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28 novembre 2017 par Thomas Blonde

Neuf points à considérer lors de la constitution d’une entreprise agricole en société de capitaux

Dans un article publié en 2012, j’ai passé brièvement en revue quelques-uns des principaux facteurs à prendre en considération avant et après la constitution d’une entreprise agricole en société de capitaux. Au cours des cinq dernières années, certains de ces facteurs ont changé alors que d’autres sont restés les mêmes. Si vous avez conclu, après avoir consulté votre conseiller attitré auprès de Collins Barrow, que la constitution en société de capitaux est souhaitable pour votre entreprise, assurez-vous de comprendre ces points selon le contexte actuel, car cela vous permettra de constituer votre société de la bonne manière. Cet article contient un rappel de neuf aspects importants du processus et a pour but d’aider votre entreprise à élaborer la meilleure stratégie fiscale possible à cet effet.

1. Votre fin d’année financière

Vous n’êtes pas requis, dans le cas des sociétés de capitaux, de faire coïncider la fin de votre année financière avec celle de l’année civile. Des changements au niveau des politiques comptables sont toutefois à envisager dans les années à venir, notamment en matière des normes établies par des agences comme CPA Canada. Les cultures non récoltées pourraient par exemple être évaluées au prix coûtant, qu’elles soient arrivées ou non à maturité. Si vous avez choisi de clôturer votre d’année financière au mois de septembre ou d’octobre, vous risquez en conséquence de vous retrouver avec des cultures non récoltées durant cette période et de voir vos revenus annuels fluctuer considérablement d’une année à l’autre. Une année, vos récoltes seront évaluées à leur juste et pleine valeur marchande et l’autre, au prix coûtant.

Le secteur agricole ne dispose jusqu’à présent d’aucune norme pour calculer la valeur des récoltes. Certains utilisent le prix coûtant alors que d’autres utilisent la juste valeur marchande. Les cultures presque arrivées à maturité et destinées à être récoltées la première semaine de novembre sont généralement considérées comme étant déjà récoltées (du point de vue monétaire), si l’année financière de l’entreprise se termine en octobre. Compte tenu des changements projetés par CPA Canada, il vous serait avantageux de choisir une fin d’année financière différente des mois susmentionnés, car cela vous permettra — stratégie vraisemblablement judicieuse — de rendre vos revenus annuels plus homogènes.

2. La date de constitution

Votre date de constitution ne doit pas tomber à un moment où votre entreprise personnelle (non encore constituée en société d’affaires) n’a pas encore fait de dépenses pour la prochaine saison agricole. Votre facture d’impôt personnelle risque au cas contraire d’être conséquente pour cette période, faute de dépenses pour contrecarrer les revenus importants perçus durant l’année précédant la constitution en société. Prenons par exemple les producteurs de cultures commerciales. Étant donné qu’ils ensemencent leurs champs au printemps et font leur récolte à l’automne, la première moitié de leur année est en général entièrement caractérisée par des dépenses, alors que la seconde en est tout à fait dépourvue. Lors du choix de la date de constitution, vous devez donc garder un œil vigilant sur vos flux de trésorerie et vous assurer que vos revenus et vos dépenses se neutralisent comme il faut (du point de vue fiscal) durant l’année précédant la constitution en société de l’entreprise. Vous risquez autrement de vous exposer à une mauvaise surprise du côté de vos impôts personnels.

3. Le nom de l’entreprise

Vous pouvez utiliser soit un nom, soit une dénomination numérique pour enregistrer votre société lors du processus de constitution. Bien que la constitution d’une société à dénomination numérique soit légèrement moins coûteuse que celle d’une entreprise à nom, je vous recommanderais quand même d’utiliser un nom à la place d’un chiffre, afin de minimiser les risques d’erreur − les gens ont en effet plus de mal à se rappeler des dénominations numériques que des dénominations non chiffrées.

Même si les exploitations agricoles se sentent en général moins concernées que d’autres types d’entreprises par ce genre de problème, il n’en demeure pas moins qu’un nom est beaucoup plus pratique à utiliser qu’un chiffre dans une publicité. Les avantages offerts par les premiers sont, tout compte fait, trop conséquents pour être ignorés, malgré les frais d’enregistrement légèrement plus élevés.

4. Les administrateurs et les membres de la direction

Les administrateurs de sociétés de capitaux peuvent être appelés à partager les fardeaux financiers de leurs entreprises, surtout dans le cas de dettes contractées auprès de l’ARC. Cette dernière est, par exemple, capable de réclamer le remboursement de sommes dues en vertu de la TVH aux administrateurs eux-mêmes si l’entreprise fait faillite et est incapable de s’acquitter de cette dette. Afin de réduire au minimum les responsabilités financières de cette nature, nous recommandons généralement que les entreprises agricoles familiales aient le plus petit nombre d’administrateurs possible — en l’occurrence, un.

Les règles appliquées aux membres de direction sont, quant à elles, relativement différentes. Nous vous recommandons d’embaucher principalement des membres de famille pour ce genre de poste pour les raisons suivantes : 1) la responsabilité des membres de direction envers les dettes de l’entreprise n’est pas la même que celle des administrateurs 2) vous n’êtes pas obligé de verser des primes d’indemnisation pour leurs salaires. Si vous faites partie de la direction d’une entreprise agricole, vous n’aurez probablement pas à verser de primes à votre commission provinciale des accidents du travail et pourrez, le cas échéant, faire d’importantes économies. Vous devrez cependant tenir compte du fait que n’aurez pas droit à une indemnisation si jamais vous vous blessez. Dans la plupart des cas, les agriculteurs préfèrent ne pas dépenser de l’argent pour de telles primes et souscrivent à une assurance privée pour se prémunir contre les accidents de travail.

5. Les types d’actions

Les sociétés de capitaux peuvent émettre deux types d’actions, principalement : les actions ordinaires et les actions spéciales. La valeur initiale des actions ordinaires (également appelées « actions de croissance ») est habituellement de 0 $ au moment de la création de la société de capitaux. Ces actions augmentent ensuite en valeur au fur et à mesure que la société croît et évolue. Vous avez le droit d’émettre plusieurs types d’actions ordinaires, ce qui vous accorde plus de flexibilité en matière de versement de dividendes et vous permet de tirer le meilleur parti de votre planification fiscale.

Contrairement aux actions ordinaires, les actions spéciales sont habituellement émises dans le but de représenter la valeur des capitaux propres transférés de la société de personnes ou de l’entreprise personnelle à la société de capitaux. La valeur de ces actions ne changera que si elles sont rachetées par des actionnaires. Si vous vendez des actions spéciales, vous aurez à verser des impôts personnels sur le revenu obtenu du fait de n’avoir pas payé d’impôts sur les capitaux transférés dans la société.

Les actions spéciales peuvent s’avérer utiles si vous avez dans l’idée de céder votre entreprise à votre fils ou votre fille (pour leur permettre d’en profiter pleinement), mais n’êtes pas encore prêt à leur accorder sa gestion, faute de confiance en leurs capacités. Vous pouvez, dans un tel cas, leur céder toutes les actions ordinaires de la société et vous servir d’actions spéciales pour conserver le contrôle des voix. Ils ne pourront ainsi prendre des décisions importantes pour le compte de l’entreprise, car c’est vous qui détiendrez les pleins pouvoirs décisionnels. Ils pourront toutefois profiter pleinement de ses avantages, car vos actions n’ont aucune valeur monétaire. Néanmoins, ils ne pourront vendre la société ou prendre des décisions importantes à son sujet sans votre consentement, car le contrôle de l’entreprise continuera à vous appartenir.

6. Les actifs et passifs au moment de la constitution en société

Pour pouvoir documenter comme il se doit le transfert d’actifs de la société de personnes ou de l’entreprise individuelle à la société de capitaux, votre conseiller aura besoin, à compter de la date de constitution, d’une liste complète des actifs et des passifs (trésorerie, comptes débiteurs, frais payés d’avance, stocks, équipements agricoles, placements, comptes créditeurs, prêts, etc.) accompagnée de leur juste valeur marchande actuelle. Même si les estimations raisonnables sont acceptables pour l’ARC (il n’est pas nécessaire de recourir à l’aide d’un professionnel pour évaluer le tout), cette dernière pourrait remettre en question certains des chiffres soumis, une fois le transfert des actifs terminé. Pour parer à cette éventualité, vous pouvez émettre des actions spéciales pour représenter les actifs transférés, puis remplacer le moment venu les actions liées aux valeurs contestées par l’ARC par des actions d’une valeur plus adéquate. En bref, il s’agit tout simplement de dresser une liste de tous ses actifs et de toutes ses dettes.

Vous devrez aussi demander à vos créanciers de vous faire parvenir le solde de vos prêts et de vos hypothèques à compter de la date de constitution. Vous aurez probablement aussi à obtenir une liste de tous vos comptes créditeurs pour rendre plus précis le calcul de la valeur nette de votre entreprise. En dernier lieu, vous devrez inclure le prix de base initial de tous vos actifs dans les renseignements soumis à l’ARC dans le cadre de l’incorporation (en d’autres mots, non seulement la juste valeur marchande actuelle de ces actifs, mais aussi le prix initial déboursé pour leur acquisition).

7. Le transfert de terres et de contingents de commercialisation à la nouvelle société

Vous avez droit à une exonération de gains en capital sur la vente de certains actifs agricoles dans le cas des contingents de commercialisation ou de terres. Par exemple, si vous deviez acheter un terrain pour la somme de 1 000 000 $ et le revendre pour 2 000 000 $, votre gain serait de l’ordre de 1 000 000 $. Cette transaction serait exempte d’impôt, car les ventes de terres agricoles sont admissibles à une exonération de gains en capital de 1000 000 $. Il en est de même pour les contingents de commercialisation. Lors du processus d’incorporation, vous pouvez ainsi déclarer l’ajout des actifs transférés dans la société comme un gain en capital afin de tirer profit de ladite exonération. Celle-ci ne sera cependant versée en espèces, mais sous forme d’un crédit au sein de l’entreprise (notamment comme un prêt d’actionnaire ou un prêt d’actionnaire exempt d’impôt). Pensez à utiliser ces exonérations de gains en capital lors du transfert de vos actifs dans votre nouvelle société.

Vous devrez toutefois faire attention à l’impôt minimum de remplacement, que vous ayez affaire à des  contingents de commercialisation ou à des terres. Cet impôt est de mise lorsqu’un avantage fiscal comme une exonération de gains en capital est utilisé alors que le revenu brut est très élevé et que le revenu net est faible. Vous pourriez être forcé de payer l’impôt minimum si l’ARC est d’avis que vous n’avez pas payé suffisamment d’impôts en raison de l’emploi d’une exonération sur gains en capital. L’impôt minimum de remplacement n’est pas de même nature qu’un impôt sur le revenu normal : tout excédent de cet impôt sur l’impôt normal peut, en l’occurrence, être reporté sur une période de sept ans et utilisé comme crédit pour réduire l’impôt normal futur. Comme le scénario décrit plus haut est capable de se produire continuellement, vous devez vous assurer de profiter pleinement des crédits de remboursement offerts dans le cadre de cet impôt.

Vous devriez aussi tenir compte du fait qu’une partie de votre contingent de commercialisation a été déprécié aux fins de l’impôt dans le passé pour vous permettre de bénéficier chaque année de déductions fiscales. Lorsque vous revendez le contingent à l’entreprise et déposez une demande d’exonération de gains en capital pour celui-ci, les sommes déduites préalablement en vertu de l’exercice d’amortissement sont toutes rajoutées à votre revenu imposable personnel. Vous devrez donc vous préparer à l’avance à la récupération possible de ces déductions par les autorités fiscales. Vous avez en fait plusieurs solutions à votre disposition. Vous pouvez par exemple déposer une cotisation importante dans votre régime d’épargne-retraite (RER) l’année concernée pour contrecarrer le gonflement soudain de votre revenu imposable, puis retirer cette cotisation du RER et la réutiliser selon les besoins le moment venu.

8. Le dépôt des documents auprès du gouvernement

Peu de temps après que votre avocat aura déposé vos statuts constitutifs, l’ARC vous communiquera votre numéro d’entreprise par voie postale. Aussitôt la lettre reçue, vous devez appeler l’ARC pour créer un compte de TVH ainsi qu’un compte de paie, car vous en aurez besoin pour vos déclarations d’impôts futurs. Vous devrez également soumettre certains documents à l’ARC dans les délais (date limite : la date de soumission de votre prochaine déclaration d’impôt personnelle ou de la prochaine déclaration d’impôt de votre société, selon la première des deux éventualités). Assurez-vous de compléter ces formalités en temps opportun, car vous serez passible d’une amende en cas de retard.

9. Les clients et les fournisseurs

Une fois la constitution en société complétée, vous devez demander à vos clients et à vos fournisseurs de libeller dorénavant leurs factures à l’ordre de la nouvelle entité et de faire de même pour leurs paiements. Votre homme de loi vous remettra vos statuts constitutifs aussitôt que vous aurez enregistré votre entreprise. Apportez-les immédiatement à votre banque pour créer un compte d’affaires pour votre entreprise. Vos transactions commerciales devront, à partir de ce jour, être effectuées au nom seul de la nouvelle société.

Comme mentionné précédemment, une fois que vous aurez reçu votre numéro d’entreprise, vous devrez appeler l’ARC pour créer un compte de TVH et l’antidater pour faire correspondre son entrée en vigueur à la date de constitution de la corporation. C’est important, car vos crédits et prélèvements de TVH sont rattachés au numéro d’entreprise de la nouvelle société et non à celui de votre ancien partenariat. Lorsque vous serez en contact avec vos clients et vos fournisseurs, assurez-vous de leur communiquer le nouveau nom de votre entreprise ainsi votre nouveau numéro de TVH.

Cet article vous a donné un aperçu de quelques-uns des principaux facteurs qui doivent être pris en considération avant et après la constitution en société de capitaux d’une entreprise agricole. Si vous avez d’autres questions sur le sujet, veuillez contacter votre conseiller attitré auprès de Collins Barrow.

Tom Blonde, B. Sc. (Agr.), CPA, CA occupe le poste d’associé au bureau d’Elora de Collins Barrow. Il est conseiller en assurance, fiscalité et finance et s’est spécialisé dans le conseil aux entreprises indépendantes (gérées par leurs propriétaires) dans les secteurs agricole et manufacturier ainsi que l’industrie des métiers.

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