
Planification de la relève d’un cabinet juridique : maintenir les revenus du cabinet tout en transférant le savoir
On y a fait allusion comme le « cochon dans le python » – une représentation imagée de la génération du baby-boom au Canada qui a traversé le temps et approche maintenant l’âge de la retraite. Les cabinets juridiques qui gèrent bien cette vague démographique démesurée peuvent se positionner d’emblée pour maintenir leur flux de revenus, pour transmettre le savoir et les relations et préserver l’intérêt des associés. Les cabinets qui ne prennent pas de mesures risquent des pertes de revenus et d’équité quand des associés partent vers d’autres cabinets ou pour la retraite, provoquant pour ces cabinets une perte des relations de l’associé.
Rhonda Klosler, directrice de l’exploitation chez Collins Barrow Toronto, note : « Un bon plan de relève est aussi précieux pour attirer et retenir les talents les plus prometteurs. Les bons éléments viendront et grandiront au sein du cabinet s’ils comprennent que celui-ci prend l’engagement de transférer la propriété à la prochaine génération. »
Avec des années d’expérience en conseils à des cabinets juridiques, Collins Barrow Toronto a mené récemment une enquête qui révèle que la relève est une priorité essentielle des cabinets juridiques. L’enquête indique que 79 % des associés actionnaires des cabinets juridiques sont âgés de 50 à 65 ans. Les chiffres de l’Association du Barreau canadien brossent un portrait similaire, montrant qu’un nombre important d’avocats en exercice sont à l’âge de la retraite ou envisagent une réduction progressive de leurs activités. La profondeur du changement se fera sentir davantage dans les cabinets juridiques où les baby-boomers ont grandement contribué à l’établissement, la croissance, la gestion et la direction.
Mais ce qui est peut-être encore plus important pour les cabinets juridiques, c’est l’évaluation indiquant que ces associés plus âgés contrôlent au moins un quart des revenus totaux du cabinet. Sans mesures prises pour transférer ces relations de clientèle à la prochaine génération, l’avenir d’un cabinet risque d’être compromis. Malgré l’inévitable cheminement vers la retraite pour cette catégorie essentielle d’avocats âgés, de nombreux cabinets n’ont pas en place un processus formel de planification de la relève. Sans transition planifiée systématiquement, le cabinet perdra des revenus, des relations précieuses et un ensemble de talents et de savoir lorsque ces personnes partiront ou prendront leur retraite.
Hasan Khorasanee, un cadre supérieur du Groupe des services professionnels de la CIBC a noté : « La relève est une question essentielle à laquelle font face les cabinets juridiques canadiens. Le développement des affaires, l’expérience légale et les lacunes en matière de direction sont des problèmes auxquels nos clients disent être confrontés et que tous les cabinets devraient prévoir. »
Qu’est-ce qui nuit à la planification fiscale des cabinets juridiques?
L’une des principales difficultés des cabinets juridiques concernant les questions de relève est structurelle : les relations avec les clients sont considérées comme étant celles de chacun des associés du cabinet plutôt que celles du cabinet dans son ensemble. Même si cela aide à assurer aux clients que leur principal associé contact est bien informé des problèmes, cet état de fait comporte des inconvénients importants du point de vue du cabinet.
Si l’associé part pour un autre cabinet ou prend sa retraite, il peut être difficile pour le cabinet de retenir le flot de travail venant de ce client. De plus, l’associé n’a pas grand incitatif pour soutenir une relève en douceur à l’approche de la retraite. Le revenu de retraite de l’associé, s’il en est un, est généralement basé sur ses quelques dernières années de facturation, il n’y a donc aucun incitatif à transmettre les heures facturables à un associé successeur. Également, les associés peuvent vouloir protéger leur importance au sein du cabinet en restant indispensables à l’égard de la relation avec le client.
Il y a des points de vue divergents parmi les cabinets au sujet de l’inclusion de clauses d’âge de retraite obligatoire dans les ententes d’association. Des critiques ont noté que l’absence d’un âge de retraite obligatoire complique souvent le processus de planification de la relève.
Souvent, les cadres supérieurs eux-mêmes ne considèrent pas la planification de la relève comme une priorité, créant ainsi une autre barrière à la mise en œuvre de processus efficaces. Mais ce qui pousse la question de planification de la relève à devenir prédominante est la situation de « cochon dans le python » – le nombre d’associés que l’on s’attend à voir prendre la sortie dans les quelques prochaines années.
Bâtir une culture qui soutient la planification de la relève
La planification de la relève n’est pas un point à l’ordre du jour facile à discuter, mais il est essentiel que la direction l’aborde. La planification de la relève est primordiale pour la durabilité d’un cabinet à l’avenir, tout particulièrement puisqu’elle concerne le transfert de savoir et de relations aux nouveaux dirigeants. La situation de chaque cabinet juridique est différente, mais voici quelques étapes que nous avons trouvées efficaces pour encourager une planification de relève plus souple de façon à ce que le cabinet puisse continuer à fructifier alors que les associés prennent leur retraite.
Quantifier le risque pour voir quel est l’enjeu
De nombreux cabinets n’ont pas une idée claire de leurs risques et exposition à une perte éventuelle en raison de la vague de retraite imminente. Déterminer le montant de revenus du cabinet qui est lié à chacun des associés et évaluer la proportion de ces revenus qui pourrait être perdue lors du départ de ces associés donneront une idée des questions en jeu. Mandater un conseiller professionnel externe, notamment des conseillers qui ont travaillé avec un large éventail de cabinets juridiques et comprennent comment établir des évaluations sur un flux de revenus, peut ajouter de la transparence et de l’exactitude à ce processus.
Revoir les ententes d’association et les modèles de dédommagement
Les cabinets devraient revoir leurs ententes d’association et leurs modèles de dédommagement pour assurer qu’elles ne comprennent pas des clauses qui auraient pour effet de dissuader un associé âgé de participer activement à une planification de la relève. Le dédommagement d’associé dans les années précédant immédiatement la retraite, ainsi que le déboursement de rentes – s’il en est un – devraient être liés à une transition réussie des relations clients.
L’associé directeur doit parrainer la planification de la relève
Nous avons découvert que dans la plupart des cabinets juridiques, peu d’initiatives se concrétisent – tout particulièrement les changements culturels et structurels importants – sans le concours actif de l’associé directeur. Ceci devrait inclure un changement important, comme une disposition qui récompenserait et encouragerait les associés actionnaires à soutenir la succession des relations clients.
Créer une culture et un processus autour de la planification de la relève
Avec tant d’obstacles élevés contre une planification de la relève efficace, il peut être nécessaire d’établir clairement quels changements de comportement doivent être effectués pour soutenir une bonne planification de la relève. Ceci peut comprendre la mise en place de normes sur la manière dont on s’attend à ce que les associés fassent participer les jeunes professionnels à des réunions avec des clients, à la gestion de dossiers et à la responsabilité de rechercher de nouveaux mandats auprès de clients existants. Le processus de relève devrait s’accompagner d’étapes capitales et d’échéances qui doivent être atteintes.
Créer des incitatifs pour les associés en vue de soutenir la planification de la relève
Une fois qu’un processus clair de planification de la relève est établi, il devrait y avoir des récompenses financières pour les associés qui ont atteint des étapes capitales reconnues. Il est important que les associés débutants soient convaincus de l’utilité du plan et que les associés chevronnés aident les associés débutants à faire fructifier le cabinet.
Créer une culture qui développe la prochaine génération d’associés
Il est bon d’avoir des associés chevronnés qui participent à un plan de transition, mais il est aussi important d’assurer que la prochaine génération d’associés soit préparée à prendre cette responsabilité. La création d’un environnement qui est axé sur le développement des compétences de leadership des talents les plus prometteurs du cabinet est la clé. Le mentorat formel et les programmes d’encadrement ainsi que de l’apprentissage solide et des programmes de développement axés sur des aptitudes
personnelles serviront bien les cabinets.
Il n’y a pas de solution magique pour régler les questions de planification de la relève auxquelles font face les cabinets juridiques. L’attention envers ces questions et une approche axée sur les affaires peuvent aider beaucoup, mais ne sous-estimez pas le temps qu’il faut consacrer pour transférer adéquatement des relations. Le processus ne se produit pas du jour au lendemain et un effort véritable ainsi qu’un engagement réel sont nécessaires. De la même manière que les clients des cabinets juridiques se fient à leur conseiller juridique pour les aider avec les questions dépassant leurs compétences, les cabinets juridiques peuvent compter sur des conseils d’expert en planification de la relève de la part de conseillers pour qui ces questions sont familières et qui ont les aptitudes nécessaires pour les aider.