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Changements apportés à Agri-stabilité : le moment est-il venu de participer (de nouveau) au programme ?

Kyle Martin 19 janv. 2022

En mars 2021, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada ont annoncé que des changements seraient apportés au programme Agri-stabilité afin d’accroître le soutien financier fourni aux producteurs agricoles. En raison des nombreux programmes de soutien gouvernementaux introduits en 2020 et 2021 dans le cadre de la pandémie de COVID-19, il n’est toutefois pas impossible que ces changements — ainsi que leurs possibles retombés pour les opérations agricoles — soient passés inaperçus auprès des producteurs. Ceux d’entre eux qui n’ont jamais participé à ce programme ou qui n’y ont pas participé depuis plusieurs années ont pourtant intérêt à déterminer, à l’approche de 2022, si ce programme sera profitable à leurs exploitations.

Agri-stabilité : un aperçu

Agri-stabilité a pour objectif de protéger les producteurs agricoles contre des baisses éventuelles dans la marge de production. Cette marge est calculée comme suit par le programme :

                                     marge de production = revenus admissibles - dépenses admissibles

Parmi les revenus considérés comme admissibles par le programme, on peut notamment retrouver des revenus tirés de la vente de produits agricoles comme des céréales et des graines oléagineuses, des bœufs, des porcs, des moutons, etc. Quant aux dépenses admissibles, elles comprennent, sans s’y limiter, les achats de semences, de pesticides, de carburant (pour les équipements) et d’aliments pour animauxi. Les éléments qui suivent sont aussi inclus dans le calcul des revenus et des dépenses admissibles afin de trouver une marge représentative de la production attendue pour l’année nécessitant le soutien du programme1 : les rajustements de stocks, les comptes débiteurs, les frais payés d’avance et les comptes créditeurs.

Voici un exemple de la manière dont les paiements versés par Agri-stabilité sont calculés :  

 

Année 1

Année 2

Année 3

Année 4

Année 5

Marge de production

360 000 $

6 000 $

250 000 $

180 000 $

170 000 $

 

La meilleure année

La « pire » année

Sélectionné

Sélectionné

Sélectionné

Marge de référence

200 000 $

 

La première étape consiste à compiler les marges de production des cinq années précédentes et à déterminer la marge de référence (aussi appelée la « moyenne olympique ») — en laissant notamment de côté la « pire » année (l’année 2 dans cet exemple) et la meilleure année (l’année 1) et en calculant la moyenne des trois années restantes. Dans l’exemple ci-dessus, la marge de référence est ainsi de 200 000 $.

La prestation sera versée si la marge de l’année visée est inférieure à 70 % de la marge de référence. Dans l’exemple, la marge du producteur pour l’année en question était de 40 000 $, donc en dessous de ce niveau seuil, qui est ici de 140 000 $.

 

Niveau seuil établi pour le déboursement de la prestation (70 % de la marge de référence)

140 000 $

Marge de référence de l’année visée

40 000 $

Baisse de marge (niveau seuil moins marge de l’année courante)

100 000 $

 

Le Partenariat canadien pour l’agriculture (un partenariat comprenant le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux) a établi le taux de déboursement (benefit rate) à 70 % de la baisse de marge enregistrée par rapport au niveau seuil. Les prestations sont financées à 60 % par le gouvernement fédéral et à 40 % par les gouvernements provinciaux. Comme illustré ci-dessous, le producteur aura ici droit à un paiement de 70 000 $ de la part d’Agri-stabilité, ayant enregistré une baisse de marge de 100 000 $.

Portion financée par le gouvernement fédéral (60 % de la couverture [qui est, elle, équivalente à 70 % de la baisse de marge])

42 000 $

Portion financée par la province (40 % de la couverture [équivalente à 70 % de la baisse de marge])

 

28 000 $

Montant versé au total (70 % de la baisse de marge)

70 000 $

Les changements apportés au programme Agri-stabilité

Suppression de la limite de marge de référence

Le changement le plus important annoncé en mars 2021 dans le cadre du programme Agri-stabilité concerne la suppression de la limite de marge de référence (reference margin limit) liée aux dépenses admissibles — une disposition qui touchait les producteurs dont le ratio dépenses admissibles/revenus admissibles était faible. En raison de ce plafond, il était notamment difficile pour ces derniers de déterminer s’ils seraient admissibles à la couverture offerte par le programme (car le niveau seuil pouvait varier et aller de 49 % et 70 % de la marge de référence).

La production de plantes de grande culture a été particulièrement affectée, et dans une grande mesure, par la limite de marge de référence. En général, ce genre de culture est à haute intensité de capital et entraîne des frais (importants) qui ne peuvent être inclus parmi les dépenses admissibles lors du calcul des marges de production. Parmi ces dépenses non admissibles, on retrouve : les sommes déboursées pour la réparation et l’entretien du matériel ou pour des travaux effectués sur mesure, les frais de financement, la location de terrains, etc. En raison de la limite de marge de référence, la marge de l’année visée devait conséquemment être inférieure à 49 % de la marge de référence pour de nombreux agriculteurs (pour permettre notamment le déclenchement des paiements). Dans l’exemple ci-dessus, si le producteur était assujetti à cette limite de marge de référence, il n’aurait été admissible à la prestation que si sa marge de production était tombée en dessous 98 000 $ (au lieu de 140 000 $).

Les producteurs de grandes cultures (ainsi que d’autres types de producteurs) dont le ratio dépenses admissibles/revenus admissibles était faible ont ainsi été nombreux à quitter le programme Agri-stabilité après l’introduction de la limite de marge de référence en 2013. Cette limite n’étant plus en vigueur, les producteurs ayant un ratio faible dans ce domaine peuvent maintenant envisager de participer de nouveau au programme.

Traitement de revenus provenant d’assurances privées

Avant 2020, les producteurs inscrits à des programmes d’assurance privés (en l’occurrence des assurances de responsabilité civile financées par des producteurs et couvrant des pertes de revenu liées à des produits de base admissibles) pouvaient inclure les sommes versées par ces assurances dans le calcul de la marge de production de l’année visée. À partir de 2020, ces sommes ont toutefois été exclues de ce calcul tout en continuant à être prises en compte dans celui de la marge de référence, augmentant ainsi les chances d’admissibilité de ces producteurs aux prestations accordées par Agri-stabilité. Les programmes d’assurance liés au prix du bétail et offerts en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba en sont des exemples. Le traitement des assurances-récolte offertes par les organismes provinciaux restera toutefois inchangé (dans le sens que les revenus d’assurance-production fournis par ces organismes pourront toujours être inclus dans le calcul de la marge de l’année visée).

Est-ce maintenant une bonne idée pour votre exploitation de s’inscrire à Agri stabilité ?

Pour déterminer s’ils doivent ou non participer au programme, les producteurs doivent tenir compte de plusieurs facteurs :

Le niveau seuil établi pour le déclenchement des paiements est resté inchangé (70 %)

Le changement le plus important apporté en 2013 au programme Agri-stabilité par les gouvernements fédéral et provincial concerne l’abaissement du taux établi pour ce niveau seuil, qui est passé de 85 % à 70 %. Le nouveau taux est demeuré le même après mars 2021, ce qui veut dire que c’est toujours moins facile pour les producteurs de déclencher des paiements qu’auparavant (lorsque ce taux était notamment à 85 %).

L’impact des marges brutes

Plus les marges brutes d’une exploitation agricole seront faibles, plus elle sera vulnérable à l’évolution de facteurs comme les prix en vigueur dans le marché, les baisses de production et l’accroissement des dépenses. Les producteurs à marge plus faible ont ainsi besoin d’un taux de variation plus faible dans ces secteurs pour être admissibles aux paiements d’Agri-stabilité.

Pour illustrer l’impact des marges brutes sur le calcul des prestations fournies par Agri-stabilité, nous allons prendre l’exemple (ci-dessous) de deux producteurs de maïs conventionnels. L’un d’eux a des marges brutes élevées alors que l’autre des marges brutes faibles.

 

Maïs conventionnel - marge brute élevée

 

Maïs conventionnel - marge brute faible

 

 

Marge de référence

Année visée par le programme

Pourcentage de baisse

Marge de référence

Année visée par le programme

Baisse des prix (%)

Rendement par acre (tonnes)

5

5

 

5

5

 

 * $ par tonne

230 $

191 $

-17 %

230 $

206 $

-10 %

Revenu total admissible par acre

1 150 $

955 $

 

1 150 $

1 030 $

 

Dépenses totales admissibles par acre

500 $

500 $

 

750 $

750 $

 

Marge de production par acre exploitable
(Revenus admissibles moins dépenses admissibles)

650 $

455 $

 

400 $

280 $

 

% de la marge brute (marge de production ÷ revenu admissible)

57 %

48 %

 

35 %

27 %

 

Acres exploitables

1 000

1 000

 

1 000

1 000

 

Marge de production (acres exploitables X marge de production)

650 000 $

455 000 $

 

400 000 $

280 000 $

 

Niveau seuil pour le déclenchement des paiements
(70 % de la marge de production)

455 000 $

 

 

280 000 $

 

 

Le tableau calcule le pourcentage de baisse requis (pour le prix du maïs) pour le déclenchement des prestations d’Agri-stabilité. Pour isoler l’impact des variations rencontrées pour les prix en vigueur dans le marché, le rendement par acre et les dépenses admissibles ont été gardés constants. Le seul changement rencontré par le producteur à marge élevée et le producteur à faible marge est la baisse de la valeur marchande de leur maïs (qui était de 230 $ la tonne originellement). Pour être admissible à un paiement, le producteur à marge brute élevée (57 %) doit enregistrer une baisse 17 % pour le prix de son mais. Le producteur à faible marge brute (35 %) n’aura, quant à lui, besoin que d’une baisse de 10 %.

L’exemple fourni ci-dessus démontre ainsi pourquoi les producteurs appartenant à des secteurs à faible marge brute ont plus de chances d’obtenir le soutien d’Agri-stabilité, car ils n’ont pas besoin de changements aussi conséquents au niveau des variables (comme la valeur marchande ou le coût des dépenses admissibles) pour enclencher le déboursement des prestations du programme. Malgré tout, le producteur à marge élevée cité dans l’exemple sera lui aussi admissible à ces prestations, car une variation de prix de 17 % n’est pas inhabituelle dans le secteur du maïs.

L’impact des programmes de soutien à l’agriculture sur Agri-stabilité

Les programmes de soutien à l’agriculture offerts dans les provinces sont gérés par les autorités provinciales et peuvent différer d’une province à l’autre. Certaines provinces offrent aussi des programmes qui complètent la couverture fournie par Agri-stabilité. En Ontario, les prestations offertes par le Programme de gestion des risques (PGR) sont par exemple considérées comme des avances fournies dans le cadre du programme Agri stabilité. Si un producteur ontarien reçoit une part plus élevée du côté du PGR que du côté de la portion ontarienne de la prestation d’Agri-stabilité, le taux effectif de cette dernière sera abaissé et passera de 70 % (le taux qui aurait autrement été employé en l’absence du PGR) à 42 %.

Il est à noter que la portion provinciale d’Agri-stabilité est assujettie à un taux de 80 % (au lieu de soixante-dix) en Ontario. Malgré ce taux supérieur, le paiement net versé par Agri-stabilité restera inchangé si la portion ontarienne de cette prestation a déjà été avancée par le PGR.

Les fardeaux administratifs et les droits de participation

Les droits d’Agri-stabilité sont équivalents à 0,3150 % de la marge de référence (plus 55 $). Dans l’exemple fourni ci-dessus (celui ayant notamment trait à la marge de référence de 200 000 $), le producteur sera donc appelé à payer un droit de 685 $ — un coût que certains pourraient considérer comme mineur lorsque l’on tient compte de la couverture de marge potentielle de 70 % offerte par le programme. Mais les droits ne représentent qu’une part minime du « prix à payer » pour la participation au programme. Les participants doivent, entre autres, soumettre chaque année des renseignements détaillés au sujet de leurs antécédents de production, de leurs comptes débiteurs et de leurs comptes créditeurs ainsi que des rapprochements détaillés au sujet de leurs stocks d’ouverture et de clôture. Pour compiler ces informations, les producteurs et leurs conseillers (qui doivent aussi s’occuper chaque année de la préparation des états financiers et des déclarations fiscales coutumiers) doivent souvent déployer des efforts importants.

Il n’est pas rare aussi que les services administratifs d’Agri-stabilité contactent un producteur après la soumission de sa demande pour lui poser des questions. Si le traitement de la demande ne se passe pas comme prévu et il devient nécessaire de faire appel, le fardeau administratif du producteur deviendra, de surcroît, encore plus lourd.

Pour être admis au programme Agri-stabilité, les producteurs doivent aussi fournir les renseignements historiques (des renseignements financiers et des renseignements relatifs à la production) nécessaires au calcul éventuel de leurs marges de référence. Les organismes provinciaux permettent toutefois à ceux qui débutent dans l’agriculture ou qui n’ont pas participé au programme pendant plus de quatre ans d’utiliser un processus d’inscription simplifié.

Le secteur de la gestion de l’approvisionnement

Historiquement, le secteur de l’approvisionnement (supply management) a rarement connu des baisses de marge inférieures à 70 %. Mais il est possible qu’une catastrophe provoque un déclin plus important. La flambée de grippe aviaire qui a touché certains producteurs de poulet dans l’Ouest canadien il y a plus de dix ans est un bon exemple. Les producteurs qui sont confrontés à de telles situations doivent déterminer si la participation à Agri-stabilité sera vraiment avantageuse sur le plan financier (en d’autres mots, si la couverture d’assurance fournie sera supérieure aux frais de participation), car il se peut qu’ils disposent déjà de ressources suffisantes (d’autres produits d’assurance, par exemple) pour face à des catastrophes imprévues.

Les programmes de reprise après sinistre ponctuels proposés par le gouvernement

Les programmes de reprise après sinistre ponctuels proposés par le gouvernement ont été nombreux dans le passé à se baser sur des renseignements déposés dans le cadre du programme Agri-stabilité et de ses prédécesseurs. Les producteurs qui ne sont pas déjà inscrits à cette dernière risquent ainsi de ne pouvoir profiter de ces programmes de reprise.

Demandez l’avis d’un professionnel

Déterminer si l’on doit participer ou non au programme Agri-stabilité peut s’avérer compliqué. Et chaque cas est différent. La date limite pour s’inscrire au programme Agri-stabilité 2022 est le 30 avril 2022. Prenez contact avec l’un des conseillers de Baker Tilly avant de prendre une décision, car nous pouvons vous aider à identifier les choix disponibles.


  1. Appelée, pour les besoins de cet article, « année visée par le programme » ou « année visée ».
  2. Vous trouverez une liste complète des revenus et des dépenses admissibles auprès d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, à l’adresse suivante : https://agriculture.canada.ca/fr/programmes-services-agricoles/agri-stabilite/ressources/agri-stabilite-lignes-directrices-du-programme-version-consolidee

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