Sociétés d’exploitation agricole et déductions accordées aux petites entreprises

19 déc. 2017

Le gouvernement du Canada est connu pour avoir en tout temps accordé son soutien au secteur agricole, par l’intermédiaire de dispositions avantageuses dans la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi) et d’autres stratégies. Récemment, le gouvernement a annoncé son intention d’abaisser le taux d’imposition des petites entreprises et de le faire passer de 10,5 % à 10 % à compter du 1er janvier 2018 et à 9 % à partir du 1er janvier 2019, des réductions qui encourageront davantage les agriculteurs à constituer en société leurs exploitations agricoles. Bien qu’il ne s’agisse tout compte fait que d’un report d’impôt, cet abaissement sera d’une aide certaine à de nombreux agriculteurs — en particulier ceux qui ont contracté des dettes à des fins de financement — en leur permettant notamment de disposer de plus liquidités après impôts et de rembourser plus rapidement leurs dettes.

Malheureusement, les changements introduits par le budget fédéral de 2016 aux règles régissant la déduction accordée aux petites entreprises (qui avaient pour but d’« attraper » les sociétés qui font un usage abusif de telles déductions) sont en train de compliquer les choses pour les agriculteurs ayant constitué leurs entreprises en société et de leur causer des inquiétudes. Ces changements restreignent nommément la capacité des entreprises agricoles (sociétés d’exploitation agricole) à réclamer de petites déductions pour nombre d’opérations commerciales courantes. Les modifications apportées au régime des déductions accordées aux petites entreprises sont discutées dans l’alerte fiscale de novembre 2016. Cet article, quant à lui, met l’accent sur les implications des changements apportés à l’imposition des sociétés agricoles.

Qu’est-ce qui a changé ?

Les changements concernent les années d’imposition commençant le 22 mars 2016 ou après. Le terme « revenu de société déterminé », tel qu’introduit dans la Loi, s’appliquera aussi à tout revenu actif (c.-à-d., revenu issu de l’exploitation active) d’une société agricole provenant de la fourniture de biens et services à une société privée, s’il se trouve que la société agricole ou l’un de ses actionnaires ou une personne ayant un lien de dépendance avec l’actionnaire détient des intérêts financiers directs ou indirects dans cette société privée. Le terme « direct et indirect » englobe aussi un faible pourcentage d’actions. Le terme « intérêt indirect » a, quant à lui, une portée large et peut inclure la détention d’actions par l’intermédiaire d’une corporation de portefeuille, la détention d’options ou de droits d’acquisition d’actions, les bénéficiaires de fiducies et plus encore. Les intérêts indirects incluent également tout montant prêté à la société.

Conséquences pour les sociétés agricoles

Les revenus traités comme des revenus de société déterminés ne seront pas admissibles à la déduction accordée aux petites entreprises (DPE). La société privée recevant les biens ou services peut assigner (c.-à-d., partager) une partie de son crédit de DPE à la société agricole. Dans de tels cas, la Loi accorde les pleins pouvoirs à l’ARC pour déterminer la justesse du pourcentage transféré. Les agriculteurs sont conscients que les règles actuelles en matière d’imposition de sociétés associées exigent que les sociétés agricoles partagent leur crédit de DPE avec leurs sociétés associées. Ajoutées aux règles relatives à l’imposition des sociétés associées (connues pour leur complexité), les règles établies à l’encontre des revenus de société déterminés rendent les choses encore plus difficiles pour les sociétés agricoles qui souhaitent se conformer aux exigences de la Loi — d’autant plus que l’ARC semble être seule habilitée à déterminer les montants des revenus de société déterminés concernés par la réglementation.

Si la totalité ou la quasi-totalité du revenu actif annuel d’une entreprise agricole provient de transactions conclues avec des tiers non liés (c.-à-d., des tiers qui n’entretiennent aucun lien de dépendance avec l’entreprise), ce revenu bénéficiera, de par les dispositions de la Loi, d’une exonération complète aux règles relatives aux revenus de société déterminés. Le terme composé « totalité ou quasi-totalité » n’est pas défini dans la Loi, mais l’ARC l’interprète comme « 90 % ou plus ».

Un exemple de la façon dont ces changements affecteront les sociétés d’exploitation agricole

En règle générale, les agriculteurs basés dans les régions rurales préfèrent faire des affaires avec des entreprises basées dans leurs communautés respectives en raison des liens solides et personnels tissés avec leurs clients et leurs fournisseurs à travers les générations. C’est plus logique, par exemple, pour une société agricole basée dans une zone rurale de vendre des semences à une société privée basée dans la même communauté ou d’utiliser les services de camionnage ou les services personnalisés de cette même société. Si la société privée appartient à un membre de la famille ou est liée à la société agricole et si le revenu provenant de la vente de semences à cette société privée est supérieur à 10 % du revenu total de la société agricole, ce revenu sera considéré comme un revenu de société déterminé et ne sera pas admissible à la déduction accordée aux petites entreprises. En d’autres termes, la société agricole ne pourra tirer profit de l’abaissement du taux d’imposition fédéral prévu pour 2018 (réduction à 10 %), à moins que la société privée ne décide de partager une partie de son crédit de DPE avec elle.

Si le revenu imposable de la société privée est égal ou supérieur au seuil établi pour les petites entreprises (500 000 $), elle ne voudra probablement pas partager ce crédit avec la société agricole. De plus, si son capital imposable est supérieur au seuil établi (15 millions de dollars), la société privée n’aura aucun crédit de DPE à partager avec la société agricole.

Le terme « revenu » signifie « revenu net » (après déduction des dépenses) dans le cadre des règles établies à l’encontre des revenus de société déterminés. Dans l’exemple ci-dessus, la société agricole doit faire le suivi des dépenses liées aux ventes de semences à la société privée afin de déterminer si le « revenu net » concerné sera traité comme un revenu de société déterminé.

Conséquences pour les sociétés agricoles qui font des affaires avec des sociétés coopératives

Les entreprises agricoles qui vendent des produits à des sociétés coopératives ne pourront accéder pleinement à la DPE. En réponse aux inquiétudes du public à ce sujet, le gouvernement a introduit des modifications à la Loi à l’encontre des sociétés agricoles faisant des affaires avec des coopératives agricoles admissibles, dans le but notable de les exclure des nouvelles mesures. Cependant, les sociétés agricoles qui traitent avec des coopératives non admissibles et des structures semblables à des coopératives seront toujours concernées par les nouveaux changements.

Le respect des nouvelles règles sera difficile

Les modifications apportées aux règles relatives à la DPE sont profondes. Il sera difficile à de nombreuses sociétés agricoles de savoir avec certitude si leurs transactions seront assujetties aux nouvelles règles. Si tel n’est pas le cas, il leur appartiendra d’en faire la preuve, au risque de devoir payer des impôts supplémentaires et peut-être même des pénalités et des intérêts. En attendant que le gouvernement introduise des changements à la Loi pour en corriger les conséquences involontaires, les sociétés agricoles devront analyser leurs sources de revenus pour déterminer si celles-ci seront concernées par les règles relatives aux revenus de société déterminés.

Votre conseiller en fiscalité agricole auprès de Collins Barrow peut vous aider à mieux comprendre ces règles et à déterminer l’impact de ces changements sur votre société agricole.

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