clients potentiels ? J’encourage mes clients à expliquer, au moyen d’exemples concrets, tangibles et présentés de manière cohérente, les moyens utilisés dans leurs cabinets pour le perfectionnement des compétences dans ces domaines. Vous devez démontrer que vous souhaitez aussi sérieusement leur inculquer ces aptitudes que des compétences juridiques purement techniques.
Aidez-les aussi dans la vie
Qui dit carrière d’avocat dans un cabinet dit aussi manque d’équilibre dans la vie. Aidez vos minorités (en particulier s’ils sont nouveaux dans la communauté) à se créer des appuis dans la vie privée afin de les rendre encore mieux capables de bâtir leurs carrières. Apprenez à les connaître et aidez-les à gérer les aspects de leur vie privée qui risquent de devenir plus compliqués avec le travail. Projettent-ils d’envoyer leurs enfants dans une école privée ? Si c’est le cas, mettez-les en contact avec des associés qui connaissent le processus. Quelles activités aiment-ils faire en dehors du travail en compagnie de leurs conjoints/conjoints de fait ? Mettez-les en contact avec des personnes qui ont le même passe-temps. Comment s’y prennent-ils pour bâtir leurs réseaux personnels et professionnels ? Mettez-les en relation avec les avocats du cabinet qui connaissent des personnes qui pourraient les intéresser. Écoutez et apprenez, et apportez ensuite votre aide — pas si compliqué, n’est-ce pas ? Faites un relevé des choses que l’entreprise est en train de faire dans ces domaines et présentez ces renseignements de manière cohérente (mettez en relief, décrivez et enseignez) aux recrues d’origines plus diverses afin de leur faire comprendre que ces principes font partie de l’ADN de l’entreprise.
Communiquez les attentes et définissez les rôles
Les cabinets d’avocats sont nombreux à proposer plusieurs types de parcours et à connaître la formule miracle permettant à n’importe quel type d’avocat de générer des bénéfices pour un cabinet. Il ne demeure pas moins que les avocats plus jeunes sont toujours très peu nombreux à savoir avec précision ce que le succès à long temps signifie vraiment dans un cabinet d’avocats. Nous savons tous que les cabinets sont prêts à créer des parcours professionnels à long terme réfléchis pour des associés qui ne participeront pas au capital, des avocats à temps partiel et des avocats qui comptent occuper des fonctions purement commerciales au sein de leurs entreprises. Mais réussir dans une carrière d’avocats n’est plus aussi simple qu’auparavant, car tout n’est plus aussi « noir ou blanc » — les cabinets s’attendent notamment à ce que tous leurs avocats génèrent des profits pour l’entreprise, quel que soit leur titre. Ces derniers sont donc tous appelés (y compris les avocats issus de minorités) à comprendre leurs rôles dans ce domaine et à savoir ce qu’il faut faire pour réussir dans ces rôles.
Soyez transparent
Peu de cabinets font preuve de franchise lorsqu’ils sont appelés à décrire la vie d’un associé principal ou d’un jeune associé à de nouvelles recrues. Les classements AmLaw sont certes capables de fournir une certaine idée des avantages financiers auxquels on peut s’attendre, mais pas le portrait complet (en ce qui concerne par exemple les contributions en capital, les écarts de salaire entre les partenaires les mieux rémunérés et ceux qui le sont moins, les attentes de la société à chaque étape de la carrière de l’avocat, etc.). Déclarez en toute franchise ce que les gens gagnent et pourquoi. Vous avez de bien meilleures chances de convaincre la recrue que vous êtes convoitez de différer des avantages financiers immédiats si vous arrivez à leur faire voir la grande sécurité financière et les grandes récompenses qui les attendent plus loin. Mais pour les aider à le réaliser, vous devez faire preuve de transparence et ne pas lésiner sur les détails.
Une question d’autonomie
La plupart des avocats ont vraiment à cœur d’atténuer les déséquilibres créés par le métier d’avocat de cabinet, d’où leur engouement pour l’autonomie. « Si je dois travailler aussi dur, qu’on me permette au moins de le faire à ma façon ! » Cela veut fondamentalement dire que vous devez les laisser bâtir eux-mêmes leur portefeuille de clients. Pensez aussi aux autres choses que votre cabinet pourrait faire pour aider les avocats d’origines plus diverses à prendre le contrôle de leur carrière — à long terme et au quotidien.
Si votre cabinet n’a, comme 90 % des cabinets d’AmLaw 200, pas le moyen de proposer plus d’argent que la concurrence à des candidats d’origines plus diverses, vous devez adopter une approche plus réfléchie et axée sur la globalité, ne serait-ce que parce que les minorités (et les recrues d’origines variées) les plus désirables à vos yeux utilisent elles-mêmes une approche réfléchie et holistique pour aborder ces questions. Allez à la rencontre de votre capital humain et faites pleinement ressortir votre intérêt pour leurs aspirations professionnelles à long terme. Vous gagnerez plus de batailles dans le domaine du recrutement si vous procédez de cette façon.
M. Mike White a exercé le métier d’avocat pendant sept ans avant de fonder et d’exploiter deux sociétés d’exploitation de logiciels d’entreprise : Sirius Systems (vendue en 1997) et MarketingCentral (vendue en 2007). Il a détenu et géré ClientQuest Consulting, LLC, une entreprise au service de cabinets d’avocats, pendant dix ans, Il détient un AB en histoire de l’Université Duke et un doctorat en droit de la faculté de droit de l’Université Emory. Cet article a été publié le 6 juillet 2021 sur le site d’Edge International et fait partie de la base de connaissances établie par cette société (Edge Knowledge Base).
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