Lawyers Alert

Optimiser son cabinet juridique pour la confiance

27 avr. 2017

Le journalisme, mon ancienne profession, subit deux crises liées entre elles du même coup. L'une d'elles, qui se déroule dans votre cycle de nouvelle actuel, consiste en la façon dont les journalistes devraient analyser et présenter des informations importantes au public à un moment où des termes nuisibles comme « fausses nouvelles » et « postfactuels » circulent largement. Le défi est de taille pour le journalisme et sa capacité à résoudre cette crise.

L'autre crise, qui sera un peu plus familière aux avocats ces temps-ci, concerne la manière dont les organisations de nouvelles peuvent demeurer à flot alors que les plateformes traditionnelles et les modèles d'affaires qui soutenaient autrefois le journalisme tombent en désuétude, et qu'il n'y a pas de remplacement évident en vue.

Jay Rosen, un professeur de journalisme de l'Université de New York qui s'intéresse à ces deux crises, a assisté à une conférence de Newsgeist en décembre et tweeté cette observation qui porte à réfléchir émise par le conférencier Aron Pilhofer, l'ancien rédacteur exécutif numérique pour le journal The Guardian :

Par « confiance », Rosen se réfère à la crédibilité d'une organisation de nouvelles auprès des lecteurs, le degré selon lequel les lecteurs ont confiance en la rectitude et la bonne foi de l'entreprise. Parmi les suggestions offertes en réponse au tweet figurent : le fait de classifier ses sources, de ralentir la cadence avant la publication, de penser selon la perspective du lecteur, de diversifier son personnel, d'utiliser plus de citations, de « montrer son travail » et, bien sûr, de développer des outils de mesure pour quantifier sa fiabilité.

Le message sous-jacent à la question de Rosen reste toutefois que la plupart des entreprises de nouvelles ne sont pas actuellement optimisées pour susciter la confiance de leurs utilisateurs. Elles le sont pour la vitesse (devancer tout le monde sur une nouvelle), pour l'attention (accroitre les cotes d'écoute et les dollars publicitaires) et pour les intérêts personnels des journalistes (les primeurs, la gloire, l'ambition, l'accès aux couloirs du pouvoir). Il devrait être évident que ces intérêts ne doivent pas se superposer à ceux des clients de la société médiatique, pas plus qu'aux intérêts du grand public que le journalisme a toujours servis.

De ce fait, j'aimerais poser une question similaire relative au marché juridique : à quoi ressemblerait un cabinet juridique s'il était optimisé pour la confiance? Autrement dit, si une telle entreprise réordonnait ses priorités et procédait à une réingénierie de ces procédés afin que ses activités soient orientées vers l'accroissement du degré de confiance totale et implicite de ses clients envers ce cabinet, à quoi ressemblerait-il?

Il y a évidemment un message sous-jacent à cette question, aussi : la plupart des cabinets juridiques ne sont pas actuellement optimisés pour la confiance. Je pense personnellement que c'est une évidence en soi. La plupart d'entre eux, selon mon expérience, sont optimisés pour les résultats suivants :

  1. La génération de revenus
  2. La profitabilité des titres de propriété
  3. Le prestige de l'avocat

De ce fait, les meilleures pratiques commerciales, l'infrastructure opérationnelle et la culture de tous les jours du cabinet sont toutes axées sur l'optimisation du montant d'argent que le cabinet rapporte, sur la quantité de profit que cet argent génère pour les associés propriétaires et, de manière plus indirecte, sur la gratification personnelle que les avocats ressentent en étant associés au cabinet. Plus loin dans la liste, mais loin d'être sans pertinence, figurent également la commodité pour les avocats, leur aversion du risque et la stabilité du cabinet. Ce sont les intérêts autour desquels les cabinets juridiques sont structurés pour avancer ainsi que les résultats qu'ils sont censés produire, si bien qu'historiquement, ils ont fait un boulot fabuleux en ce sens.

La raison pour laquelle je peux dire qu'il s'agit des intérêts et des résultats envers lesquels les cabinets juridiques sont optimisés est simple : ce sont les seules données qu'ils mesurent et surveillent. Ils se soucient profondément du nombre d'heures facturables que leurs avocats génèrent, du niveau de profitabilité de leurs associés (relativement à d'autres cabinets et aux résultats de l'année précédente) et du positionnement que leurs avocats et que les cabinets atteignent dans diverses industries et cercles de pouvoir. Ce sont pratiquement les seules cibles de performance pour lesquelles les cabinets développent et surveillent des éléments de mesure, et pour lesquelles il y aura des conséquences en cas d'échec à les atteindre.

Les cabinets juridiques n'ont pas tendance à mesurer la satisfaction du client. Beaucoup ne daignent même pas, selon la norme, à mesurer le degré d'atteinte des objectifs visés par les clients qui les ont embauchés. Les avocats diront qu'il s'agit là des véritables objectifs du cabinet et ils seront sincères. Mais, il est difficile pour moi de croire qu'une notion constitue l'objectif d'une entreprise lorsque celle-ci ne se donne pas la peine de la mesurer, de même que quand la culture et les mesures incitatives de cette organisation visent à optimiser la réalisation d'autres revenus.

La plupart des objectifs et priorités mentionnées ci-dessus ne sont même pas dirigés vers l'entreprise elle-même, mais vers ses avocats. Comme je l'explore plus en détail dans mon livre, Law Is A Buyer’s Market (Le droit est un marché d'acheteur), cela s'inscrit dans le cadre d'une longue bataille entre le cabinet juridique et ses avocats individuels pour le commandement de l'entreprise, une guerre qui ne semble pas tourner en faveur des avocats.

C'était là le message sous-jacent, mais que dire du texte lui-même? À quoi ressemblerait un cabinet juridique si, au lieu de s'optimiser pour promouvoir la position financière et l'estime de soi de ses avocats, il s'arrangeait pour à maximiser la quantité de confiance que ses clients sont disposés à investir en lui? Voici quelques suggestions d'étapes à suivre par un tel cabinet :

  1. Surveiller les résultats de manière transparente – Un cabinet juridique créerait une feuille de route pour chacune des causes pour lesquelles les clients ont employé le cabinet, accompagnée d'une liste des requêtes du client, de ce que l'entreprise a promis de faire, de ce qu'elle a livré et d'une évaluation par le client de son niveau de satisfaction avec le résultat en termes de rendement, de budget, d'échéancier et de réactivité. Ces feuilles de route seraient affichées sur un site en ligne sécurisé accessible par le client en tout temps. Rien ne compte plus pour le client que le résultat de la provision; un cabinet optimisé sur la confiance fournirait au client un accès total et une pleine capacité pour évaluer ces résultats.
     
  2. Établir une tarification fiable de ses services – Le fait de négocier un prix ou une échelle de prix prévisible pour des services juridiques requiert des conversations prolongées à propos des objectifs du client, de l'importance de la tâche que représentent ces objectifs, ainsi que de la valeur du résultat; tout cela exige une confiance accrue. Qui plus est, un cabinet qui garantit un prix s'expose à une perte – mais la volonté de prendre ce risque impressionnera la clientèle et lui montrera que l'entreprise est pleinement engagée dans cette relation. Le fait d'avoir recours aux heures facturables produira le contraire de ces résultats.
     
  3. Améliorer constamment l'expérience de ses clients – La manière dont un cabinet juridique interagit avec ses clients est presque aussi important pour ceux-ci que la qualité et l'efficacité du résultat obtenu par ledit cabinet. Une entreprise qui se soucierait de son « expérience client », en mesurant son efficacité et en tâchant de fournir chaque fois une meilleure expérience, redirigerait des ressources pour surveiller sa performance à cette enseigne client par client. Chaque fois, le client obtiendrait la preuve directe que le cabinet est digne de confiance pour ce qui est de faire passer les intérêts du client avant les siens. Ce n'est pas un sentiment universellement partagé parmi les clients de cabinets juridiques en ce moment.
     
  4. Présenter ouvertement son contrôle de qualité – Les clients se fient à un cabinet juridique pour beaucoup de raisons, mais par-dessus tout, ils ont confiance que l'entreprise est très bonne dans ce qu'elle fait. Le fait de dominer les sondages de l'industrie peut contribuer à stimuler la confiance du client à cet égard. Mais, ce qui ferait le plus avancer les choses serait un système de contrôle de qualité transparent qui montrerait au client comment le cabinet prend soin de son personnel, le forme pour atteindre les plus hauts niveaux de compétence, développe et met en œuvre des procédés pour réduire les erreurs et amplifier l'efficacité et vérifie deux fois tout le produit du travail ainsi que les recommandations de l'avocat. Vous auriez profondément confiance en un cabinet qui prendrait ces mesures. Il en va de même pour vos clients.

Le fait est que vous pouvez optimiser votre cabinet juridique pour autant de résultats et de priorités que vous le souhaitez. Cel dit, simplement parce que le cabinet traditionnel s'est optimisé depuis longtemps envers le bien-être financier de ses avocats, cela ne veut pas dire que c'est la seule façon d'aborder la situation. Qu'est-ce que votre entreprise commencerait à faire si elle décidait, demain, de s'optimiser afin de maximiser la confiance qu'elle inspire aux clients? Qu'est-ce que votre cabinet cesserait de faire demain pour obtenir des résultats qui vont dans ce sens? Le temps est venu de tendre la main à vos clients et de les inviter à vous rejoindre afin de répondre à ces questions.

Jordan Furlong est un conférencier, un auteur et un analyste du marché juridique qui prédit les répercussions des conditions changeantes du marché sur les avocats et les cabinets juridiques. Il a donné des douzaines de présentations aux É.-U., au Canada, en Europe et en Australie dans des cabinets juridiques, des barreaux nationaux, des tribunaux et dans des associations. Il a écrit, plus récemment, Law is a Buyer’s Market: Building a Client-First Law Firm, et il écrit régulièrement à propos du marché juridique en plein changement sur sont site Web, law21.ca.

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