
La réforme fiscale américaine proposée par Trump et ce que cela signifie pour les Canadiens
L’annonce d’un plan de réforme fiscale par l’administration Trump a laissé les Canadiens inquiets quant aux répercussions de tels changements drastiques de la part de notre voisin et plus grand partenaire commercial. La réforme fiscale est l’une des principales priorités du président Trump, toutefois même avec une majorité républicaine tant à la Chambre qu’au Sénat, il est peu probable que la proposition passe dans sa forme actuelle. À ce stade-ci, la proposition ou le plan fiscal n’est qu’un plan, et les républicains auront probablement quelques compromis à faire de manière à obtenir la super majorité généralement exigée pour formuler une législation acceptable et pour qu’elle soit adoptée. Peu importe l’étendue de la réforme fiscale, il n’est pas question que les Canadiens soient touchés et nous devrions être préparés si et quand cela se produira. Approfondissant notre bulletin Flash fiscal publié récemment, considérons les répercussions fiscales potentielles suivantes.
Propositions de réformes fiscales pour les entreprises
Le Canada a maintenu un avantage fiscal concurrentiel pendant un certain temps, déclarant de faibles taux d’imposition pour les sociétés en comparaison de ceux de la plupart des pays, notamment les États-Unis (« É.-U. »). Les taux d’imposition fédéral et provincial combinés actuels du Canada sont approximativement de 15 % pour les entreprises admissibles à la déduction accordée aux petites entreprises et de 25 % pour la plupart des autres entreprises exploitées activement. L’administration Trump a proposé une réduction des taux d’imposition fédérale pour les entreprises de 35 % à 15 %. Ceci diffère du modèle de réforme fiscale des républicains de la Chambre des représentants de juin 2016 où un taux pour les entreprises de 20 % a été présenté. Néanmoins, un virage vers des taux d’imposition plus faibles aux É.-U. comparés à ceux du Canada remettra en question l’efficacité de certaines structures transfrontalières d’entreprise et de planification annuelle. Ce changement fournira un encouragement à transférer le revenu du Canada aux États-Unis. Les entreprises canadiennes devraient saisir l’occasion de revoir leur structure transfrontalière actuelle pour évaluer si elle demeure optimale. Par exemple, les entreprises canadiennes devraient envisager leur taux d’imposition transfrontalier combiné et le comparer à d’autres structures potentielles comme un scénario d’entreprise (bloqueur) ou de succursale (transfert). Dans certains cas, l’établissement d’une filiale américaine permettra de tirer profit de la faible imposition sur le revenu des É.-U. et les bénéfices pourraient être retransférés au Canada à titre de surplus exonéré. Le taux global d’imposition de cette structure pourrait être moindre que celui que les entreprises canadiennes paient actuellement.
Ce changement peut aussi entraîner un examen plus attentif des déclarations des opérations avec lien de dépendance pour les non-résidents et de la documentation sur les prix de transfert en vue d’éviter un déplacement de l’assiette fiscale canadienne.
Droit de succession et impôt sur les dons
Plus important, au sein du plan de réforme fiscale pour les particuliers, le président Trump a proposé d’éliminer les droits de succession aux É.-U. Il n’est pas clair si ceci signifie également éliminer l’impôt sur les dons ou l’impôt sur les transferts entre générations. Ceci est important pour les citoyens des
É.-U. qui résident au Canada ou pour les résidents canadiens qui détiennent des biens situés aux É.-U.
Actuellement, les particuliers peuvent transférer jusqu’à 5,49 M $US de patrimoine à la génération suivante en franchise d’impôt, que ce soit au moyen d’un don de leur vivant ou par l’entremise de leur succession. Tout bien supplémentaire transféré en excédent de ce qui précède est imposable au moment du transfert au taux maximal de 40 %. L’abrogation de ces « impôts de transfert » permettra aux citoyens des É.-U. vivant au Canada de tirer profit de certaines stratégies de planification fiscale auparavant irréalisables en raison de conséquences fiscales préjudiciables aux É.-U. Par exemple, les particuliers peuvent entreprendre un gel successoral traditionnel au Canada, qui gèle la valeur d’une société existante et permet à la croissance future de la société d’augmenter lors du passage à la génération suivante sans conséquences fiscales immédiates. Les conjoints peuvent également avoir plus de souplesse pour se transférer ou se donner des biens l’un à l’autre lorsqu’un conjoint est un citoyen des É.-U. et l’autre non. Ce ne sont que deux des nombreuses occasions de planification offertes dépendamment de la situation unique d’un particulier.
Il est possible que les É.-U. remplacent les droits de succession par un régime de disposition réputée similaire à celui du Canada. Aux taux d’imposition marginale les plus élevés, l’impôt sur le revenu sur les gains en capital au Canada est plus élevé que son équivalent aux É.-U. Dans ce cas, les citoyens des É.-U. demeurant au Canada pourraient payer un taux d’imposition canadien de 27 %, qui serait le plus élevé des deux pays, plutôt que le taux de succession ou de dons de 40 % en vertu des règles américaines actuelles.
Les droits de succession des É.-U. ont été précédemment abrogés en 2010 dans le cadre de la 2001 Economic Growth and Tax Relief Reconciliation Act, mais cette baisse d’impôt a connu son « crépuscule » en 2011 et les droits de succession ont été rétablis. La législation existante interdit que les baisses d’impôt accroissent les déficits à long terme (typiquement 10 ans) et par conséquent il n’est pas inhabituel que les baisses d’impôt soient assorties d’une date d’expiration ou d’une clause crépusculaire. La réforme fiscale de Trump peut avoir ou ne pas avoir une clause crépusculaire, mais ceci ouvre la voie à un nombre important d’occasions de planification fiscale, même si ce n’est que pour une courte période.
Autres propositions de réforme fiscale des particuliers
Les républicains ont aussi proposé de simplifier l’impôt sur le revenu des particuliers, réduisant le taux fédéral applicable à la fourchette supérieure de 39 % à 35 %, supprimant l’impôt minimum de remplacement (« IMR ») et l’impôt sur l’investissement net, éliminant la plupart des déductions détaillées et doublant les déductions standards. Les navetteurs et les citoyens des É.-U. demeurant au Canada paient effectivement de l’impôt des É.-U. sur le revenu de source américaine et de l’impôt canadien sur le revenu de source canadienne après l’application de leurs crédits pour impôt étranger respectifs en vertu de la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis. Une diminution des taux d’imposition des É.-U. ne touchera probablement pas l’impôt global payé par ces particuliers puisqu’ils paieront généralement les taux fiscaux les plus élevés du Canada. Cependant, une diminution des taux d’imposition des É.-U. procurera moins de crédits pour impôt étranger et par conséquent plus du paiement total d’impôt qui sera versé au Canada. Ceci pourrait entraîner des montants plus élevés dus au moment de l’impôt et par conséquent, les particuliers devraient planifier cette sortie de fonds supplémentaire. Cette abrogation de l’IMR entraînera de véritables économies fiscales pour les citoyens des É.-U. vivant à l’étranger qui paient cet impôt minimum.
Ajustement fiscal à la frontière
Il y a eu des discussions importantes au sujet de la mise en place d’un ajustement fiscal à la frontière (border adjustment tax (BAT)) aux É.-U. L’objectif du BAT consiste à décourager les entreprises à déplacer leur production outremer en taxant les sociétés en fonction de l’endroit où les biens sont vendus plutôt qu’en fonction de là où ils sont produits, renversant l’environnement fiscal actuel.
En résumé, les entreprises, américaines à l’intérieur comme à l’étranger, devraient être imposées de la manière suivante :
- les ventes à des clients des É.-U. sont imposables;
- les ventes à des clients étrangers ne sont pas imposables; et
- le coût des produits importés ne sera pas déductible.
Comparaison entre le système fiscal actuel et le système BAT :
Données financières du contribuable |
Système fiscal actuel |
Système BAT |
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Revenu des ventes intérieures |
800 000 $ |
800 000 $ |
||||
Revenu des ventes à l’étranger |
200 000 $ |
|
|
|||
Revenu brut |
1 000 000 $ |
1 000 000 $ |
800 000 $ |
|||
Coût des ventes – intérieures |
200 000 $ |
200 000 $ |
||||
Coût des ventes – importées |
400 000 $ |
|||||
Autres dépenses |
200 000 $ |
|
200 000 $ |
|||
Total des dépenses |
800 000 $ |
800 000 $ |
400 000 $ |
|||
Revenu net avant impôts |
200 000 $ |
200 000 $ |
400 000 $ |
|||
Taux d’imposition |
35 % |
15 % |
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Impôt payé |
70 000 $ |
60 000 $ |
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Revenu après impôt
|
130 000 $ |
340 000 $ |
||||
Soixante-quinze pour cent des exportations du Canada vont aux É.-U. Un système BAT procurerait un encouragement clair aux entreprises des É.-U. de diminuer l’importation de produits à partir du Canada. Cependant, ce type de système fiscal exigerait une refonte complète du code des impôts des
É.-U., du système international courant à un système territorial. D’autres conséquences économiques comme l’effet sur la valeur de la monnaie et du commerce soulèvent également des inquiétudes. Les règles de l’Organisation mondiale du commerce ne permettent pas ce type d’impôt sur le revenu basé sur la consommation. Par conséquent, cette proposition sera probablement contestée de ce point de vue. Pour cette raison, il semble peu probable que ce changement soit mis sur pied dans un proche avenir.
Conclusion
La proposition de réforme fiscale de Trump est encore très embryonnaire. Devant l’incertitude de l’environnement fiscal actuel des É.-U. et l’amplitude des changements proposés, il est important d’être préparé pour le moment où ces changements se produiront et d’envisager de la souplesse et de la facilité de changement, si vous êtes actuellement en phase de mise en œuvre de stratégies de planification fiscale.