Si un particulier (ou d’autres types de contribuables qui ne sont pas des sociétés) résidant au Canada vend des actions d’une société résidente canadienne (« société en cause ») à une société (« société acheteuse ») avec laquelle il entretient des liens de dépendance et la société en cause est rattachée à la société acheteuse immédiatement après la vente, ce contribuable sera assujetti à l’article 84.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) et pourrait être réputé avoir reçu un dividende au lieu d’un gain en capital, comme attendu. Avant le 29 juin 2021, cela avait empêché les transferts d’entreprise effectués entre générations (de parent/grand-parent à enfant/petit‑enfant) d’être avantageux sur le plan fiscal.
Le 29 juin 2021, le projet de loi C‑208 a prescrit des modifications législatives visant à exonérer de l’article 84.1 de la LIR les parents ou grands‑parents désireux de transférer des sociétés à des sociétés acheteuses contrôlées par leurs enfants ou petits‑enfants adultes, si certaines conditions sont remplies au titre de l’alinéa 84.1(2)e) et du paragraphe 84.1(2.3) de la LIR.
Le 4 août 2023, le ministère des Finances a proposé des amendements législatifs supplémentairesi dans le but de modifier les dispositions adoptées en vertu du projet de loi C‑208. Il est prévu que ces amendements soient appliqués aux ventes effectuées à compter du 1er janvier 2024.
La proposition législative a pour but d’introduire des critères spécifiques pour restreindre l’octroi de l’exonération accordée au titre de l’article 84.1 de la LIR aux véritables transferts intergénérationnels. Ces critères seront appliqués en vertu de deux options législatives proposées par les autorités : (i) les transferts immédiats (échelonnés sur une période de 36 mois au maximum) (ii) les transferts progressifs (échelonnés sur une période de 120 mois au maximum).
Le tableau ci‑dessous propose une comparaison des critères utilisés pour déterminer si l’exonération accordée au titre de l’article 84.1 est applicable sous les règles promues à l’heure actuelle par le projet de loi C‑208 et celles proposées par le budget fédéral de 2023 pour les deux options mentionnées ci‑dessus.
- (A) Immédiatement avant la disposition :
Contrôle de la société en cause avant la ventee
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Sans objet
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Le contribuable, seul ou avec un époux*, contrôle la société en cause et aucune autre personne ou groupe de personnes ne la contrôle directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit.
Le contribuable n’a jamais demandé auparavant d’être exonéré de l’article 84.1 sous les règles promues par le projet de loi C‑208 ou les règles établies pour les transferts immédiats ou progressifs.
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- (B) Au moment de la disposition :
Le contribuable (le vendeur)
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Le contribuable doit être un particulier (autre qu’une fiducie).
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Critère d’admissibilité pour la société en cause.
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Les actions de la société en cause doivent être des actions admissibles de petite entreprise ou des actions du capital‐actions d’une société agricole ou de pêche familiale.
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Contrôle de la société acheteuse
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Contrôlée par un ou plusieurs enfants ou petits‐enfants du contribuable, dont chacun est âgé de 18 ans ou plus.
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Contrôlée par un ou plusieurs enfants du contribuable, dont chacun est âgé de 18 ans ou plus.
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Définition des termes « enfant » et « enfants »
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Le sens élargi donné au terme « enfant » au paragraphe 252(1) de la LIR est applicable ici :
- une personne dont le contribuable est légalement le père ou la mère ;
- une personne qui est entièrement à la charge du contribuable et dont celui-ci a la garde et la surveillance, en droit ou de fait, ou les avait juste avant que cette personne ait atteint l’âge de 19 ans ;
- un enfant de l’époux* du contribuable ;
- l’époux* d’un enfant du contribuable.
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Au sens donné au terme « enfant » à l’alinéa 84.1(2.3)a), et qui inclut :
- un petit‐enfant du contribuable ;
- un arrière petit‐enfant du contribuable ;
- une personne qui était l’enfant du contribuable immédiatement avant le décès de l’époux* de la personne ;
- une personne qui, avant d’atteindre l’âge de 19 ans, était entièrement à la charge du contribuable et dont le contribuable avait alors la garde et la surveillance en droit ou de fait ;
- une nièce ou un neveu du contribuable ;
- une nièce ou un neveu de l’époux* du contribuable ;
- un époux* de la nièce ou du neveu mentionné ci‐dessus ;
- un enfant de la nièce ou du neveu mentionné ci‐dessus.
Le sens étendu donné au terme « enfant » par le paragraphe 252(1) de la LIR est applicable ici aussi :
- une personne dont le contribuable est légalement le père ou la mère ;
- une personne qui est entièrement à la charge du contribuable et dont celui‐ci a la garde et la surveillance, en droit ou de fait, ou les avait juste avant que cette personne ait atteint l’âge de 19 ans ;
- un enfant de l’époux* du contribuable ;
- l’époux* d’un enfant du contribuable.
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- (C) À tout moment après la disposition :
Le contribuable abandonne le contrôle de l’entreprise
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Sans objet
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Le contribuable, seul ou avec son époux*, ne contrôle pas (directement ou indirectement et de quelque manière que ce soit) :
- la société en cause
- la société acheteuse ou
- toute entité pertinente du groupe exerçant une activité pertinente.
Remarque : Le contribuable doit renoncer à la fois au contrôle de droit et au contrôle de fait.
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Le contribuable, seul ou avec son époux*, ne contrôle pas :
- la société en cause
- la société acheteuse ou
- toute entité pertinente du groupe exerçant une activité pertinente.
Remarque : Le contribuable doit ici renoncer uniquement au contrôle de droit.
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Le contribuable renonce à la majorité de ses intérêts économiques.
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Sans objet
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Le contribuable, seul ou avec son époux*, ne possède pas (directement ou indirectement) :
- 50 % ou plus d’une catégorie d’actions (autre qu’une catégorie exclue **) du capital‐actions de la société en cause ou de la société acheteuse ou
- 50 % ou plus d’une catégorie de participations (autre qu’une catégorie exclue **) dans une entité pertinente du groupe.
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- (D) Dans les 36 mois suivant le moment de la disposition et à tout moment postérieur :
Le contribuable renonce aux parts restantes (contrôle et intérêts économiques).
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Sans objet
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Le contribuable et son époux* ne possèdent (directement ou indirectement) :
- aucune action du capital-actions (à l’exception d’actions appartenant à une catégorie exclue **) de la société en cause ou de la société acheteuse ou
- aucune participation (à l’exception de participations appartenant à une catégorie exclue **) dans aucune entité pertinente du groupe.
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- (E) Dans les 36 mois (pour les transferts immédiats) ou 60 mois (pour les transferts progressifs) qui suivent la disposition : (ce délai peut être plus long que 36 ou 60 mois, respectivement, si c’est raisonnable dans les circonstances.)
Le contribuable transfère la gestion de l’entreprise
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Sans objet
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Le contribuable et son époux* prennent des mesures raisonnables pour :
- transférer la gestion de chaque entreprise pertinente de la société en cause et de toute entité pertinente du groupe à l’enfant ou au moins à l’un des membres du groupe d’enfants qui est en train de participer activement, de façon régulière, continue et importante à une entreprise pertinente de la société en cause ou d’une entité pertinente du groupe et
- cesser de façon permanente de gérer chaque entreprise pertinente de la société en cause et toute entité pertinente du groupe.
Exceptions (voir le paragraphe 84.1[2.3] de la LIR pour les détails) :
- Disposition sans lien de dépendance de toutes les actions du capital‐actions de la société acheteuse, de la société en cause ou de toutes les entités pertinentes du groupe ;
- Décès ou déficience prolongée des fonctions physiques ou mentales de l’enfant ou de chacun des enfants et
- Disposition des actions de la société acheteuse, de la société en cause ou d’une entité pertinente du groupe à un enfant ou un groupe d’enfants.
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- (F) Dans les 36 mois qui suivent le moment de la disposition (pour les transferts immédiats) ou à compter du moment de la disposition jusqu’au dernier en date de 60 mois après le moment de la disposition et le moment de la vente finale (pour les transferts progressifs) :
L’un des enfants participe activement à l’exploitation de l’entreprise
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Sans objet
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L’enfant ou au moins un membre du groupe d’enfants participe activement, de façon régulière, continue et importante à une entreprise pertinente de la société en cause ou d’une entité pertinente du groupe.
Exceptions (voir le paragraphe 84.1 [2.3] pour les détails) :
- Disposition sans lien de dépendance de toutes les actions du capital‐actions de la société acheteuse, de la société en cause ou de toutes les entités pertinentes du groupe ;
- Décès ou déficience prolongée des fonctions physiques ou mentales de l’enfant ou de chacun des enfants et
- Disposition des d’actions de la société acheteuse, de la société en cause ou d’une entité pertinente du groupe à un enfant ou un groupe d’enfants.
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Les enfants gardent le contrôle.
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Sans objet
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L’enfant ou le groupe d’enfants contrôle la société en cause et la société acheteuse.
Exceptions (voir le paragraphe 84.1[2.3] pour les détails) :
- Disposition sans lien de dépendance de toutes les actions du capital-actions de la société acheteuse, de la société en cause ou de toutes les entités pertinentes du groupe ;
- Décès ou déficience prolongée des fonctions physiques ou mentales de l’enfant ou de chacun des enfants et
- Disposition des d’actions de la société acheteuse, de la société en cause ou d’une entité pertinente du groupe à un enfant ou un groupe d’enfants.
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Exploitation active
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Sans objet
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Chaque entreprise pertinente de la société en cause et de toute entité pertinente du groupe est gérée comme une entreprise exploitée activement.
Exceptions (voir le paragraphe 84.1[2.3] pour les détails) :
- Disposition sans lien de dépendance de toutes les actions du capital‑actions de la société acheteuse, de la société en cause ou de toutes les entités pertinentes du groupe et
- Décès ou déficience prolongée des fonctions physiques ou mentales de l’enfant ou de chacun des enfants ;
- Disposition des d’actions de la société acheteuse, de la société en cause ou d’une entité pertinente du groupe à un enfant ou un groupe d’enfants et
- Si la conduite des affaires a été stoppée par la disposition de tous les actifs nécessaires à la poursuite des activités dans le but de régler des dettes de la société ou de l’entité.
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- (G) Dans les 10 ans qui suivent le moment de la disposition et à tout moment postérieur :
Le contribuable respecte les pourcentages établis par la législation pour les dettes et les participations.
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Sans objet
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Aucune exigence
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Petites entreprises et sociétés agricoles ou de pêche familiales :
Les dettes ou participations dans la société en cause, la société acheteuse et toute entité pertinente du groupe sont limités à 30 % (dans le cas des petites entreprises) et à 50 % (dans le cas des sociétés agricoles ou de pêche familiales), respectivement, de la juste valeur marchande toutes les dettes et participations qui étaient détenues directement ou indirectement par le contribuable et son époux immédiatement avant la disposition.
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- (H) Autres informations pertinentes :
Choix fiscaux
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Aucun choix à déposer, mais les exigences de déclaration suivantes doivent être respectées :
- Une évaluation indépendante de la juste valeur marchande des actions de la société en cause ;
- un affidavit signé par un tiers attestant de la disposition des actions ;
Aucune date d’échéance n’a encore été proposée par la loi pour l’une ou l’autre de ces exigences.
Selon l’Agence du revenu du Canada :
Les documents d’appui nécessaires doivent être joints à la déclaration dans le cas des déclarations papier et conservés dans le cas des déclarations déposées par voie électronique.
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Le contribuable et l’enfant/les enfants produisent un choix conjoint au plus tard à la date d’échéance de production du contribuable pour l’année comprenant le moment de la disposition.
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Période normale de nouvelle cotisation
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Trois ans
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Trois années supplémentaires après la fin de la période normale de nouvelle cotisation de trois ans.
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Dix années supplémentaires après la fin de la période normale de nouvelle cotisation de trois ans.
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Responsabilité solidaire du contribuable (le vendeur) et de l’enfant/des enfants
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Sans objet
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Les parties ayant fait le choix conjoint sont solidairement responsables du paiement de l’impôt dû par le contribuable, si cet impôt est supérieur à ce qu’il aurait été si les conditions énoncées au paragraphe 84.1(2.31) — pour l’option immédiate — et au paragraphe 84.1(2.32) — pour l’option progressive — avaient été remplies.
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Réserve pour gains en capital
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Provision de cinq ans.
Si la disposition a été effectuée en faveur d’un enfant et non d’un petit-enfant du contribuable et les conditions nécessaires sont remplies en vertu du paragraphe 40(1.1) de la LIR, cette provision pourrait être étendue à dix ans.
(Le sens élargi donné au terme « enfant » au paragraphe 252(1) de la LIR est applicable ici)
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Provision de dix ans si toutes les conditions d’un transfert immédiat sont remplies.
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Provision de dix ans si toutes les conditions d’un transfert progressif sont remplies.
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Réduction de la déduction pour gains en capital
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Réduction de la déduction pour gains en capital pour tout capital imposable supérieur à dix millions de dollars employé au Canada.
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Sans objet
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Sans objet
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Restriction sur la disposition des actions de la société en cause
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La société acheteuse ne peut vendre les actions de la société en cause à une personne entretenant un lien de dépendance avec le parent ou le grand-parent dans les soixante mois qui suivent l’achat initial pour des raisons autres qu’un décès.
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Aucune exigence spécifique autre que celles discutées dans la partie (F).
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Aucune exigence spécifique autre que celles discutées dans la partie (F).
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* Le terme « époux » englobe également les conjoints de fait.
** Définition fournie par le paragraphe 256 (1.1) de la LIR pour le terme « catégorie exclue » :
Une catégorie d’actions du capital-actions d’une société est exclue si, à la fois, selon les caractéristiques des actions de cette catégorie ou selon une convention y relative :
- les actions ne sont ni convertibles ni échangeables ;
- les actions ne confèrent pas de droit de vote ;
- le montant de chaque dividende payable sur les actions est un montant fixe ou un montant déterminé en fonction d’un pourcentage fixe de la juste valeur marchande de la contrepartie de l’émission des actions ;
- le taux de dividende annuel sur les actions, exprimé en pourcentage de la juste valeur marchande de la contrepartie de l’émission des actions, ne peut en aucun cas excéder :
- dans le cas où les actions sont émises avant 1984, le taux d’intérêt prescrit pour l’application du paragraphe 161 (1) au moment de l’émission des actions,
- dans le cas où les actions sont émises après 1983, le taux d’intérêt prescrit au moment de l’émission des actions ;
- le montant que l’actionnaire a le droit de recevoir au rachat, à l’acquisition ou à l’annulation des actions par la société ou par une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance ne peut dépasser le total de la juste valeur marchande de la contrepartie de l’émission des actions et du montant des dividendes impayés sur les actions.
- 1 L’avant‑projet de loi visant à entraîner la modification des dispositions adoptées sous le projet de loi C‑208 a été introduit dans un avis de motion de voies et moyens propice à l’amendement de la LIR et publié dans le budget fédéral de 2023, qui a été rendu public le 28 mars de cette année.