
Votre cabinet est probablement un cabinet « à départs ». Transformez-le en un cabinet « où l’on reste »
Le marché de l’emploi est en pleine effervescence en ce moment, du côté des avocats adjoints. On entend par exemple parler de départs records et de primes à la signature versées à des avocats adjoints et des auxiliaires judiciaires de deuxième année. Au lieu de vous contenter à chaque fois de combler les vides laissés dans votre cabinet juridique par des départs, pensez plutôt aux mesures qui aideront vos avocats adjoints à faire de celui‑ci un cabinet « où l’on reste » (Stay firm) au lieu d’un cabinet « à départs » (Go firm).
Un rapport récent de Thomson Reuters a fait ressortir les différences remarquées sous ce chapitre dans les entreprises de moyenne et de grande envergure, du point de vue des taux de roulement (turnover rates) :
Les cabinets « où l’on reste » avaient un roulement annuel relativement faible en 2021 du côté des avocats adjoints. Les cabinets « à départs » avaient, quant à eux, des taux de roulement aussi élevés que 23 % sous ce chapitre. D’autres données surprenantes ont aussi été communiquées par l’étude Thomson :
- En moyenne, les avocats adjoints des cabinets « où l’on reste » ont facturé chaque année 51 heures de plus (1 527 heures) que ceux des cabinets « à départs » (1 476 heures) ;
- Les barèmes de rémunération ont augmenté plus lentement (près de 2 % de moins) dans les cabinets « où l’on reste » que dans l’autre type de cabinet.
Il semblerait donc que les avocats adjoints des cabinets « où l’on reste » ne restent pas parce qu’ils sont en train de gagner plus ou de travailler moins. Alors, qu’est‑ce qui les pousse vraiment à planter racine dans ces lieux ?
Cinq stratégies de rétention propices à la création d’un cabinet où l’on reste
Pas besoin de colle ou de poudre magique ! Les avocats adjoints restent lorsque la culture d’entreprise est attachante et des stratégies de rétention spécifiques sont utilisées. Pour pouvoir employer ces stratégies dans votre cabinet, vous aurez besoin de l’appui de vos associés et d’un service de développement professionnel robuste :
- Assurez‑vous que chaque avocat adjoint est encadré par au moins un associé. Certains cabinets désignent eux‑mêmes les mentors, mais c’est mieux d’encourager les avocats adjoints à se trouver des mentors « naturels » – en d’autres mots, des associés qui se glisseront facilement dans ce rôle et travailleront régulièrement avec eux. Si un avocat adjoint n’a toujours pas trouvé de mentor après six à huit mois, l’équipe de développement professionnel interviendra alors et lui en assignera un.
- Développez les compétences nécessaires à la fourniture de rétroactions dans vos associés et vos adjoints superviseurs et créez des boucles de rétroaction ascendantes (allant de l’employé au superviseur) et descendantes (allant du superviseur à l’employé). Les cabinets d’avocats sont en fait très peu nombreux à posséder une « culture de rétroaction » – une culture où les employés ayant moins d’ancienneté se sentent libres de fournir des commentaires à la direction et où les avocats plus anciens savent fournir des commentaires constructifs. À une époque où les avocats adjoints sont régulièrement appelés par des recruteurs, il peut donc suffire d’une ou deux séances de rétroaction mal gérées (ou d’une absence totale de rétroaction) pour les faire partir. Il est certes vrai que les avocats sont peu doués dans ce domaine, mais si vous fournissez la formation professionnelle nécessaire aux vôtres, vous arriverez à établir cette culture au sein de votre cabinet.
- Instaurez un système de supervision relatif à l’attribution des tâches et des charges de travail dans chaque groupe de pratique afin de permettre aux chefs de groupe chargés de l’examen des tendances dans ce domaine de déterminer si certains avocats adjoints sont en train de recevoir un traitement de faveur (et seront bientôt surchargés à la suite de cela). Les avocats adjoints ont généralement beaucoup de mal à dire non aux associés, mais si vous établissez un système d’attribution des tâches centralisé et supervisé par un partenaire, ils seront en mesure de le faire. L’équipe de développement professionnel peut aussi aider à répartir équitablement les tâches entre eux et à assigner des tâches stimulantes à ceux qui sont en train d’éprouver des difficultés à s’épanouir.
La pertinence de ces trois stratégies est appuyée par des enquêtes conduites par AmLaw Mid‑levels. La société a par exemple demandé à des avocats adjoints situés au milieu de l’échelon s’ils seraient toujours là dans les deux ans suivant l’enquête. Ceux qui ont répondu par l’affirmative étaient probablement d’avis que leurs cabinets étaient des cabinets où l’on reste. Lorsque les enquêteurs ont croisé ces réponses à celles fournies pour les autres questions, ils ont découvert que ces adjoints comptaient principalement rester pour ces raisons :
- Ils avaient établi des relations de travail robustes avec certains associés ;
- Ils recevaient régulièrement des commentaires constructifs de la part de leurs superviseurs ; et
- Ils se voyaient attribuer des tâches stimulantes.
- Personnalisez vos méthodes de supervision. Les adjoints en développement sont toujours à la recherche de plus d’autonomie. Ils veulent que l’on ait confiance dans leur capacité à fournir un travail bien fait et dans les temps. Mais le souci continu de fournir un bon service aux clients et une mauvaise expérience avec un certain adjoint dans le passé peuvent parfois pousser un superviseur à microgérer tout le monde. Pour personnaliser la supervision de vos avocats adjoints de la bonne manière, commencez par leur demander : « Qu’attendez‑vous de moi en tant que votre superviseur ? ».
J’ai discuté plus longuement de cette approche dans un article publié précédemment par Edge et intitulé Tailored Talent Supervision (« Comment personnaliser la supervision de votre personnel »).
- Organisez chaque trimestre des entrevues de fidélisation consacrées au développement des carrières et à l’exposition des possibilités d’avancement. Demandez aux responsables de vos groupes de pratique de les organiser et d’assigner à peu près le même nombre d’adjoints (dans ce cadre particulier) aux associés et aux avocats qui en seront chargés. Je suggère que ces entrevues soient conduites chaque trimestre en 2022 parce que vous devez supposer que vos concurrents sont en train de faire des entretiens d’embauche chaque semaine.
Le service de développement professionnel ou de recrutement peut, quant à lui, aider à concocter un « scénario de rétention » – caractérisé notamment par l’évaluation annuelle de l’avocat adjoint (au début de la rencontre) et des discussions visant à faire ressortir les occasions offertes par le cabinet en matière de développement professionnel (connaissances et compétences comprises). Les choses seront plus faciles aussi si la voie menant au partenariat a été clairement définie. En dernier lieu, les associés doivent parler (avec les adjoints) des moyens de créer un équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée (soixante pour cent des adjoints interrogés dans l’enquête susmentionnée ont songé à un moment donné à quitter leur cabinet pour trouver un meilleur équilibre dans ce domaine).
Ces cinq stratégies nécessiteront un haut degré de communication et des efforts de la part des associés. Un soutien ferme devra aussi être apporté sur le plan organisationnel et celui de la formation.
Si vous étiez un cabinet « à départs » et étiez appelé à investir du temps et de l’argent pour combler les vides laissés par le départ de vos avocats adjoints (par le recrutement notamment de remplaçants et la formation de ces derniers), auriez‑vous eu moins à dépenser ?
M. David Cruickshank occupe le poste de directeur non associé (principal) auprès d’Edge et fournit des conseils aux entreprises sur des stratégies de croissance et des programmes d’intégration horizontale. En plus d’être avocat et de détenir une maîtrise de la faculté de droit de Harvard (Harvard Law School) et un baccalauréat en droit de l’Université Western Ontario, il est aussi un médiateur qualifié. Il a aussi donné des cours dans ce domaine au Straus Institute for Dispute Resolution, qui fait partie du Pepperdine Law School. M. Cruickshank fournit fréquemment de la formation à des associés et des avocats adjoints sur des compétences de gestion comme la délégation, la rétroaction, la gestion ascendante et l’avancement professionnel. Ses cours interactifs sont maintenant en ligne.
Cet article est apparu sur le « portail des connaissances » (Edge Knowledge Base) d’Edge International le 15 février 2022.