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Le cabinet juridique international

12 mai 2022

Je vais vous demander de vous concentrer un moment et de faire un retour un arrière. Essayez de vous rappeler à quoi ressemblait la vie « avant ». Vous souvenez-vous… de ces allers-retours quotidiens entre la maison et le travail ?

Il y a très longtemps, avant l’arrivée de la pandémie, nous étions nombreux à quitter la maison tôt le matin pour nous rendre dans nos espaces de travail communs. Et une fois les travaux de la journée terminés, nous quittions ces lieux pour rentrer à la maison. Nous le faisions parce que… eh bien… parce que c’était ainsi que les choses s’étaient toujours déroulées. Nous faisions ces va-et-vient entre nos lieux de travail et nos lieux d’habitation parce que nous avions accepté cette croyance tacite du patronat : que rien ne pourrait être fait si tout le monde n’était pas présent au même endroit. 

Une vraie partie de plaisir ? Non, pas vraiment…

L’approche était pertinente à l’époque où l’on fabriquait des chaudières de locomotives dans des usines et où l’on montait des voitures sur des chaînes de montage, car il fallait l’effort conjugué de beaucoup de personnes pour faire tourner les vilebrequins massifs utilisés dans ces endroits ou installer une à une les pièces d’une voiture. Et si « Jacques » et « Henri » ne se présentaient pas au travail, les autres étaient incapables de faire bouger le vilebrequin ou de souder convenablement les ailes et d’autres pièces sur ces voitures. Le travail ne pouvait ainsi être accompli sans la contribution de tout un chacun.

La présence physique de la main-d’œuvre est toujours nécessaire aujourd’hui dans le secteur des services (qu’il s’agisse de servir des cafés lattes, de changer des pansements ou de réparer des fuites dans des tuyaux), même si notre économie est en train de s’éloigner de plus en plus du monde de la fabrication et de se fonder plus en plus sur le savoir. Mais pendant que les gens échangeaient inexorablement leurs « cols bleus » contre des « cols blancs » et passaient de travaux de groupe à des travaux individuels, nous avons oublié de repenser le monde du travail. Nous avons, en fait, inconsciemment transposé le modèle créé par le secteur industriel dans nos bureaux. Et nous avons continué à faire le va-et-vient entre nos maisons et des espaces de travail communs, même s’il n’était plus nécessaire d’être à proximité de nos collègues dans de nombreux cas.

Était-il parfois utile de demander à un collègue de jeter un coup d’œil sur un texte publicitaire que l’on venait de rédiger ou de conseiller un autre sur la clôture d’une vente ? Bien entendu ! Mais c’étaient des exceptions ; la plupart du temps, nous étions cloîtrés dans nos bureaux personnels (de nos jours, dans nos cubicules) et travaillons seuls. Le travail était malgré tout compris comme quelque chose que tout le monde devait venir faire, que la présence physique de tous était ou non requise.

Il a fallu des confinements incessants pendant deux ans (la pandémie !) pour nous débarrasser de cette habitude torpide de nous rassembler dans des espaces communs pour… travailler seuls. Un professeur de Stanford a de surcroît estimé que les travailleurs américains passeront un quart de leur vie professionnelle à la maison au cours de la prochaine décennie : « les gens ne passeront plus jamais le même nombre de jours au bureau qu’avant la pandémie — plus jamais ! ». Cette évolution aura des retombées évidentes sur la gestion des espaces de bureau dans les entreprises, le bien-être des employés et même le changement climatique. Mais le « point zéro » de cette évolution sera le lieu de travail lui-même ; attendez-vous donc à des retombées extraordinaires rien que dans ce secteur.

Un rêve enfin réalisé ?

Nous sommes en fait en train de passer d’espaces de travail « habituels » à des espaces de travail « intentionnels » dans notre société. Au lieu de venir au bureau pour le simple fait de l’avoir toujours fait, les travailleurs ne viendront dorénavant que s’il y a raison de le faire. S’il n’y en a pas, ils ne le feront pas. Le même changement est sur le point de se produire dans les cabinets d’avocats aussi, que ces derniers le réalisent ou non.

Vous trouverez une comparaison utile de ces deux approches dans un article publié par Law360 :

Comme de nombreuses entreprises, le cabinet Lowenstein Sandler exigera notamment que ses employés viennent au bureau trois fois par semaine. L’associé directeur de l’entreprise a expliqué le bien-fondé de cette nouvelle politique comme suit : « Nous devons renforcer les liens qui nous unissent, parce que c’est important pour nos employés, nos clients et notre entreprise. Et nous y arriverons le mieux si nous travaillons régulièrement dans le même endroit ». La politique a bien entendu été avancée dans le seul but de promouvoir le modèle professionnel préféré de l’entreprise et de rétablir « l’ordre des choses » — pas plus. Avant que les gens n’arrêtent de se rendre physiquement au travail, les cabinets d’avocats désireux de « renforcer les liens unissant leurs membres » ne représentaient même pas un pour cent de l’industrie. 

Nous retrouvons d’un autre côté le cabinet Alston & Bird, qui n’exigera pas que ses employés viennent au bureau tous les jours. M. Sullivan, l’associé directeur de la société a fait des observations judicieuses à ce sujet :

« Convaincre les avocats de revenir au bureau parce que ce sera utile à leurs carrières et leurs clients et non parce que l’entreprise l’exige nécessitera de l’ingénuosité de la part des cabinets juridiques.

Au lieu d’attendre que les protocoles reviennent à l’état où ils étaient avant la pandémie, les cabinets devraient plutôt développer des structures qui fourniront des raisons convaincantes aux gens de venir — comme des séances d’encadrement présentielles pour les avocats plus jeunes, des séances de remue-méninges ou des séminaires maison liés à la formation.

Nous ne vous forcerons pas à venir au bureau tous les jours. Et si vous le faites, nous ferons de sorte que ça vaille la peine pour vous — afin que vous soyez convaincu de l’utilité de venir et ne vous disiez pas : « C’est embêtant ! Je suis venu parce que c’était ce qu’on voulait, mais j’aurais pu tout autant faire ce travail à la maison ! »

Ces observations sont extrêmement importantes pour deux raisons. D’une part, les dirigeants et les associés principaux des cabinets d’avocats ne font jamais les choses par pur altruisme. Ils découvrent soudain un moyen de faire augmenter leurs profits, leur statut, leur pouvoir et leur confort ? Les voilà qui s’exclament : « Eh bien qu’attendons-nous pour employer ce moyen, et continuellement, en plus de ça ? ». Alston & Bird est en train de promouvoir une chose rarissime parmi les cabinets d’avocats — une approche centrée sur les employés et sur ces questions : « Je me demande ce qui compte vraiment pour nos employés ? Qu’est-ce qui leur tient à cœur ? Soyons (aussi) attentifs à cela ! ». Ce degré d’empathie pour le personnel constitue en soi une dérogation stupéfiante — et merveilleusement « dangereuse » — aux normes de l’industrie.  

Ces remarques sont importantes en raison aussi du fait qu’elles représentent une vue entièrement nouvelle des choses : que le cabinet d’avocats devrait vous donner une bonne raison de quitter votre maison douillette pour venir au bureau.

La norme est ainsi passée de « Si rien ne vous empêche de venir au bureau, faites-le ! » à « Travaillez de la maison si ce ne sera pas plus profitable de venir au bureau » dans ce cabinet. La nouvelle approche part aussi du principe que le cabinet devrait fournir de bonnes raisons à l’employé de venir, en lui proposant par exemple des incitatifs ou en souscrivant à des principes qui seront, d’une façon ou d’une autre, profitables à ce dernier. Si l’entreprise doit ordonner à ses employés de venir au bureau, cela voudra vraisemblablement dire — et à juste titre — que le lieu n’ajoute rien à la vie professionnelle de ces gens et qu’il les répugne même (un problème que l’entreprise aurait intérêt à résoudre, le cas échéant).

Les sessions d’encadrement structurées et présentiels, les réunions de remue-méninges et les séminaires de formation sont tous d’excellentes raisons d’enfiler ses vêtements de travail et faire le trajet. Il en va de même pour les réunions collaboratives soigneusement planifiées et gérées, et régies par des objectifs et des délais spécifiques (des réunions qui ne pourraient notamment être remplacées par des échanges de courriels ou des appels Zoom), les séances d’avancement de carrière personnalisées et animées par les cadres affectés au perfectionnement professionnel et les associés principaux. Et c’est aussi vrai pour les réunions stratégiques tenues avec les clients et les rondes de négociation effectuées avec les avocats adverses (où rien ne fera mieux avancer les choses qu’un face à face).

Vraiment ?

N’oublions pas non plus les espaces sociaux où les gens peuvent traîner sur les canapés, décompresser pendant un moment, saluer des collègues et des amis, partager un café ou même discuter de l’épisode d’un feuilleton diffusé la nuit précédente. La dimension sociale du bureau est celle qui a vraiment manqué à la plupart des travailleurs à domicile — la chance de pouvoir tisser des liens avec les autres. En raison de la fameuse « règle des six minutes » (ce « chef de corvée » invisible qui a toujours l’air de tapoter impatiemment sa montre dans l’esprit des gens), il n’est pas rare cependant que les employés se sentent jugés et surveillés lors d’interactions sociales anodines. Les bons cabinets n’ont par contre aucune difficulté à laisser leurs employés (qui sont tout compte fait des êtres de chair et de sang) avoir des rapports pour le simple fait d’avoir des rapports.

Les cabinets d’avocats peuvent utiliser plus d’un moyen pour transformer leurs bureaux en des lieux que les gens veulent fréquenter, à condition que ces moyens soient guidés par le même esprit : fournir une raison aux gens de venir au travail.

Au lieu de venir au bureau parce que tout le monde (vous y compris) l’a toujours fait, ne vous déplacez que si :

  • Vous avez un objectif à atteindre ;
  • La démarche vous sera avantageuse ;
  • Vous avez un travail d’équipe à effectuer ou
  • Vous devez besoin d’utiliser une ressource particulière.

Le bureau doit avant tout être utilisé pour des rencontres professionnelles, un « habitat » qui rend les choses meilleures.

Voici donc trois questions que vos collègues et vous devriez vous poser :

  1. Que devrait faire votre entreprise pour faire de votre bureau un espace de travail intentionnel et un endroit enrichissant ?
  2. Pour le savoir, à qui devriez-vous vous adresser ?
  3. Quand pouvez-vous commencer ?

Les réponses une fois trouvées, passez à l’action.

 

M. Jordan Furlong est un conférencier et un auteur. Il effectue aussi des analyses sur le secteur judiciaire dans le but de prévoir l’impact des changements rencontrés dans le marché sur les avocats et les cabinets d’avocats. Il a fait des dizaines d’exposés aux États-Unis, au Canada, en Europe et en Australie devant des cabinets d’avocats, des barreaux d’État, des cours de justice et des associations juridiques. Il est aussi l’auteur de Law is a Buyer’s Market : Building à Client-First Law Firm (« La loi est un marché d’acheteurs : création de cabinets d’avocats axées sur le client »). M. Furlong écrit régulièrement des articles sur l’évolution du marché juridique sur son site Web (law21.ca). Cet article est apparu le 29 mars 2022 sur son blogue.

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